@TennanTen
Je n’ai pas vu du tout la prise en compte de mon ressenti et de la réalité que je vivais, dès le premier post, puisque le « oui mais … » a été utilisé et que le « oui mais … » invalide tout ce qui a été dit avant le mais
Donc, la traduction du tout premier post (tout du moins, en synthétisant, j’analyse toujours les discours des gens, une vieille habitude, peut-être que tu ne voulais pas sous-entendre ça ) était « tu n’es pas assez compatissante et compréhensive, c’est sûrement dû à un handicap et tu fais du validisme en ne le prenant pas en compte »
Donc, j’étais déjà furieuse de voir que je ne pouvais pas m’agacer, une fois toutes les six lunes, sans qu’on me tombe dessus en mode « oui mais … » et qu’on m’explique comment je devais envisager les choses.
Autre chose, je m’agace très rarement face aux usagers, et c’est toujours pour des problèmes de grossièreté, jamais parce que je dois expliquer quatre fois qu’il n’y a pas que Cassidy à la lettre C, qu’on ne peut pas garder les livres trois mois et est-ce que tu n’aurais pas laissé quelqu’un d’autre emprunter sur ta carte et que c’est pour ça que le livre réclamé ne te dit rien ? Donc, qu’on arrête de me dire que je n’ai pas le droit de m’énerver hors-travail, un moment , je ne sais plus refouler .
Et je maintiens que la technique du « oui mais … » invalidait complètement mon ressenti.
Ensuite, l’argument que quelqu’un n’a pas su déchiffrer le titre au dos du livre à cause de sa vue me parait totalement illogique dans la mesure où iels empruntent le livre. Hors, dans ma logique, si ta vue (dispositif correcteur inclus, si on me parle de lunettes, je fais avaler les miennes) t’empêches de déchiffrer un titre sur le dos, ça ne risque pas d’aller mieux dans le livre lui-même où les caractères sont plus petits et regroupés en lignes serrées, donc le livre n’est pas adapté et pourquoi t’embêter avec toutes les contraintes inhérentes à un prêt pour quelque chose dont tu n’as pas l’usage ? Et si tu n’as pas su déchiffrer, dis-le et je te cherches une solution alternative mais je ne te fais pas croire que nous pourrons répondre à ta demande alors que c’est faux. C’est contre mon éthique. De même, je ne vais te dire de faire un effort avec un grand format. Mais, bref, dans la mesure où iels empruntent toujours le livre, c’est que leur vue n’est pas en cause dans le processus. Donc, pour moi l’argument ne tient pas.
Et, c’est malheureux, mais nous n’avons pas de fond adapté aux malvoyants et ne sommes pas près d’en avoir (pour raisons financières, manque de titres adaptés à notre public dans ces collections, pas d’autres médias que les livres dans nos collections …)
Là-dessus, c’est un peu HS, mais il y a probablement un cercle vicieux. J’ai un peu sondé la responsable des romans à ce sujet et elle m’a regardée étonnée en me disant que c’était la première fois qu’on lui amenait le sujet et qu’il n’y avait jamais eu de demandes. Mais ça crée un cercle vicieux. Nous n’avons pas de fonds et la bibliothèque n’est pas adaptée aux malvoyants (ou je suis la seule qui trouve le moyen de trébucher sur une goulotte que je sais pourtant être là), du coup, les malvoyants ne se fournissent pas chez nous et devant l’absence de demande, il n’y a pas d’achats de livres adaptés, etc
(aparté, il y a des livres adaptés aux malvoyants dans un autre pôle mais la sélection est pas sexy-sexy pour un moins de 70 ans, je n’enverrais pas un.e ado/jeune adulte là en lui disant qu’iel trouvera son bonheur, à moins d’une passion secrète pour le roman régionaliste)
(autre aparté, à quoi cela sert de la ramener sur les aménagements pour malvoyants de la prochaine bibliothèque si on n’a rien de sympa à proposer à ce public ? Vous avez 4 heures)
Maintenant, deux points qui me mettent dans des rages de plusieurs jours :
Un, l’idée que les troubles du spectre autistique t’empêchent de comprendre une phrase simple ou d’assimiler l’ordre alphabétique, puisque ça été sous-entendu. C’est entièrement faux. Certains troubles parmi les plus lourds, sans doute, mais l’éventail de la neuroatypie est extrêmement large et comprend des personnes avec toutes sortes de capacités cognitives. Ce genre de sous-entendus renforce les stéréotypes dont les neuroatypiques sont encore la cible. Je suppose que tu l’auras compris mais je suis moi-même sur ce spectre et très sensible à ce genre de discours, qui m’amènent encore aujourd’hui à m’abriter derrière un faux-self, pour éviter d'être pointée du doigt.
Deux, l’idée qu’il faut juste laisser passer parce que, ils ne savent pas faire, ils sont handicapés. C’est un postulat qui se veut bienveillant mais qui me met en rage.
Pourquoi ? Je crois fermement dans les capacités de tous les usagers, quelque soit leur état physique et/ou mental et je reste persuadée qu’iels ont touxes les capacités nécessaires pour in fine se débrouiller seul.e.s en bibliothèque. Une part de mon travail est d’apprendre aux usagers à être autonomes et à ne pas dépendre de quelqu’un d’autre (bibliothécaire inclus) pour trouver l’information/le média dont iels ont besoin. En laissant juste passer, je vais à l’encontre de cet objectif. Touxes les autres, je prends le temps de réexpliquer le classement, le fonctionnement, les possibilités en ligne, trois fois , quatre fois, cinq fois, avec pleins de gestes et le recours à d’autres langues si nécessaire parce que, justement, je ne laisse pas passer. Mais, si la personne a un handicap, je devrais juste laisser passer, lui prendre le truc en rayon et basta ou m’en abstenir complètement au-cas-où ? Sauf que si je fais ça, la personne ne gagnera pas en autonomie et là je crée un vrai problème : dans le traitement des usagers et dans les objectifs d’éducation permanente. Je refuse de commencer à expliquer aux un.e.s mais pas aux autres. Je prends une heure s’il le faut, mais tu sauras trouver ton livre tout.e seul.e. Donc, ça me met en rage parce que, pour moi, on est dans un déni des capacités d’apprentissage et d’autonomie des personnes avec handicap .
Je vais éviter de m’étendre sur le reste, mais j’espère que tu comprends pourquoi j’ai trouvé tes accusations assez injustes. Je ne dis pas qu’on doit être d’accord sur tout, mais je me suis sentie attaquée dès le départ.