Je sais que c'est pas exactement ici que ça a sa place mais je ne sais pas où l'écrire.
Je suis en train d'abandonner mes parents. Pour le contexte, ils ont soixante six et soixante neuf ans, et à part quelques pépins de santé dûs a l'âge, ils pètent le feu.
Jusqu'ici, je disais que j'avais des parents "normalement défaillants" : j'ai toujours eu l'impression de passer derrière les autres (nous sommes quatre dans mon adelphie, je suis le deuxième enfant et la première fille), qu'il y avait toujours plus urgent/important à gérer que ma petite personne.
Je n'ai jamais été l'enfant dont les jeunes parents rêvent. Je suis une fille, je suis née malade (asthme, eczéma et problèmes de peau divers mais lourd, allergies mouvantes et tenaces). J'ai très longtemps été une bonne élève qui faisait ses devoirs seule, je savais m'occuper sans avoir besoin d'aide, j'aimais des choses qui leur étaient très lointaines, je suis "naturellement" (ah, le conditionnement social des filles aînées ...) devenue une grande soeur attentionnée/baby sitter pour ma petite soeur, nous avons sept ans d'écart. Bref, j'ai coché toutes les cases.... sauf deux. J'ai eu une adolescence pénible pour eux et j'ai échoué à apprendre à conduire. Avec ça ils ont fait leur job, ils m'ont élevée à être indépendante et ont payé mes études.
Suite à tout cela, j'ai décidé de ne plus faire d'efforts. Je ne décroche pas quand ils appellent, en général j'écoute leur message et j'envoie un texto si besoin. Je ne leur raconte rien. Ma vie ne les intéresse pas, je ne les intéresse pas.
C'est un constat amer. J'avance en âge, suffisamment pour savoir qu'on perd des gens qu'on aime plus vite qu'on ne les gagne, mais aujourd'hui je me pose la question : est-ce que je les aime, eux et mon adelphie ? Ce qui est sûr, c'est que je n'aurais choisi aucun d'eux, et aucun d'entre eux, à part peut-être ma soeur, ne m'aurait choisie.
Est-ce que ce n'est pas le moment de cesser de faire semblant ? D'arrêter de faire des efforts pour entretenir cette fable ? Ça leur fera de la peine, je le sais. Mais s'ils m'aiment, ils m'aiment si mal que ça m'abîme beaucoup plus que ce que ça m'aide. En fait, je crois que j'ai décidé d'en pas attendre que mes parents meurent pour devenir adulte. Et c'est difficile de faire une croix sur cette attention qu'on ne m'a pas donnée, sur le fait que je n'ai jamais été une priorité, sur le fait qu'en fait je n'aurais pas beaucoup moins d'importance si j'étais peur nièce ou leur voisine.