En soi, c'est intéressant de se poser la question de qu'est-ce qui devrait être permis ou pas de faire dans l'espace public. (J'aurais personnellement tendance à dire que tout ce qui ne trouble pas l'ordre public devait être automatiquement autorisé - ce qui pose la question de "qu'est-ce qui trouble l'ordre public?" et qui déplace le débat.)
Mais on n'en est pas là. On en est à se demander si la manifestation du religieux devrait disparaître de l'espace public. Je trouve ça choquant, quelque part : la conception de la laïcité en France, ce n'est pas le respect de façon neutre et égale de toutes les religions, c'est l'invisibilisation de toute religion, de façon plus ou moins prononcée, la question se posant au final sur le degré de cette invisibilisation (avec, en plus, une certaine inégalité de traitement qui n'est pas sans lien avec le racisme).
Cette invisibilisation se fait d'ailleurs autant sur la manifestation du phénomène religieux dans l'espace public, que de manière individuelle envers les personnes religieuses. C'est tout du moins ma conclusion, de par ce que j'ai lu (tous les débats sur l'islam sont assez marquants là-dessus) et ce que j'ai vécu (j'ai eu beaucoup, beaucoup de gen.tes qui m'ont dit que ma religion devrait rester privée, c'est-à-dire qu'iels ne voulaient pas en entendre parler, et qu'elle n'avait pas à se manifester ni dans mes opinions, ni dans mes convictions, ni dans mes croyances, ni dans ma vie quotidienne - ni, en fait, de manière autre que purement décorative).
Je trouve que, quelque part, c'est malsain. Ca pose la question de la légitimité de l'existence des religions, et de la légitimité à en avoir une, et ça antagonise les rapports entre les différents membres et groupes de la société, parce qu'il est généralement hors de question pour une personne religieuse d'abandonner sa religion. Cette question de la place de la religion se pose souvent pour des raisons politiques (la religion n'ayant pas à contrôler l'Etat, les personnes religieuses ne devraient pas donner leur avis s'il est fondé sur la religion) sauf que la démocratie, ça devrait normalement être la participation de tout.es les citoyen.nes à la vie publique, sans exception, sans donner plus de valeur à l'un.e ou l'autre, et sans juger au préalable de ce qui est une bonne raison pour s'exprimer ou pas?
Je me demande aussi en quoi c'est gênant qu'une personne porte des vêtements ou des signes distinctifs, ou agisse d'une manière certaine, qui fait qu'on sait que cette personne a telle ou telle religion. En quoi ça gêne que je porte une croix, ou qu'une autre personne porte le foulard? En quoi ça gêne que ma religion, je l'exerce aussi dans l'espace public, en priant à voix basse dans le métro le matin? (En théorie ça gêne, on me l'a dit dans des débats comme celui-là, mais je n'ai jamais gêné personne dans le métro.)
Quelque part, ce genre de débats m'interpelle beaucoup, et me dérange. Je ne suis pas oppressée en raison de ma religion. Mais je ne suis clairement pas la bienvenue dans l'espace public en France : on me demande expressément de taire qui je suis et ce en quoi je crois pour y entrer.