Oh my god je viens de lancer un débat
Pour moi, la définition du sentiment national, c'est le sentiment d'être d'une certaine nationalité et/ou de se sentir comme appartenant à un groupe, la nation. Ca peut être quelque chose qu'on ne ressent pas forcément tous de la même manière, ça peut être plus ou moins important, ça peut être un sentiment partagé (tu te sens à la fois français et chinois par exemple, parce que tu as une double ou triple culture...) mais ce n'est pas quelque chose de bon ou mauvais, c'est juste comme ça.
Par exemple, je me sens français personnellement, et ça conditionne certaines de mes réactions : je suis content quand je rencontre d'autres Français à l'étranger, ça me fait plaisir quand la France gagne au football ou à autre chose, et j'ai beaucoup aimé par exemple faire une présentation de mon pays lors d'un voyage international en Allemagne. A l'inverse, ça me met mal à l'aise voir je me sens coupable de savoir qu'on a colonisé allègrement d'autres pays, j'ai honte de voir qu'il y a une montée du FN et qu'on passe graduellement pour un pays de gros cons-ervateurs, et savoir qu'un attentat a eu lieu en France m'émeut plus que si ça a lieu dans un autre pays. Et à la limite, peu importe d'où peut venir ce sentiment. Peut-être que si j'avais reçu un enseignement me disant que la France est un terrible pays colonisateur et oppresseur, je ne me sentirais pas français, ou pas de la même manière. Parce que le sentiment national est aussi une construction sociale. Mais voilà, je me sens comme ça, d'autres se sentent différemment et ça n'est pas quelque chose de rationnel, c'est un sentiment qu'on a et qui se manifeste pour chacun de manière différente. Corollaire, je trouve idiot et d'un non-sens logique absolu que certains Français blâment des immigrés de ne "pas se sentir Français", parce que si tu peux à la limite - même si la moralité de la chose est évidemment douteuse - demander aux immigrés de "se comporter comme des français, aka adopter la culture française", tu ne peux pas leur demander de se sentir français, c'est pas quelque chose que l'on contrôle.
Il n'a pas toujours existé d'ailleurs, ce sentiment (ça, je l'ai vu en histoire, parce que c'est au programme des prépas littéraires cette année) : en gros, avant le XVIIIe siècle, on ne se voyait pas comme une nation, on était artisan, noble, paysan, prêtre, on était d'une certaine région ou ville (chaque lieu avait une législation et une culture différente, je vous laisse imaginer le bordel), et on se vit comme "sujet du roi/prince/empereur truc" ledit souverain pouvant changer sans que ça nous fasse grand-chose (la région où on vivait pouvait passer du Roi de France au Roi d'Espagne et ça n'émeuvait pas trop, à part évidemment pour les conséquences pratiques du style guerre, massacres, impôts...).
La notion de nation est liée à la notion de démocratie (c'est mon cours hein, j'invente rien), parce qu'on se voit comme un peuple, donc une communauté d'égaux qui partagent des choses (langue, culture, symboles). Je vais vous la faire courte, mais c'est encore ce qui est en place aujourd'hui en France et qui vacille doucement : la nation, sa langue, sa culture (mais quelle culture ? vaste débat), et ses symboles, dont... le drapeau français, approprié ensuite par les nationalistes.
Après il y a nationalisme vs patriotisme (confusion souvent faite et que je trouve dommage). Nationalisme c'est penser que ta nation est une valeur précieuse qu'il faut préserver et cultiver, et qu'elle doit avoir une traduction politique. Le nationalisme mène à l'indépendantisme (on veut que sa nation soit indépendante, ce qui en soi a construit pas mal de pays), mais aussi à un nationalisme "purificateur" où on veut garder la nation dans une identité propre et sans cosmopolitisme (ce qui mène à toutes les dérives qu'on connaît). Bien sûr le nationalisme a pour origine le sentiment national, mais sentiment national ne mène pas forcément au nationalisme.
Le patriotisme en revanche est plutôt lié à la guerre : on aime sa patrie (qui est un territoire alors que la nation est une communauté d'humains) et on a envie de la défendre en cas d'attaque, de s'y dévouer. Par exemple, le patriotisme pendant la 1ère Guerre Mondiale a fait tenir les soldats face aux Allemands. c'est vraiment une notion très ancienne, très liée à la terre, à la famille (patrie = lieu du père, des ancêtres), alors que le nationalisme est beaucoup plus récent vu qu'il a fallu attendre l'émergence du concept de nation.
Bien sûr ici je ne fais que poser des notions et des faits de manière assez scolaire et je l'espère de la manière la plus neutre possible. Mais ce que je voudrais montrer c'est que ces idées et ces concepts ne sont pas forcément mauvais en soi. Le nationalisme n'est pas forcément quelque chose de mauvais : il a plusieurs fois permis à des peuples opprimés de se rassembler pour se libérer du joug d'un empire étranger qui exercait sur eux la domination.
Et bien sûr que c'est avant tout un concept valable pour l'Europe qui partage suffisamment de points communs en terme de civilisation pour qu'on puisse réfléchir à l'Europe avec ces outils conceptuels, outils qui sont je pense à utiliser avec précaution dans d'autres continents ; même si je pense, c'est triste à dire, qu'avec la colonisation des pays s'est faite une colonisation des esprits, et qu'on a en quelque sorte exporté le concept de nation dans les pays colonisés, jusqu'au moment où il s'est "retourné" contre les colons en ayant créé un sentiment national chez les colonisés qui les a poussés à prendre son indépendance. Bien sûr là on entre dans un domaine assez sensible puisqu'il touche au racisme et à la domination blanche en terme de conception du monde et de soi, mais je pense que c'est une piste à explorer parmi d'autres, et c'est la seule à laquelle j'arrive à penser là tout de suite, même si je reconnais que c'est très occidentalo-centré de ne pas en donner d'autre. (et j'avance cette piste avec des grosses pincettes car j'ai peu de connaissances sur la question de la décolonisation).
Mais en résumé, je trouve ça dommage de se faire traiter de "cons-servateur" dès qu'on essaie d'avancer des réflexions sur le sujet de la nation française, de la construction identitaire. Je veux dire, je ne considère pas la nation française comme étant ceci ou cela - parce que ça me semble très mauvais de réfléchir comme ça - mais je pense que c'est important de comprendre pourquoi les gens ont telle vision de la nation française, pourquoi ils s'y reconnaissent (ou pas), et pourquoi ils veulent telle ou telle chose pour cette nation (qui on est d'accord n'a pas forcément de réalité, mais même imaginée a une incidence sur la pensée des gens). Je pense que c'est vraiment important d'avoir une réflexion sur ce sujet parce que ça a une influence considérable sur le déroulement de l'action en politique actuellement, et je trouve ça dommage de condamner l'ensemble d'un bloc en en faisant un "truc de fachos" sans forcément chercher un peu plus loin.
(ah oui et j'utilise le terme de "nation française" mais on peut le voir dans le discours politique ou médiatique dire "La France", mais perso je trouve que dire "La France" rend vraiment le discours ambigu, vu que ça désigne à la fois la nation, l'Etat politique, la puissance géopolitique, et le territoire, or ce ne sont pas des réalités qui se recoupent nécessairement, même si évidemment son utilisation dans le discours peut viser à une fusion qui permet mieux de persuader).