Je mange pour vivre et être en bonne santé. Ce qui ne veut pas dire que je n'aime pas ça, je prends un certain plaisir à m'alimenter, mais moins que la moyenne je pense.
J'ai mis longtemps à avoir une alimentation normale. Quand j'étais gosse je mangeais beaucoup par habitude, mais je refusais d'admettre que c'était de la gourmandise, déjà ce mot me faisait horreur. Je ne me rendais pas compte que je mangeais trop. Quand j'en ai pris conscience, j'ai arrêté de manger, j'ai perdu 12 kilos (j'aurais eu du mal à perdre plus), et j'ai eu du mal à recommencer à manger normalement. Je ne voulais pas prendre un gramme, à tout prix. La nourriture me faisait horreur, quand je voyais des gens manger j'avais envie de vomir.
Puis j'ai recommencé à m'alimenter normalement, grâce au sport : j'avais besoin de cette énergie pour faire fonctionner mon corps. Ensuite étant ado j'ai eu une période où je testais mes limites. Je bouffais trois McDo par jour parfois, je déjeunais de biscuits au chocolat. Je ne prenais pas un gramme. Je voyais ça comme une chance, une fierté.
Et puis j'ai commencé à prendre conscience que la nourriture avait un impact important pas uniquement sur le poids, mais sur le corps en général. Ces molécules de graisse saturée, de sucre et de sodium se sont progressivement mises à me dégoutter. J'ai pris les frites en horreur, puis la mayonnaise, puis la plupart des fromages, le pain blanc, les trucs beurrés, sucrés. Je ne me suis pas forcée à les supprimer, je ne me suis pas restreinte; j'ai développé un dégout de ces choses. Probablement volontairement, mais ce n'était pas une restriction.
Aujourd'hui il y a beaucoup de choses sucrées et grasses que je déteste (frites, mayo, barres chocolatées type Mars, trucs au beurre, la plupart des pâtisseries...), à la base ça me dégoutte. Il y en a d'autres que j'aime bien (certaines pizzas, certaines glaces, certaines tartes), je m'en tiens éloignée la plupart du temps parce que je n'aime pas penser que mon corps est constitué de ces molécules, et je me sens facilement lourde après, ce que je déteste, et je m'en autorise de temps en temps parce que ça me fait plaisir.
Je ne suis pas très gourmande. J'ai des pulsions de gourmandise par moments, mais instinctivement je les réprime parce que là gourmandise me fait horreur. Chez les autres je ne vois pas le problème, mais chez moi c'est quelque chose que je veux éviter à tout prix. Si je cède à la gourmandise, j'ai l'impression de me comporter comme un animal, de perdre mon pouvoir de décision et de contrôle qui font mon humanité. Sauf lorsque je me le suis autorisé au préalable, parce que c'est un plaisir que je m'accorde, c'est un choix. Si je me dis, ce matin je prends un starbucks sur le chemin (bon il y a de fortes chances pour que ce soit un latte écrémé), ou ce midi je prends une île flottante à la cantine, c'est un choix, ça me fait plaisir. Si je vois un gâteau dans une vitrine ou qu'on me propose du chocolat, je vais refuser, parce que c'est comme une mise à l'épreuve, et que je refuse de céder à toutes mes envies passagères, ça ne m'apportera rien d'avoir mangé ce gâteau et je peux m'en passer.
Finalement je suis assez contente de mon rapport actuel à la nourriture. Parfois il y a des phases où ça me dégoutte encore, mais de moins en moins. Je suis contente de ne pas être attirée par les choses grasses et sucrées que je souhaite, parallèlement à ce dégout profond, éviter à tout prix. J'aime de plus en plus les choses "bonnes pour la santé" (on ne peut jamais vraiment savoir), c'est pour ça que j'aime bien cuisiner de temps en temps, car je contrôle ce que je mets. Ça me fait cent fois plus plaisir de manger de la quinoa aux poivrons grillés, aubergines et champignons japonais, ou du poulet bouilli au shoyu et feuilles d'épinards, qu'une grosse quiche lorraine aux lardons et au fromage.