Je voulais te voir avant que tu partes, parce que je voulais te dire "Je t'aime". Je voulais que tu le saches. Mais tu es parti avant. La voix de Papa a dû te rassurer. Ton frère était là, comme toujours, alors tu t'es dit que c'était le moment. T'avais confiance, il était là pour te protéger. Alors doucement, tu es parti.
Moi j'étais dans le couloir. Et j'ai vu la porte s'ouvrir. Et Papa est tombé par terre en hurlant que tu étais mort. J'ai eu la même sensation que si j'avais été soufflée par une explosion.
Tu avais dû sentir que j'avais peur. J'avais peur de pas savoir quoi te dire. J'avais peur que tu partes quand j'étais là. J'avais peur de me mettre à crier. Ou de pleurer tellement que j'arriverais pas à te parler. Alors tu as pris les devants.
Depuis samedi soir, j'étais au fond du trou parce que je ne t'avais pas dit "Je t'aime" avant que tu t'en ailles. Je me disais que tu n'avais jamais su que je t'aimais, j'avais cette impression de ne jamais te l'avoir dit. C'est vrai, c'est tellement évident quand on s'aime qu'on pense pas à le dire, en plus on est tellement pudiques comme des cons qu'on ose pas se dire des trucs comme ça alors on joue au bonhomme...
Hier soir, avant de me coucher, j'ai pris mon téléphone et j'ai ouvert notre conversation. Je n'avais jamais effacé les messages, alors il y en avait... Je les ai tous relu... Et depuis toujours, je finissais mes messages en te disant je t'aime. À chaque fois que tu partais pour tes chimios, à chaque fois que tu en revenais, à chaque fois que je venais te voir, à chaque fois que tu es parti pour l'hôpital et que j'avais peur de ne pas te revoir... Je te l'ai dit, "Je t'aime". Peut-être même plus qu'à n'importe qui. Et la dernière fois qu'on s'est vus en vrai, on a passé du temps tous les deux à se parler. Tu m'as parlé comme à une adulte, j'avoue que je me suis sentie importante, mais j'ai pas fait ma crâneuse. J'ai eu cette impression désagréable et en même temps unique que tu me parlais pour la dernière fois. Tu m'as dit que tu m'encourageais. Que tu serais là. Que tu avais toujours cru en moi, que tu avais toujours eu une confiance aveugle en moi. Et tu m'as dit "Je t'aime" un nombre incalculable de fois. J'avais l'impression que c'était la première fois que tu me le disais.
Cette nuit, j'ai dormi comme un tas, ça faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé. J'ai dormi avec le sentiment qu'au final, ce que je croyais ne jamais t'avoir dit, je n'avais pas cessé de te le dire.