Le déluge s'est abattu. A coté de moi, un lampadaire éteint, et les pavés dégoulinant du trottoir. Dans la rue,j'étais seule. Je t'ai regardé, tu étais là. Près de moi. Juste de l'autre coté de la vitre .
Tu me regardais, je te regardais. La pluie laissait des ruisseaux d'eau sur la parois.
Tu m'observait, bien au chaud. Du monde riait autour de toi.
Personne ne me voyait. J'étais comme une conne, dehors, trempée, et personne ne me remarquait. Personne était dans ma merde, Personne n'était, sauf moi, sous la pluie.
Je me souviens, les gouttes tombaient de mes cils sur mes joues. Je te voyait flou.
La vitre. Toi. Moi. Tu me regardais, tu ne disais rien.
J'essayais d'ouvrir la bouche, je n'y arrivais pas .J'étais dehors, tu étais dedans.
Puis tu as bougé. Tu as tourné la tête à gauche, tu t’apprêtais à partir,et je ne pouvais pas entrer. Tout à coup, mes jambes se sont décollées du sol. Mes pieds ont bougé et je me suis élancée .
Je suis arrivée en plein dans la vitre pour te rattraper. Elle s'est brisée. Mes bras sont rentrés dans le verre. Je voulais crier, je n'y arrivais pas. Je suis tombée à genoux, au milieu des débris.
Le carrelage de la pièce était froid, comme ton expression, comme tes yeux, comme la vitre, comme la pluie, comme mon corps. Le choc de la chute m'a fait mal.
J'ai levé la tête, et je t'ai vu. Tu me jugeais, de haut. Étais-tu triste, étais-tu indifférent? Je ne sais pas. Tu m'as contemplée, longuement. Puis tu as tourné les talons. Tu es parti. Sans te retourner.
J’ai baissé mon regard par terre. Les morceaux de verre cassés étaient colorés de rouge, parsemés de gouttes de sang. Je n'ai rien dit. Après une éternité, j'ai réussi à décoller ma peau du sol. Tout mon être était meurtri. Je me suis relevée, je suis sortie de cette maison. Sortie de ta vie.
J'ai descendue la rue, et j'ai couru sur la route. Il avait arrêté de pleuvoir.
Le ciel, étoilé, s'assombrissait. Qu'est ce qu'il était beau ce paysage, avec ses milliers de paillettes fixées sur son drap bleu marine...
Je courais sur cette route, mes plaies encore ouvertes, mes larmes encore humides. Il n'y avait que moi, et le silence, entrecoupé par le bruit que pouvaient encore faire mes poumons. Je n'avais pas envie de stopper ma course, mais tout en moi ne voulait plus exister.
Une voiture est arrivée en face. Une sombre, de celles qui passent tout le temps. J'ai accéléré.
Mes chevilles me faisaient mal et mon souffle brûlait ma gorge. Au moment de l'impact, quelqu’un m'a poussé dans le fossé. Les orties m'ont piqué les poignets, les avant bras, les jambes, m'ont brûlée...et ont amorti ma chute. La voiture est passée, ses phares ont balayé mon corps de lumière. J'avais mal. Mal partout, dedans, devant, derrière, au dessus.
A demi inconsciente, j'ai vu l'ange se pencher vers moi. Il était beau. Non. Magnifique.
De la beauté que l'on ne voit que dans les contes, les romans et la Bible. Il me faisait presque peur. Ses ailes d'un blanc immaculé contrastaient avec l'obscurité. Il m'a soulevé de terre, et m'a emporté. Dans ses bras, mes brûlures guérissaient. Mes plaies se refermaient comme par magie.
Mon cœur ne saignait plus. Il s'est gonflé, et à commencé à craquer puis à éclater. Il a volé en une multitude de miettes bleues et roses qui se sont dispersées dans le ciel.
Je me suis évanouie. Je ne sais combien de temps je suis restée dans cet état.
Un jour, une heure, un mois? Une éternité. Quand je me suis réveillée, l'ange n'était pas parti.
A coté de moi, encore plus beau que dans mes souvenirs, souriant. A coté de moi, et non derrière une vitre. J'ai su qu'il ne partirait pas. Du moins pas tout de suite.
Son regard était empreint de patience, d'amour, de confiance puis peut-être d'un peu de pitié, aussi. Il m'a observée, puis a sourit. Sa main a rencontré la mienne. Mes yeux se sont posés sur mes bras, couverts de bandages. Je ne savais pas où j'étais. Ce n'était pas l'importance. Ses doigts n'ont pas lâché les miens. Jamais. Le temps passait.
Ma colère, mes doutes et ma méfiance se dissipaient peu à peu pour faire place à un nouveau sentiment, la confiance.
Le regard de cet être de lumière sur moi, mon corps et mes pensées m'avait au premier abord, gênée. Lentement, mon avis avait changé, je me suis sentie belle sous ces yeux là, je voulais l’être.
Puis un jour,il s'est penché sur moi. Il a soufflé dans mon oreille "Reste avec moi" et a mis sa tête sur ma poitrine. Je me suis rendue compte que j'avais de nouveau un cœur. Je vivais. Je sentais les battements de la vie couler en moi. Et je savais où j'étais, avec cet ange, qui m'avait accompagnée, et qui m'avait empêchée de mourir.
Au Paradis.