@Nastja
On est d’accord que c’est bizarre de faire des activités de loisir par sens du devoir, hein ?
Au bout d’un moment, ça va parce que c’est intégré à ma routine et cela me demande peu d’efforts mais… c’est comme si j’avais passé ma vie sur mode « difficile » par inadvertance à un moment. Je suis contente d’avoir fait l’activité en question mais c’était dur d y aller (et parfois dur de le faire). Et si je ne faisais rien ? Ben, j’ai déjà essayé ça et ça ne change pas grand-chose. Je culpabiliserais sans doute de ne rien faire de ma vie en plus de ça. J’ai l’impression d’avoir essayé les deux solutions possibles (trouver un truc qui me convienne mieux ?).
En tout cas, l’image de la salle d’attente me fait penser à un passage de
Committed, d’Elizabeth Gilbert (elle s’était jurée de ne plus jamais se marier -cf
Eat, Pray, Love- et elle y est pourtant contrainte, donc elle décide d’étudier cette étrange institution qu’est le mariage) : une de ses amies se rend un jour compte qu’elle attend depuis des années que « sa vraie vie commence », autrement dit dans son cas, qu’elle rencontre Mr Right et qu’il l’épouse. En bonne californienne, elle décide alors de construire une barque qui symboliserait cette croyance avant de la laisser prendre le large et de l’immoler. Enfin libre ! Bon, cette méthode marche moyennement pour moi parce que je n’ai pas d’idée précise de ce qui m’empêche de cueillir le jour.
Mais oui : je me doute que ce contrat ne sera pas la panacée, que je me focalise sans doute dessus pour éviter de penser à quel sens plus global donner à ma vie. C’est une sorte de stratégie de fuite et une raison concrète d’être stressée. Et puis ça me donne une échéance et une structure. Ou le stress comme refuge contre l’angoisse existentielle !
«
fake it until you make it » : ça me parle aussi.
Ca me donne l’impression que mon existence se passe sur scène et que je suis obligée de faire bonne figure jusqu’à ce que le rideau tombe alors que j’ai aucune idée de ce qu’il faut faire. Et puis le rideau tombe : je meurs ? J’ai trouvé du sens à mon existence? Une valeur intrinsèque à ma personne ?
Est-ce qu’on peut être heureuse à deux si on est incapable de l’être seule ? J’ai l’impression que c’est faire porter sur l’autre (ou les autres si on fonde une famille) une lourde charge. Le couple et la famille sont présentés comme des sources d’épanouissement quasi-incontournables mais c’est rare pour moi de voir un couple de près que j’envie. Pareil, dans ce que me racontent les gens parents à propos de leurs enfants, je trouve rarement des causes de réjouissance. Sur leurs animaux de compagnie, oui, par contre.
Est-ce que c'est par pudeur ? Est-ce que c'est impartageable (alors que c'est pas le cas des animaux de compagnie ?) ?
Peur du rejet, peur de l’échec : check ! Pour le coup, j’ai l’impression que je porte en moi ce problème depuis… longtemps, sans pouvoir y trouver une cause particulière (pour le coup, j’ai une mère plutôt
cheerleader en mode « wow, trop cool ce que tu fais, omg ». Alors c’est rassérénant… tant que j’avance et que je fais des trucs, cela dit. Je ne sais pas si c’est contradictoire mais je n’ai pas l’impression pour autant d’avoir manqué de l’amour inconditionnel qui construirait un sujet complet et fonctionnel (ici : apte au bonheur)).
Bon, alors rien qui décape particulièrement mais j’ai l’impression d’être une poule devant un couteau. Je fais quoi, du coup ? Moins de faire, plus d’être, je suppose, mais je vois pas comment.
Eh puis, c’est de la philosophie de comptoir mais, sur la valeur qu’on s’accorde : ben je vois pas. Je pars du principe que tout le monde est doté d’une valeur minimale en tant que personne qui nous confère une dignité. Ok, mais après ? Est-ce que les qualités que je pense posséder ajoutent des couches à cette valeur de base ?
C’est un sentiment qu’on est censé avoir ou on peut objectiver notre réponse en partant des qualités qu’on se prête / qu’on nous prête ?
Je pense à mon cours de philo de terminale et un texte de Pascal qui nous disait que le moi était dénué de qualités puisqu’on pouvait les perdre toutes (beauté, intelligence, charisme, que sais-je) sans pour autant mourir. Si l’estime que je me porte, la valeur que je m’accorde est conditionnée par la perception que j’ai de mon intelligence, ma beauté, que sais-je… Que se passe-t-il quand je vieillis (parce que beauté féminine rime davantage avec jeunesse que maturité) ? Quand j’échoue dans une tâche intellectuelle ? Si je suis censée me trouver belle ou intelligente (ou charismatique et gentille, que sais-je) quoi qu’il advienne, quelle légitimité accorder à ce jugement ?