Mais pour "voir les choses en face" il faut qu'on puisse les voir, non?
Question racisme par exemple, je viens d'un milieu entièrement blanc. Vraiment. Quand j'étais au collège y'avait aucun.e arabe par exemple, et hormis les manouches (déjà bien sujets aux stéréotypes négatives), il y avait trois collégiens pas blancs issus de familles blanches et c'est tout (soit moins d'1 sur 100). Dans ce village et les villages alentours le FN fait entre 30 et 40%, et tu entends dire "vivement Marine" car "j'aime pas les arabes" (qu'ils ne voient en général qu'à la télé, ou si en vrai en allant dans une ville plus grosse, les croisent juste sans interagir avec eux).
Dans les coins dont je parle y'a des gens au RSA qui vivotent qui sont vraiment persuadés (et pas qu'eux) que l’Etat français donne plus d'aide aux immigrés / personnes d'origine immigrés qu'à eux. Il existe certes des discours qui disent le contraire (effectivement, c'est faux ce genre d'idée) mais aussi d'autres qui disent exactement cela (et pas que le FN), discours qu'ils voient à la télé, certes, mais aussi sur internet, à la radio, et surtout répandus aussi par leurs amis et proches. Tout ça soutenu par une idée comme quoi "eux essayent de s'en sortir" quand "les autres" ne "font rien pour" (idée aussi pas mal répandus dans les médias). À quelques "exceptions" près, le fameux "mais toi, tu n'es pas comme ça" par exemple.
Rajoute à ça le discours sur "l'insécurité" et la délinquance (pas vraiment aidé par les médias question racisme) et ça rend tout de même un chouïa difficile de "voir les choses en face" quand partout autour de toi justement ces choses elles ne sont pas claires du tout mais sont l'objet de discours contradictoires, biaisés et manipulés.
Tout ça pour dire que ce type de réalité biaisée s'alimente de plein de choses, et pas uniquement des médias, mais tout simplement aussi de l'entourage (la mixité socio-culturelle n'étant pas pour maintenant...).
Je ne dis pas que la volonté personnelle ne joue pas mais on retombe d'après moi encore sur l'éducation et le capital culturel: pour voir autre chose que ce qui nous semble "normal" et aussi "réel" (que ce soit niveau sexisme, racisme, etc) il me semble qu'il faut des outils pour, même si comme je l'ai dit ça ne fait pas tout de posséder ces outils (et beaucoup de gens très éduqués n'ont effectivement aucune volonté de vouloir sortir de leurs schémas de pensée).
"L'entourage social" ça rejoint la classe sociale là, non? (je ne suis pas sûre d'avoir compris ce que tu as dit). Par chez moi en tout cas l'entourage (avec lequel il y a pas mal d'interaction) est souvent de la même classe sociale.
Je commence par la fin de ton message : Pour l'entourage social, non je n'entendais pas ça dans le même sens que la classe sociale. Tu peux être issu d'une classe sociale très modeste mais où la culture est de partager, défendre l'autre, aider celui qui est dans le besoin, etc. Comme tu peux être entouré socialement de personnes sexistes / racistes et même classistes, quelque soit la classe sociale dont tu es issu.
Encore une fois pour moi le racisme, le sexisme, etc n'appartiennent pas à une classe sociale en particulier.
Donc quand je disais que l'entourage social a une influence, c'était pour dire que tu peux venir d'une classe sociale très modeste, ayant peu d'instruction, peu de moyens de se déconstruire, d'apprendre des concepts, et de connaitre des termes comme "domination systémique" mais avec un entourage qui sera quand même sensible au racisme/sexisme/classisme (sans pour autant savoir mettre des noms dessus). Certaines personnes le comprennent, elles sont issus d'un milieu modeste elle-même et ont assez d'empathie et de d'intelligence émotionnelle, ce qui leur permet de penser à autrui, de se mettre dans les chaussures des autres.
Pour la première partie de ton message ben disons que je sais bien que tu as raison (j'ai grandi à la campagne aussi, sauf que c'était nous les arabes du village). Disons que dans la grande majorité des cas ça va se passer comme tu dis (les gens ne peuvent pas voir les choses en face parce qu'ils n'ont pas accès à des "contre-discours"). Mais dans beaucoup de cas aussi, je pense que les gens se confortent aussi un peu dans certaines idées. Parce que même à la campagne, quand les gens ont un contre-exemple DEVANT LEURS YEUX, ils préfèrent rester scotchés au discours ambiant qui va pourtant à l'encontre de l'expérience qu'ils font dans leur quotidien. Ils vont préférer voir l'arabe du coin comme une exception alors que, d'habitude, les gens ont largement plus tendance à faire des généralisations sur leur propre expérience que de les considérer comme des exception. Mais là ils vont volontiers croire que nous on est sympas parce qu'on est "pas pareils". Et quand UN arabe fait un truc de travers, ils vont tomber sur le râble de tous les arabes et en profiter pour dire que ça confirme tout ce que disaient les autres, mais qu'ils n'ont jamais expérimenté eux-mêmes. Je ne sais pas si je suis claire. Ya quand même quelque chose de pas logique non?
Mais je sais que tu as globalement raison hein, je ne nie pas ce que tu dis. Je continue à répondre parce que c'est une bonne façon pour moi de réfléchir de façon constructive à ça, mais je ne cherche pas à te contredire à tout prix.