Veille Permanente Classisme

[Dame Andine cogite]

Le vrai problème qui se pose c'est que ça responsabilise les gens, on parle beaucoup de déterminisme social tout ça mais on est pas réduit à des données sociologiques surtout si on envisage la réussite autrement et c'est ce paradigme la qu'il faut surtout changer.

Je suis globalement d'accord avec ce que tu dis , et même la phrase que je cite, je suis presque d'accord... En fait, je suis d'accord en tant qu'effectivement il faut sortir de la logique du "subir" pour être acteur/trice de sa vie - je suis moi-même en pleine déconstruction des schémas familiaux sur ce terrain (entre autres ).
Sauf que pour déconstruire les schémas intériorisés et dépasser les déterminismes socio-économiques, il faut :
- les identifier !
- admettre que c'est plus compliqué pour certains que pour d'autres.
Exemple très concret, très récent :

Spoiler

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Même en tentant de sortir du paradigme de la réussite économique, d'une part, il y a tout ce qui est intériorisé - et c'est un sacré bagage - en terme de confiance en soi, estime de soi, confiance en ses compétences, en ses capacités d'apprendre, de mener un bien un projet... D'autre part, l'immense majorité des projets (même non professionnels, non économiques, "simplicité" etc.) réclame des fonds au départ.
Un exemple flagrant c'est l'icône de la simplicité volontaire Pierre Rabhi : il l'explique lui-même, il a dû faire un prêt pour un projet qui n'était pas du tout "bankable"... et en gros on l'a tuyauté auprès de la banque. Il a eu besoin de cet argent au départ, et si toutes les banques avait dit non, on n'aurait pas entendu parler du colibri.
Un autre exemple plus proche de moi : un gars croisé dans une formation a décidé de faire un tour du monde à vélo pour "coopérer autrement à la construction d'un monde meilleur". Cool. Avant il gagnait de sous. Il a investi dans l'immobilier. Il a un revenu locatif. Pendant qu'il pédale pour un monde meilleur, l'argent rentre. Bizarrement, je ne me sens pas aussi confiante pour m'embarquer dans ce type de projet. (Ce qui n'empêche pas que son projet soit sympa ! juste on n'est pas à égalité pour penser ce genre de projet.)
(J'en ai à la pelle des exemples de gens qui changent de vie, etc. Ils ont tous des fonds au départ - travail lucratif dans un premier temps avant de se rendre compte que "y a pas que l'argent dans la vie" et/ou contexte familial aisé. Si vous avez d'autres exemples, je suis preneuse... sérieusement ! - j'ai besoin d'exemples auxquels m'identifier .)
Je ne suis pas en train de dire "beuheuheu, je réussirai jamais" (quelle que soit cette réussite). Bien sûr que je me bouge et que je vais continuer à bouger, pour construire des projets, toussa toussa. Mais soyons réalistes. Faire des projets (quel que soit le domaine!), ça n'est pas pareil pour moi que pour mes amies qui ont eu un contexte économique aisé et trois filets moelleux pour les rattraper en cas de tuile. (ça m'empêche pas de les adorer hein ! )

 

[Shadeluna]

@Dame Andine cogite : Je ne sais pas si cela existe en Belgique, mais as-tu pensée sinon au micro crédit ? Certaines associations le font, en France le crédit Municipal le fait aussi.
Iels prêtent à des personnes exclus des prêts bancaires habituels, et les taux d’intérêt sont bas.

Spoiler: Exemple de conditions micro crédit en France

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[Dame Andine cogite]

@Shadeluna :

Spoiler: je dévie un peu du sujet

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ça devrait être faisable, donc je ne baisse pas les bras !
Je racontais plus cette épisode récent par rapport à l'attitude du "conseiller" qui m'avait reçue.
Mais merci pour l'info ! C'est bon à savoir qu'il y a cette possibilité en France .

 

[Dame Andine cogite]

@Dame Andine cogite leur prof leur a expliqué que le mythe du self-made man, de la personne qui part de rien et qui arrive à construire un empire, et bien c'est un mythe (comme son nom l'indique ). Mis à part quelques très rares exceptions, il faut toujours un capital de départ !

Ah ben voilà, merci !
ça m'avait choqué dans une émission, sur le bonheur... (il y avait certains passages intéressants : psychologie positive, toussa toussa... y a pas mal de ressources que je trouve utiles pour justement déconstruire les schémas pas terribles, les croyances limitantes...)
il y avait un passage complètement wtf dans cette émission : présentation d'un selfmade man... j'avais envie de dire : quel est le rapport avec la choucroute déjà ? (émission sur le bonheur / réussite financière au-delà d'un confort appréciable). Et aussi, c'est quoi le message ?! "bougez-vous les gens yaka faire comme lui et vous serez riches" ???
En imaginant qu'il était réellement un selfmade man, je trouve ça problématique d'exhiber ce genre d'exception ! C'est faire croire qu'au fond tout va bien, l'égalité est là, "tout le monde peut y arriver", "il suffit de...", et donc les pauvres, c'est de leur faute s'ils sont pauvres.

 

[Denderah]

Purée, mais ce que ça fait du bien de voir d'autres personnes pointer cette évidence du doigt, MERCI !

Dans tous les exemples de réussite que les gens donnent souvent pour dire "ya qu'à", étrangement, il est rarement évoqué le fait que ces personnes ONT LES MOYENS de se lancer dans leur projet.
Même pour des petites choses, comme pouvoir déménager, bizarrement, avoir des proches/des parents qui vous payent le loyer par exemple, ça aide beaucoup à pouvoir se prendre un appart quand on le souhaite.
Et ça c'est vraiment le détail que les gens dans ces cas là n'évoquent jamais.

Même dans les trucs humanitaires les plus altruistes, genre untel qui part défendre les plus démunis au quotidien dans un pays en guerre, en vivant avec eux pendant des années, etc. presque toujours, on passe très rapidement sur le fait que la personne avait un métier qui paye bien avant ça, ou une bonne situation financière par héritage ou mariage, ou un statut social important qui lui donnait accès à un bon réseau de contacts, etc.

Je crois que la seule personne connue qui se rapproche du mythe, est Mère Thérésa (et encore, même si elle a changé le monde (610 missions crées dans 123 pays !) beaucoup ne pense pas forcément à elle comme un exemple de réussite, mais davantage comme une vie de sacrifices altruistes pour les autres)
Et pourtant, même elle, au départ, venait d'une bonne famille, plutôt aisée. Et même si la situation s'est dégradée quand elle a perdu son père étant enfant, elle a eu la chance d'avoir une bonne éducation, d'apprendre à lire et à écrire, ce qui était assez rare et précieux à l'époque (début du 20ème siècle), et qui a sans doute beaucoup aidé par la suite, puisqu'elle a commencé son œuvre en Inde en étant enseignante et directrice dans une école religieuse pour les classes supérieures de Calcutta, avant de tout lâcher pour aller donner cours aux enfants pauvres dans la rue. Ce qui fait que même si ensuite elle a effectivement vécu dans le dénuement, elle avait tout de même un réseau social restant de son passé de directrice.

 

[Rosenrot_]

@Kiskeya : Effectivement, il ne s'agit pas que de classisme si on prend le tableau point par point, mais la réussite, le fait d'être heureux, c'est quand même très lié à l'argent, qu'on le veuille ou non. Peut-être que le mec du McDo de ton exemple est très sincèrement heureux et pleinement satisfait de sa vie, ou peut-être qu'en fait il reste tout simplement irréductiblement positif malgré un boulot qui lui pèse, peut-être qu'il est plutôt satisfait de sa vie mais qu'il aimerait pouvoir faire d'autres choses s'il en avait le temps et l'argent.
Inversement, je trouve que c'est cliché de penser que les gens qui sont égoïstes et qui écrasent les autres (le requin de la finance de ton exemple) sont forcément malheureux et que leur seule réussite est financière. A priori, si tu t'entoures de gens qui partagent tes valeurs (aussi douteuses soient-elles), tu peux vivre des relations très belles et très épanouissantes, par exemple.

De toute façon, comme je l'ai déjà dit, oui, c'est cool d'aspirer à être la personne de la colonne de gauche, mais c'est très naïf de penser qu'on sera récompensé par le karma. Et inversement, la colonne de gauche suggère quand même que si t'es malheureux, c'est peut-être un peu parce que t'es une personne horrible, en fait.
On ne pourra de toute façon pas être d'accord, je déteste les trucs soi-disant "inspirants" qui oublient quelques réalités factuelles. Genre, que la vie est injuste. Et qu'on vit dans une société qui limite beaucoup nos possibilités.

 

[Pochemuchka-Lilou]

Je ne sais pas si ça rentre vraiment dans le sujet, mais le dessinateur Riad Sattouf, après avoir appris qu'il allait recevoir la médaille de chevalier des arts et des lettres, a posté ceci sur Facebook (pokez-moi si vous n'arrivez pas à voir la publication).
Je trouve ça assez rafraîchissant qu'il ne fasse pas de son histoire une success-story à base de "j'ai tout fait tout seul" "c'est que du travail, donc du mérite" etc (les trucs évoqués par la BD partagée par @Anableps quoi).
Je trouve ça chouette qu'il assume que oui, il a bénéficié des aides de l'Etat ; il n'en fait pas une honte ; il ne parle pas non plus de lui comme un assisté ; et il se montre même heureux de pouvoir contribuer au fait que d'autres les touchent.

Vous en pensez quoi ?

 

[Aphor]

Bonjour vous
Je redécouvre le topic et ne suis pas encore très déconstruite sur la problématique classisme alors après ce message je retournerai vous suivre dans mon sous-marin, vos discussions sont super intéressantes en tout cas.
Ca fait maintenant plusieurs fois que je tombe sur Patron incognito (M6 à l'instant) et cette émission a l'air de très bien marcher vu que je vois des hashtags à foison, des commentaires fb, etc.
Sauf que franchement je la trouve hyper malaisante, en particulier le moment où ils "déguisent" les patrons en chômeurs, agriculteurs, employés etc. Je trouve ça insultant et finalement très français.
Il y a tellement d'autres trucs problématiques dans cette émission que ce serait trop long d'en faire le tour je crois, d'autant plus que je n'ai pas toujours les bons mots... bref voilà réflexion qui ne va nulle part mais j'avais besoin d'en parler, ça me prend la tête que personne ne trouve rien à redire à ce sujet dans mon entourage.

Sinon question un peu concon, est-ce qu'à partir d'un certain degré le CSA pourrait (théoriquement du moins) avoir la capacité d'intervenir en cas de "classisme avéré et violent"?

 

[Aphor]

@HeavyMetalAngel merci!
Bon je ne me faisais pas trop d'illusions non plus, merci pour ta réponse en tout cas

Un peu HS : Du coup depuis j'ai cherché vite fait des détails sur le CSA; Alors pour ceux que ça intéresse aussi et qui se demandent quelles sont leurs limites en termes de droit/pouvoir/devoir, je laisse ça ici, ce sont les articles de loi les concernant (3-1 à 20-4 je crois).
(Où je dois mettre ça ailleurs?)

Zou, je rembarque

 

[Rosenrot_]

Je suppose que vous n'aurez pas manqué cette magnifique polémique sur la réforme de la langue.

Et peut-être que vous l'avez également vu passer, mais au cas où :
Orthographe : le point de vue d’une professionnelle - Plaidoyer anarchiste pour le respect du vivant

 

[Kyubey]

@Rosenrot_
Je suis en licence de lettres et aujourd'hui j'ai entendu de ces perles classistes à propos des "idiot-e-s illettré-e-s à cause de qui on détruit la sacro sainte langue française".

 

[Ada or ardor]

Je suis en train de lire les commentaires de l'article sur la réforme justement, c'est ce qui m'amène ici. Je dois dire que ma lecture hyper récente d'En finir avec Eddy Bellegueule m'a bien éduquée question classisme. Je suis bien contente de l'avoir lu et d'avoir le témoignage Edouard Louis sur son milieu d'origine en tête (ok, ça s'appelle "roman", mais bon). Je dis pas que j'étais ignorante d'un point de vue théorique (ah, la socio !), mais ça n'a rien à voir. Du coup ça oriente pas mal ma lecture des commentaires..

(et @Rosenrot_ je savais pas du tout pour la réforme sur les allocations chômage )