@marjorie_hl Je ne suis pas en hypo mais j'ai des cours d'histoire littéraire dans ma licence.
Je pense qu'il serait intéressant de parler de Mallarmé (le poème du cygne, par exemple) ou encore de Rimbaud (contre une mémoire réflexive, il faut une mémoire sensorielle avec la synesthésie, etc.). Puis dans les modernes, l'OULIPO et la contrainte des poèmes de métro et pourquoi pas Michel Deguy ?
Merci pour tes idées, je vais me renseigner !
Si ce sujet entre dans les compétences de quelqu'un d'autre, voilà mon avancée actuelle (= une seule partie et toujours en panne de troisième...) J'aurais surtout besoin d'exemples de poème privilégiant le sens (ou même le son) et qui ne fusionne pas nécessairement les deux, et d'un approfondissement de la réflexion en vue d'une troisième partie...
Quelles réflexions vous inspirent ces propos de Claude Roy dans la préface de l’anthologie de la préface française du 20ème siècle parue chez Gallimard : « Le poème, c’est ce qui s’apprend par cœur sans qu’on ait songé à l’apprendre. […] Le mécanisme des pièges à mémoire n’est jamais semblable, mais l’objectif est constamment le même. […] Le poème est un recours contre l’oubli. Il est cette façon qu’a le fond de venir à la surface de la forme, dans une fusion si parfaite que toute dissociation du « contenu » et du « contenant », de ce qui est dit et de la manière dont cela est dit, devient impossible. »
Si la lecture d’un roman ne nous laisse souvent que des impressions ainsi qu’un résumé, le poème, lui, s’ancre bien plus dans nos mémoires. Il n’est pas exceptionnel de réciter quelques vers, tandis que nous nous rappelons rarement l’enchaînement exact des mots d’un genre littéraire différent. C’est cette faculté que Claude Roy décrit lorsqu’il affirme que « Le poème, c’est ce qui s’apprend par cœur sans qu’on ait songé à l’apprendre (…), un recours contre l’oubli ». Ce poète français du XXème siècle s’efforce alors de l’expliquer par la « fusion » du fond et de la forme qui est opérée dans le poème. Nous pouvons nous demander… Tout d’abord, nous nous intéresserons à l’union du fond et de la forme qui entraîne une mémorisation inconsciente par le lecteur. Ensuite,
I. L’union du fond et de la forme entraîne une mémorisation inconsciente
Paul Valéry (1871-1945), poète symboliste, affirme que le rythme et les harmonies d’un poème doivent être « si intimement et même si mystérieusement liés (…) que le son et le sens ne puissent plus se séparer et se répondent indéfiniment dans la mémoire ». Il affirme ici une thèse identique à celle de Claude Roy. Le son, ou « contenant » et le sens, ou « contenu » du poème restent l’un comme l’autre ancrés dans nos mémoires. L’un sans l’autre ne serait pas suffisant pour être retenu naturellement. Il serait possible de se rappeler un son ou un sens isolé, or, cela demanderait un travail volontaire de mémorisation au lecteur. C’est justement la combinaison de ces deux composants du poème qui nous permet de les apprendre sans l’avoir souhaité. Ce qui nous reste en mémoire, ce sont les vers tout entiers et pas seulement ce que nous en avons compris ou le son qu’ils produisent dont ils sont récités. Il qualifie également le poème d’ « hésitation prolongée entre le son et le sens », ce qui évoque la difficulté à établir des limites précises entre le son et le sens qu’il porte. L’indissolubilité du son et du sens semble inévitable. Auparavant, Victor Hugo, poète romantique du 19ème siècle, avait déjà affirmé que le son engendre le sens, ce qui empêche encore une fois leur séparation. L’un n’existe pas sans l’autre. Verlaine, lui, prône pour le vers « de la musique avant toute chose», ce qui est la parfaite illustration de l’union entre le « contenu » et le « contenant » de Roy. Les poètes du 20ème siècle Michaux, Guillevic et Perros mêlent également le son et le sens du poème. Valéry affirme que « la poésie est l’ambition d’un discours qui soit chargé de plus de sens, et mêlé de plus de musique, que le langage ordinaire n’en porte et n’en peut porter ». La poésie devient alors le meilleur moyen d’expression, celui qui marquerait le lecteur de manière plus durable grâce à sa musicalité, que le poète crée en variant les sonorités à travers les assonances, les allitérations. Apparaît alors la nécessité de lire le poème à haute voix, ou l’écouter pour associer le sens à la musicalité. Il ne faut pas pourtant réduire le « contenant » comme le seul son du poème. Certains poètes se sont essayés à mettre en forme leur poèmes, leur donnant alors des aspects originaux laissant une impression durable chez celui qui en plus de les lire, les ‘voit’. Cette association du sens et de la manière dont il est présenté accentue également la mémorisation du poème. Nous retrouvons cette technique notamment chez Guillaume Apollinaire, poète moderne, dans ses Calligrammes, avec « Fumées » par exemple, ou encore bien avant chez Rabelais au 16ème siècle dans
Le cinquième livre. L’image que nous nous faisons du poème contribue à lui donner un sens et accompagne notre souvenir de celui-ci.
Le poème en tant que « recours contre l’oubli » ferait alors guise de thérapie. Cependant, la poésie n’exerce pas la mémoire en elle-même. Le lecteur est passif dans cet exercice de mémoire. C’est le poème qui est le seul acteur de ce processus. Le poème apparaît comme le seul sujet de cet exercice. Nous ne nous intéressons ici pas au poète et à ses intentions mais au poème en lui-même. L’effet qu’il a sur le lecteur ne vient pas des intentions du poète mais du poème en propre. Le lecteur, bien qu’il soit l’objet des effets du poème, n’est pas impliqué dans le processus de mémorisation. La mémoire semble soumise aux vers que le récepteur lit, écoute, ou encore voit. Le fait que les vers nous restent en pensée ne dépend pas du lecteur mais uniquement d’eux. Le lecteur est anonyme dans ce processus. Sa propre perception n’est pas mise en jeu ou porteuse de signification. La poésie par les sons et images qu’elle éveille ne vise pas à la compréhension d’un langage appris mais à une compréhension universelle, accessible à tous. Il s’agit d’une insinuation du poème dans l’esprit du lecteur, d’une action à distance du poète sur son destinataire. C’est ainsi que les poètes classiques souhaitent instruire. Leurs œuvres doivent servir de modèles et le poète joue un rôle de moraliste, à travers un fond et une forme parfaitement unis. Par l’économie de moyens et la sobriété, leurs leçons nous marquent plus que de longs discours. Par exemple, les morales courtes et rapides de La Fontaine restent en mémoire longuement sans qu’on ne l’ait voulu, ce qui permet à ce fabuliste de marquer les esprits de tous, universellement.
Cependant, certains poèmes seraient au contraire spécialisés dans le fond ou la forme, privilégiant l’un des deux aspects au détriment de l’autre. Ces poèmes ne s’imprimeraient-ils donc pas dans la mémoire par eux-mêmes ?
II. Or, il existe des poèmes qui privilégient un des deux composants
Opposition : Généralisation du poème concerné dans la citation : tous les poèmes fusionneraient contenu et contenant… NON
Poète du signifiant (=image acoustique, support matériel = lettres, sons) : Daniel Leuwers (poète français 20ème), dans la ligne du surréalisme, jouent avec les mots, sensibles à leur matérialité. Formes courtes aphoristiques (Char), simplicité lumineuse (Jaccottet).
Si le poème n’est plus porteur de sens, que le contenu se substitue au contenant, il n’en est pas moins un poème.
Poètes seulement porteurs de son = Abbé Bernard, Tzara, Isou, Cocteau = poésie de son = évasion hors de la prison des sens, Aristophane = poésie du son, poésie pure serait délivrée du sens. Rabelais : ivresse verbale, déferlement de son. Apollinaire,
Le poète assassiné « poésie libre de toute entrave, serait-ce celle du langage »
Poète du signifié (= ce que la chose est en elle-même, l’image que l’on s’en fait, concept, représentation): poésie véhicule signification ontologique. Allongement narratif (Bonnefoy) permet un travail de « remontée mémorielle »
III. ?????