Je ne comprends pas comment font les hommes politiques pour jongler entre leurs contradictions et leur appartenance à un parti. Euh précisons tout de suite que je suis une grosse brêle en politique et que je n'y connais vraiment pas grand chose, parce que j'ai du mal à savoir ce avec quoi je suis d'accord, et ceux avec qui je suis d'accord. Donc oui je vous préviens, ce message est certifié noob politique et va être très brouillon !
Je trouve ça fou, l'autre jour, je crois que c'était devant un débat Le Pen/Valls, j'ai plein de questions qui m'ont sauté à la figure d'un coup. Je me suis demandée comment on faisait, en tant que personne (être humain) et pas en tant que statut (homme politique) pour toujours tenir son rôle. En fait ces gens-là, il faut qu'ils aient un minimum de cohérence. Leur métier, peut-être plus que n'importe quel autre, exige qu'ils soient cohérents tant sur le plan personnel que professionnel.
C'est une sorte de métier total, qui engage l'individu sous toutes ses facettes : ils n'ont pas le droit de dire tout et son contraire. Enfin, ils ont le droit, mais s'ils le font, ils risquent de perdre en crédibilité, et ils donnent à leurs adversaires des armes redoutables pour attaquer).
C'est quand même incroyable. Imaginons un homme politique de gauche (si on accepte qu'il y ait réellement une bipolarité tranchée gauche/droite) qui, à force d'entendre les arguments d'un homme politique de droite, cesse de croire en ce qu'il dit. Je suis sûre qu'il y en a. Des politiques qui tiennent des discours auxquels ils ne croient pas, ou auxquels ils ne croient plus.
Des hommes politiques dont le cœur a changé de côté, mais qui doivent continuer à tenir une ligne directrice et cohérente. Alors je sais, de toute façon, parler en termes de partis, de gauche et de droite, c'est arbitraire et figé. Parce qu'on peut très bien être d'un parti et avoir des idées un peu originales ou ne pas dire amen à tous les gens de notre parti. Ça bien sûr. Et évidemment on peut se rapprocher d'idées de droite en étant de gauche, et inversement. ça ok, ça me paraît le base.
Mais je cite cet exemple-là parce qu'il y a quand même une tradition politique bipartite, et que gauche/droite renvoi symboliquement à deux grandes inflexions de la pensée quand même. Du coup est-ce que parfois, le cœur de certains passe de la droite à la gauche ? Pas juste un détour ponctuel, mais un réel changement de bord, une réelle bifurcation dans l'univers symbolique des idées ? Si oui, si ces politiques le sentent, ça doit être hyper dur à vivre. Plus que de changer de parti, là c'est « passer de l'autre côté » symboliquement. (ok je pense qu'on reste quand même attaché à la tradition politique de notre pôle d'appartenance, mais si on n'en partage plus aucune idée, c'est plutôt l'attachement à un symbole, à un principe, qu'à des idées réelles. ça renvoi à un certain désenchantement, aux désillusions...)
D'accord les politiques sont rodés et compagnie, mais j'ai du mal à penser que certains ne finissent pas par être dégoutés du rôle qu'ils jouent sur la scène publique (en dehors même d'un changement de camp là). Ça doit être affreux quand notre image publique, nos discours, ne sont plus en adéquation avec ce qu'il y a au plus profond de nous. Je les imagine être d'accord avec leurs adversaires politiques, et continuer à jouer leur rôle en contredisant des personnes avec lesquelles ils sont d'accord au fond, même si ça les déchire de le reconnaitre. Et ils continuent à tenir ces discours, parce qu'ils se sont engagés, que faire marche arrière serait presque un suicide social. D'accord, la politique c'est un peu comme le tribunal, où l'avocat défend parfois des idées qui vont à l'encontre de ses valeurs internes. Et oui, tout comme partout, il y a certains politiciens plus passionnés que d'autres par leur métier. Et puis oui c'est un jeu. Mais je ne sais pas, c'est un jeu tellement responsabilisant que je trouve incroyable l'idée de se dire que même là, les gens peuvent tenir des discours formatés, « pour tenir au rôle », et non plus par conviction.
Et alors mais comment ça se passe ? Ils en parlent à quelqu'un quand ils perdent cette « foi » ? Ils se l'avouent à eux-même ? Ils arrêtent la politique ? Ils continuent mais n'ont plus la flamme ? Je ne comprends pas. Ça doit être douloureux quand ça arrive.