J'ai l'impression que souvent, quand on parle de "mérite" dans ce genre de discussions, les gens qui revendiquent ce mérite veulent dire : j'aurais pu me tourner les pouces mais j'ai choisi de ne pas le faire.
Je me rappelle une de mes profs qui me racontait avec l'air désespéré que dans son autre lycée de région parisienne, elle avait un élève qui n'en glandait pas une et sur lequel elle n'avait aucune prise pour l'encourager parce qu'en rendez-vous parents-prof, les parents lui avaient répondu devant le gamin que c'était pas grave parce que "on n'a jamais eu besoin de travailler, dans la famille, de toute façon". J'ai l'impression que souvent, il y a le besoin de dire "promis, je ne suis pas un fils à papa incompétent que tout le monde est obligé de se coltiner parce qu'il est là par piston". Quand on est privilégié ou chanceux ou peu importe comment on appelle ça, au fond, je suis sûre que tout le monde préfère qu'on ne s'en serve pas pour être un boulet. C'est tant mieux si on n'abuse pas de ses privilèges, si on travaille et qu'on sert à quelque chose, mais ça ne veut pas dire qu'on mérite notre situation plus qu'un autre. Et quelqu'un qui travaillerait autant, serait tout aussi compétent, mais qui partirait d'une base plus précaire aurait bien plus de difficulté à arriver dans une situation similaire.
En fait, j'ai l'impression qu'on a les mots pour parler des pauvres, on veut bien dire "défavorisé", "déshérité", "pauvre", "démuni", mais qu'on a beaucoup de mal à nommer les riches. Personne ou presque ne se dit riche, d'ailleurs. Même "aisé", les gens ont du mal.
S'il y a des défavorisés, c'est bien qu'il y en a qui sont favorisés, s'il y a une classe pauvre, c'est qu'il y a une classe possédante, etc. On chipote toujours sur le curseur, mais au final, on se focalise tellement sur le curseur qu'on se refuse à dire les termes ( : bourgeois ).
On se focalise même sur le curseur entre personnes qui appartiennent à la même classe sociale, on se divise entre classe moyenne + et classe moyenne - et "vrais pauvres" et "cassos glandeurs assistés" au point qu'on en oublie de s'allier ensemble (voire que certains s'allient avec l'adversaire et luttent contre leurs propres véritables intérêts parce qu'ils ne considèrent pas comme faisant partie de la classe laborieuse mais comme de futurs potentiels riches temporairement indisposés ). En vrai, on le sait quand on est riche, même si la plupart vont tortiller du cul et dire que ils sont "plutôt à l'aise, mais c'est dur de mettre autant de côté que je voudrais, et le mois dernier, c'était difficile parce qu'on a dû refaire toute la climatisation de la résidence secondaire sur la côte d'Azur".
C'est bien réfléchir sur soi, d'avoir de l'humilité, d'avoir conscience de sa position sociale et d'agir en fonction, de s'éduquer et de lire de la théorie (qui soit autre chose qu'un fil twitter), mais ce n'est pas un concours à points pour savoir qui de l'infirmière ou de la secrétaire a le plus ou le moins de privilèges même si l'une fait un boulot moins physique et que l'autre est déjà partie en vacances. @Quelhya L'adversaire, c'est pas le commerçant qui tient sa boutique, c'est le gars qui en possède toute une chaîne, ou qui possède les usines, etc. (Admettons que si ledit commerçant a deux-trois employés, on peut se pointer lui dire "Connaissez-vous les coopératives ?" si on veut ) C'est pas la poissonnière du coin qui s'achète une maison en lotissement, le problème, ou même qu'elle loue son ancien local une fois partie à la retraite parce que sa retraite est pourrie et que ça l'angoisse de pas pouvoir payer des études à ses enfants. C'est complètement compréhensible que les gens jouent le jeu du système, et tentent d'en tirer profit, d'autant que c'est parfois par peur (de ne pas avoir de retraite, de ne pas pouvoir payer des études à ses enfants, que ses enfants n'aient nulle part où se loger un jour), le problème c'est qu'on a la possibilité de tirer profit comme ça.
Je disais la même chose sur le sujet de l'empreinte carbone et des gens qui voyagent en avion, le problème c'est pas que Machine préfère évidemment payer 20€ pour faire un trajet d'une heure plutôt que 150 pour 5 heures, c'est plutôt le simple fait que l'option existe. Pourquoi on peut avoir cinq, dix, cinquante logements ? Quelle utilité sociale ça a ? Quel bien ça fait ? Pourquoi on peut faire payer des gens juste parce qu'ils sont pauvres (loyers parce que trop pauvres pour acheter, frais bancaires parce que dans le rouge, etc) ? Pourquoi on peut posséder des dizaines d'entreprises, racheter la moitié des médias, mettre ses usines où on veut ? Pourquoi on a le droit de se payer cinq fois, dix fois, cent fois plus que ses employés ? En quoi est-ce dans l'intérêt de la majorité ? (Spoiler : ce n'est pas dans l'intérêt de l'écrasante majorité de la population.)
(Et je fais du hors sujeeeeet. )
Je me rappelle une de mes profs qui me racontait avec l'air désespéré que dans son autre lycée de région parisienne, elle avait un élève qui n'en glandait pas une et sur lequel elle n'avait aucune prise pour l'encourager parce qu'en rendez-vous parents-prof, les parents lui avaient répondu devant le gamin que c'était pas grave parce que "on n'a jamais eu besoin de travailler, dans la famille, de toute façon". J'ai l'impression que souvent, il y a le besoin de dire "promis, je ne suis pas un fils à papa incompétent que tout le monde est obligé de se coltiner parce qu'il est là par piston". Quand on est privilégié ou chanceux ou peu importe comment on appelle ça, au fond, je suis sûre que tout le monde préfère qu'on ne s'en serve pas pour être un boulet. C'est tant mieux si on n'abuse pas de ses privilèges, si on travaille et qu'on sert à quelque chose, mais ça ne veut pas dire qu'on mérite notre situation plus qu'un autre. Et quelqu'un qui travaillerait autant, serait tout aussi compétent, mais qui partirait d'une base plus précaire aurait bien plus de difficulté à arriver dans une situation similaire.
Cette notion fait aussi écho à certains contestataires des "privilèges blancs" ou "privilèges masculins" etc.
Je vois pas mal d'homme CIS dans mon entourage qui ont ce genre de réflexion. Ils contestent le fait d'être privilégiés car pour eux, ce ne sont pas eux qui ont des privilèges, leur situation devrait être la norme pour tout.e.s. ils ne se sentent pas "privilégiés, ils considèrent par contre que les femmes/racisés/lbtq+... sont lésés, sont traités moins bien que le curseur qu'ils considèrent comme la "norme" qui devrait être.
En fait, j'ai l'impression qu'on a les mots pour parler des pauvres, on veut bien dire "défavorisé", "déshérité", "pauvre", "démuni", mais qu'on a beaucoup de mal à nommer les riches. Personne ou presque ne se dit riche, d'ailleurs. Même "aisé", les gens ont du mal.
S'il y a des défavorisés, c'est bien qu'il y en a qui sont favorisés, s'il y a une classe pauvre, c'est qu'il y a une classe possédante, etc. On chipote toujours sur le curseur, mais au final, on se focalise tellement sur le curseur qu'on se refuse à dire les termes (
On se focalise même sur le curseur entre personnes qui appartiennent à la même classe sociale, on se divise entre classe moyenne + et classe moyenne - et "vrais pauvres" et "cassos glandeurs assistés" au point qu'on en oublie de s'allier ensemble (voire que certains s'allient avec l'adversaire et luttent contre leurs propres véritables intérêts parce qu'ils ne considèrent pas comme faisant partie de la classe laborieuse mais comme de futurs potentiels riches temporairement indisposés ). En vrai, on le sait quand on est riche, même si la plupart vont tortiller du cul et dire que ils sont "plutôt à l'aise, mais c'est dur de mettre autant de côté que je voudrais, et le mois dernier, c'était difficile parce qu'on a dû refaire toute la climatisation de la résidence secondaire sur la côte d'Azur".
C'est bien réfléchir sur soi, d'avoir de l'humilité, d'avoir conscience de sa position sociale et d'agir en fonction, de s'éduquer et de lire de la théorie (qui soit autre chose qu'un fil twitter), mais ce n'est pas un concours à points pour savoir qui de l'infirmière ou de la secrétaire a le plus ou le moins de privilèges même si l'une fait un boulot moins physique et que l'autre est déjà partie en vacances. @Quelhya L'adversaire, c'est pas le commerçant qui tient sa boutique, c'est le gars qui en possède toute une chaîne, ou qui possède les usines, etc. (Admettons que si ledit commerçant a deux-trois employés, on peut se pointer lui dire "Connaissez-vous les coopératives ?" si on veut ) C'est pas la poissonnière du coin qui s'achète une maison en lotissement, le problème, ou même qu'elle loue son ancien local une fois partie à la retraite parce que sa retraite est pourrie et que ça l'angoisse de pas pouvoir payer des études à ses enfants. C'est complètement compréhensible que les gens jouent le jeu du système, et tentent d'en tirer profit, d'autant que c'est parfois par peur (de ne pas avoir de retraite, de ne pas pouvoir payer des études à ses enfants, que ses enfants n'aient nulle part où se loger un jour), le problème c'est qu'on a la possibilité de tirer profit comme ça.
Je disais la même chose sur le sujet de l'empreinte carbone et des gens qui voyagent en avion, le problème c'est pas que Machine préfère évidemment payer 20€ pour faire un trajet d'une heure plutôt que 150 pour 5 heures, c'est plutôt le simple fait que l'option existe. Pourquoi on peut avoir cinq, dix, cinquante logements ? Quelle utilité sociale ça a ? Quel bien ça fait ? Pourquoi on peut faire payer des gens juste parce qu'ils sont pauvres (loyers parce que trop pauvres pour acheter, frais bancaires parce que dans le rouge, etc) ? Pourquoi on peut posséder des dizaines d'entreprises, racheter la moitié des médias, mettre ses usines où on veut ? Pourquoi on a le droit de se payer cinq fois, dix fois, cent fois plus que ses employés ? En quoi est-ce dans l'intérêt de la majorité ? (Spoiler : ce n'est pas dans l'intérêt de l'écrasante majorité de la population.)
(Et je fais du hors sujeeeeet. )