(Je suis tombé dans le coin en faisant des recherches et évidemment j'ai lu et je peux pas m'empêcher d'intervenir)
Charlie Hebdo fait partie de ma culture. Je me rapelle avoir été fascinée pas ce monsieur qui avait l'air siiiii gentil et siiiii doux qui dessinait teeeeellement bien Dorothée (oui je suis vieille). Je me souviens avoir trouvé Catherine Bernier infiniment plus cool quand j'ai appris qu'elle était la fille du professeur Choron. Et l'an dernier, la mort de Cavanna m'a fait comme un pincement. Donc oui sans être une acharnée de Charlie Hebdo, ca a été en fond de ma vie depuis toujours. Après je comprends complètement qu'on ne soit pas d'accord avec moi mais leur humour est dans la même lignée que celui des mes amis et ça me gêne pas. Mais comme je déteste profondément les gens qui m'expliquent que "mais rigole, c'est de l'humour" quand moi je suis blessée je respecte complètement ça. (Mais comme d'autres, je conseille le reportage d'Envoyé Spécial qui m'a retourné notamment à cause du sens que leurs mots prennent avec le recul.) Et pour moi le "Je suis Charlie" je l'utilise un peu comme le "Ich bin ein Berliner". Je suis du côté des gens libres, ceux qui ont choisi un camp où on ne tue pas des gens pour des dessins. (Ou alors c'est juste que je passe trop de temps à Berlin)
Et justement si seulement la télévision et les journalistes pouvaient prendre du recul et nous aider à en prendre aussi ce monde serait meilleur. Je n'étais pas en France cette semaine, j'ai réussi à glaner des infos et puis j'ai passé mes soirées à lire ici et ailleurs les nouvelles. J'en parlais par texto avec mes potes ou via FB mais je n'ai pas regardé la télé. Et en vous lisant, je me dis que c'est pas mal. Je n'avais pas besoin de voir pour y croire malheureusement. Et une autre categorie de gens que je méprise au plus haut point c'est ceux qui diffusent l'air de rien la vidéo d'un meurtre comme si c'était le trailer du dernier film de Besson. Est ce qu'on s'est tant habitués que ça à la violence ? À l'idée de voir cette vidéo, j'ai la nausée.
Je crois qu'on a tous besoin d'un temps de receuillement, on y croit encore tous à peine. Et puis, ça remet en question des trucs aussi. J'ai le même âge que le plus vieux des 2 suspects (ou comment ne pas dire clairement que j'ai 34 ans...) et je suis française de parents nés en Algérie. Ca ne fait pas de nous des cousins comme beaucoup le croient encore mais je ne peux pas m'en empêcher. Est ce que c'est nos vies, notre éducation, les gens qu'on a rencontrés ou pas ? Je sais que les rangs de ces barbares ne sont pas fait uniquement de mecs comme ça non plus. Voilà, je sais plein de trucs mais j'arrive pas à faire coller mes convictions avec ce qu'il s'est passé. A la mort d'Hervé Gourdel, j'ai été retournée et j'en parlais avec une copine algérienne aussi qui me disait que sa mère était horrifiée de voir que la guerre civile des années 90 en Algérie n'avait servi à rien. Tous ces morts pour qu'on égorge de nouveau quelqu'un au nom de Dieu dans un pays qui a vu les siens décimés par les mêmes hommes. Et ça n'était pas la première fois. Pourquoi la mère de ma copine n'a pas la même vision que ces gens là ?
D'ailleurs j'avais viré de ma vie et de FB les 2 ou 3 personnes qui demandaient à ma grand mère de s'excuser pour la mort d'Hervé Gourdel. Ça me rapelle la fois où une camarade de classe m'avait catalogué dans les pro irakiens (??!!) pendant la première guerre du golfe. J'étais une gamine (Je suis pas si vieille non plus) et j'imagine que ce discours lui a été largement inspiré mais jusqu'à il y a peu je croyais quand même que les gens avaient plus de bon sens que ça. D'ailleurs le "Mais non je fais pas d'amalgale, toi je te connais" is the new "Ma femme de ménage est noire"
Mais en vrai ça va me faire chier tout ça mais c'est tout. Moi je suis encore vivante. Je n'ai pas perdu mon père, mon amoureux ou mon ami. Je pleure parce que c'est d'une violence sans nom. Tout ce qu'il s'est passé ces dernières 48h m'horrifient. Mais moi je n'ai pas vu débarquer un mec pour me tuer parce que j'avais des idées. Je n'ai pas été tuée parce que je faisais simplement mon travail comme ces policiers ou ces journalistes. Et ça ne m'arrivera surement jamais mais est ce que j'aurais les couilles de continuer comme ils l'ont fait ? Et j'ai peur pour mes copines voilées aussi ou pour ceux qui défendraient d'un peu trop près leur conviction face à des gens violents.
Donc oui comme tu l'auras compris c'est un peu le bordel dans ma tête et je suis complètement sonnée mais vous lire m'a rappelé qu'ici tu peux discuter posément (ou moins il est vrai) avec des gens qui même s'ils ne sont pas d'accord argumentent. Je me prépare déjà à affronter les discours de gens qui n'achetaient pas Charlie Hebdo mais qui sont plus du genre à lire Le Figaro en public et Valeurs Actuelles quand y'a personne pour les voir. Des gens qui me diront "Je suis pas raciste mais c'est souvent vous le problème non?" Essayons de garder l'énergie de cette colère pour en faire un truc bien. Et puis j'ai reçu un mail d'un collègue norvégien qui a fait de l'horreur d'Utoya de jolies choses.
Et j'aime pas trop dire des trucs commes "Mes pensées vont vers la famille" parce que ça vaut pas grand chose. Mais quand même, je pense très fort à ceux qui aimaient les 12 personnes tuées mercredi, la policière tuée à Montrouge et les otages tués aujourd'hui. Je n'ose imaginer leur peine.
(En même temps ça faisait longtemps...)