Amélie ne portait que du noir. Amélie ne vivait que pour le noir.
Si le noir n’existait pas, il aurait fallu le lui créer.
Toujours vêtue d’une longue jupe et d’un chapeau haut de forme,
Amélie n’était pas une fille comme les autres
Elle le savait et elle en a longtemps jouait.
Elle s’était créé un personnage, un univers, un monde bien à elle
Dans lequel personne n’a jamais pu pénétrer.
Ou peut-être bien que personne n’avait jamais voulu
Mais la petite Amélie s’était fait prendre à son propre piège.
Elle était devenue étrangère à elle-même.
Etrangère à son propre corps, à ses propres émotions.
Elle n’était plus qu’une substance transparente, vide, mais on ne pouvait lire à travers elle.
Elle n’avait plus conscience d’elle-même.
Vivre en dehors de soi. Elle connaissait ça mieux que quiconque.
Que cachait-elle en elle ? Elle seule détenait ce secret.
Le secret de la peur. Une peur immense. Une peur grandiose.
Une peur enfouie au plus profond d’elle-même.
La peur de passer à côté de sa vie, de ne pas avoir d’envies, ou plutôt de ne pas pouvoir les vivre.
Oui car la petite Amélie n’était pas comme les autres enfants.
Elle savait son destin tout tracé, l’horloge de la vie, elle la savait démarrer.
Elle ne voulait pas s’amuser. Elle ne voulait pas traîner avec eux.
Elle ne voulait pas se pervertir, amoindrir ses capacités intellectuelles ni jouer à des jeux absurdes d’enfants de son âge.
Elle, ce qu’elle désirait, c’était apprendre.
Apprendre dans les livres, apprendre dans la nature, apprendre par elle-même, pour ne devoir de compte à personne.
N’écouter qu’elle et ne pas se laisser influencer par les opinions d’autrui.
Elle voulait vivre dans son monde, sans préjugés, sans opinions.
Elle ne voulait pas se laisser détruire davantage que par la roue du temps.
Alors un jour Amélie a couru, couru jusqu’à ne plus pouvoir s’arrêter.
Elle courut en direction d’un lac, peut-être pour se ressourcer.
Peut-être pour découvrir un nouvel aspect de la vie et être en adéquation avec la nature.
Elle voulait sortir de ce corps, s’observer de l’extérieur,
Oui, car elle ne le pouvait pas de l’intérieure, étrangère à ses sentiments.
En arrivant auprès de ce lac, elle ne se reconnaissait pas
Mais elle ne voyait personne ni rien d’autre autour d’elle
Elle prit enfin conscience de son corps, de tout son être
Loin des préjugés, loin des agressions extérieures, loin du monde contemporain dans lequel elle vivait
Oui, car c’est de cela dont elle avait peur
C’est en prenant conscience de son corps, en prenant conscience qu’elle l’habitait entièrement qu’elle décida de ne plus prêter attention au regard d’autrui et de vivre sa vie comme bon lui semble
Sans pour autant s’isoler, sans pour autant appréhender le monde extérieur
Elle était désormais armée, armée à tout jamais
Et prête pour un nouveau départ !