Aujourd'hui j'ai la rage.
Je me dis que j'ai fait 5ans d'études pour rien, parce que je ne suis même pas sûre de pouvoir enseigner avec ces réformes de merde qui ferment leurs portes même aux meilleurs, je peux me retrouver sans rien parce que je n'ai pas fait des études qui font du pognon.
Parce que connaître la littérature sur le bout des doigts, même en ayant ramassé tous les honneurs, vous comprenez ma ptite dame ça ne sert à rien.
Putain.
J'ai traversé le divorce de mes parents, les TS de presque tous les membres de ma famille (dont une qui a marché), une adolescence de merde avec des collégiens horribles qui se moquaient de moi, un frigo vide parce que ma mère - qu'on prenait pour la catin de la ville- n'arrivait pas à joindre les deux bouts. La banque alimentaire, j'ai encore l'impression qu'on me montre du doigt dans les supermarchés quand il y a des collectes, l'humiliation en classe quand il fallait donner du pognon pour des conneries. Et les copines qui ne comprenaient pas pourquoi je ne pouvais pas aller faire du shopping, alors que j'étais à des milliers de kilomètres de ces préoccupations là. J'avais des tocs, je jouais l'humeur de la journée à pile ou face, "si j'arrive à rattraper ce ballon en plein vol, demain personne ne m'embêtera au collège", je m'en rendais malade.
Merde quoi. Malgré tout ça, j'ai réussi, j'ai excellé en classe, je me suis défoncée, j'ai réussi à connaître du monde, à me cultiver. Mais aujourd'hui voilà, le manque de fric me ronge, parce qu'il bloque mes projets d'avenir. je commence à culpabiliser de faire ce séjour de rêve parce qu'il va me couter cher, et parce que j'embarque mon copain dans cette galère, qui lui aussi en a chié un max pendant longtemps.
Je ne sais plus à quoi ça rime d'avoir gardé la tête haute toutes ces années de galère pour finalement être prise pour de la merde par tout le monde. j'ai un bac+5 et je supplie ma chef pour avoir le droit d'aller laver des assiettes en plonge.
Et tout ça, toute cette adolescence de merde qui m'a bousillée, mes plus vieilles copines n'en savent rien. Elles ont tout eu, elles, et n'ont jamais saisi pourquoi moi ça ne me tentait pas d'aller photographier les pauvres gens en Roumanie, pourquoi moi j'ai plutôt des rêves de confort et de normalité. Ces histoires de parent qui financent tout, ça me fout les boules, ça me rend triste, j'aurais voulu avoir un peu de ça. Aujourd'hui je refuse de parler au mec de ma mère parce qu'il la frappe, et elle trouve que je ne fais pas d'effort et que je suis dure avec elle.
Maintenant j'en ai marre. J'ai envie qu'on sache que je ne suis pas parfaite et que, putain, on m'a rien donné à la base.
J'ai tout fait toute seule. Alors ceux qui croient que je suis pourrie gâtée parce que j'ai appris à sourire quoi qu'il arrive, qu'ils aillent se faire foutre.