veruca;4245468 a dit :
Bonjour bonjour ! J'ai parcouru quelques pages du topic que je trouve très intéressant en tant que parfaite néophyte quant aux questions de transsexualité.
Une question persiste dans mon esprit et je n'ose jamais la poser de peur de me faire allumer et taxer de transphobe. Du coup, je me suis dit qu'ici c'était plus bisounours.
A force de lire des témoignages de personnes trans, j'en suis venue à me demander si parfois, ça n'irait pas à l'encontre des études sur le genre.
Je m'explique : lorsque je lis que tel homme s'était toujours senti mal dans ce corps féminin et avait l'impression d'être né dans la mauvaise carcasse, je n'ai rien à redire.
En revanche, si ce même homme allègue qu'il préférait les voitures, voulait avoir les cheveux courts et n'aimait pas "les jeux de fille", je trouve ça assez sexiste dans le sens où être un homme, ce n'est pas ça. Là c'est être un homme selon le patriarcat. C'est être de genre masculin mais pas n'importe lequel : genre masculin défini par la société.
Je me demande comment on peut dire s'être senti homme quand on collait juste à un stéréotype de genre.
En fait, je ne vois pas bien comment on peut se sentir homme ou femme de façon psychique.
Je suis certes une femme biologique mais mon psyché est le même que celui d'un homme ou d'une autre femme. Les genres sont sociaux alors je vois mal comment un(e) gamin(e) peut dire "Je me sens femme" sans dire "Je suis soumis(e) aux conventions sociétales".
En fait, je crois que le seul genre auquel je crois c'est "humain" parce que je pense que notre sexe biologique n'influe en rien sur notre esprit et que seul notre éducation et notre environnement nous formatent.
Quand je m'identifie comme femme, je fais référence à mon état biologique et rien d'autre en fait. Et je me demande ce qu'il en est des autres : comment décident-ils de se dire de genre féminin ou masculin ou autre ?
Donc, peut-on dire par ex qu'une femme, née dans un corps masculin, s'est à la fois sentie flouée biologiquement et mentalement car elle était dans le mauvais corps et qu'elle acceptait l'idée que ses goûts et traits de caractère plus prononcés appartenaient au genre féminin plutôt qu'au masculin ?
Je me sens perdue en fait
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En fait, une fois qu'on a dépassé les deux genres qu'on nous a imposés, que l'on porte des robes ou des pantalons, que l'on ait des seins ou non, qu'importe nos organes sexuels, notre genre n'est-il pas quelque chose de flou ?
Comment peut-on alors se revendiquer de genre féminin ou masculin quand ceux-ci deviennent indéfinis ?
Je crois que je comprends bien mieux ceux qui se disent queer ou "autre".
Je vais tenter de te répondre, mais je tiens d'abord à préciser que c'est le type de question qui revient de façon super récurrente dans la bouche des personnes qui s'intéressent aux études de genres et qui continue de me blesser parce qu'elle implique, encore une fois, que je doive justifier mon identité. Donc non, je ne tiens pas à "t'allumer" ou à te "taxer de transphobe", mais il faut que tu saches l'effet que ta question peut faire à une personne trans
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Alors déjà, j'ai envie de clarifier une chose : c'est une chose assez récurrente aussi, de la part des personnes qui commencent à s'intéresser aux études de genres, que de dire : ah bah en fait le genre ça n'existe pas, c'est juste un outil d'oppression, faut supprimer le genre, on est tous humains après tout.
Ce type de discours est universaliste. Il revient à dire nous sommes tous pareils et que les différences n'existent pas. Sauf que c'est un discours à mon sens dangereux politiquement, puisqu'il occulte le fait que concrètement, si, les différences existent. Alors oui, elles résultent de constructions sociales. Mais ayant constaté cela, on ne pas se contenter de faire comme il elles n'existaient pas (puis que "de toute façon, c'est juste construit"). Ces différences ont des conséquences très concrètes sur nos vies, notre quotidien, sur les rapports de pouvoir et les dynamiques d'oppression. C'est important de pointer comment ces différences agissent. Si on fait comme si elles n'existaient pas, c'est en premier lieu la parole des opprimés qu'on invisibilise.
L'autre danger de l'universalisme, c'est que le monde dans lequel nous vivons est un monde masculin, blanc, hétéro, cisgenre. Toute notre culture, toute notre réalité est construite selon cette perspective, en silenciant les minorités et en déshumanisant leurs réalités. Pour que diverses réalités puissent coexister, il est important de redonner du pouvoir aux minorités : les personnes racisés, queer, trans, meufs. Si on décide de faire comme s'il n'y avait pas de différences, comme si l'on n'avait jamais construit de différences pour asseoir la domination masculine, blanche, hétéro et cisgenre, on empêche la prise de parole et de pouvoir des opprimés. L'universalisme n'est pas une solution politique.
Pour en revenir concrètement à l'identité de genre, la solution n'est donc pas de dire "bon bah ni meufs ni mecs, on est tous humains après tout" (dire ça, c'est ne rien déconstruire, c'est la mort du féminisme), mais de proposer des contre-réponses au système binaire et cisgenre, en vivant NOS identités diverses, multiples, variées, déviantes (Marie-Hélène Bourcier en parle un peu dans Queer Zones). Butch, fem, pédéE, transboy... Saturer le système de l'intérieur, puisque de toute façon, on ne peut PAS faire comme s'il n'y avait pas de système. Le système nous construit.
Ensuite, on ne peut pas, à mon sens, faire comme s'il n'y avait que des injonctions extérieures, et qu'on était neutre à l'intérieur. Nos fantasmes, nos désirs, nos rêves, nos identifications sont traversés et pétris d'éléments culturels et sociaux. Du coup, quand je dis que je suis un garçon, je ne dis pas "ma personnalité correspond plus aux normes de genre masculines, donc je suis un mec, voilà", NON. Ce que je dis, c'est que mes rêves, mes fantasmes, mes désirs, mes indentifications, sont empreints de garçonnité. Ils me font me sentir garçon, mon univers est garçon, entre autres... C'est assez insaisissable et difficilement explicable. Je pense que c'est sans doute le cas pour toi aussi ! C'est aussi bête que de préférer la glace à la vanille à la glace au chocolat. On ne sait pas expliquer pourquoi mais c'est comme ça, et on ressent bien cette préférence.
Voilà, j'espère t'avoir un peu éclairé ! Je termine mon message un peu abruptement parce que je suis obligé de partir, mais je viendrai peut-être développer plus tard.