@Himeshann @Biunoctium @Solstice Pour moi le "je tape sur tout le monde" c'est une illusion (maniée par d'autres d'ailleurs).
Déjà ça se base sur l'idée que parce que l'humour serait réparti de façon homogène sur plein de groupes, alors il se serait pas vexant, ou ne constituerait pas un acharnement : c'est cette idée bizarre que l'humour ne serait critiquable que lorsqu'il est ciblé et répété sur un groupe.
Que l'humour serait neutre parce que réparti. L'humour sur tous les groupes ne peut pas être placé sur un pied d'égalité :en France, par exemple, se moquer d'un.e chrétien.ne et se moquer d'un.e musulman.e ne s'inscrit pas dans les mêmes rapports de société. L'humour n'existe pas dans un vide : il s'appuie sur des rapports de force et des structures de normes sociales. Et dans ce contexte, les membres de certains groupes sont confrontés à une violence réelle à cause de leur appartenance à ce groupe : même en "tapant" sur tout les groupes, la violence résultant de cet humour ne sera pas la même selon les groupes.
Ensuite ça se base sur l'idée que Kris n'aurait pas de parti pris politique : "je tape sur tout le monde donc j'ai une certaine objectivité :
je suis observateur neutre". Sauf que l'humour comme toute autre forme communication, s'inscrit dans un contexte. Il part d'une situation normale et pose comme décalage par rapport à cette norme ce qui va faire rire. Et c'est là qu'on commence à mon avis à voir l'hypocrisie de ce type de défense chez les humoristes : ils/elles auraient un don, le don de voir les choses de façon détachée de toute construction sociale, de tout préjugé personnel, etc. Et ça me paraît mensonger. Par ailleurs la possibilité de pouvoir faire de l'humour sur certains sujets, d'une certaine façon, ça constitue pour moi un privilège. Celui de pouvoir prendre de la distance par rapport au sujet.
Il y avait eu un très bon article sur Madmoizelle
à ce sujet :
un des prerequis de l'humour c'est d'être fait dans un contexte perçu comme "sûr". C'est à dire, pour moi, une blague sur un accident de voiture sera plus ou moins bien reçu si elle est racontée à table ou dans une voiture, sur une route verglacée, ou encore à quelqu'un qui vient de perdre un membre de sa famille dans un accident. C'est là que je vois un privilège, par exemple pour certains de mes amis hommes, à faire des blagues sur le viol : ils ne perçoivent pas ça comme une menace, ne s'identifient pas aux victimes, etc. Donc pour moi, définitivement, lorsque Kris blague sur le féminisme,
c'est que pour lui le sujet est léger, que la violence du sexisme en France ne le touche pas : c'est son privilège d'homme.
Et enfin je pense que c'est une illusion parce que c'est
faux : il ne tape pas sur tout le monde. Déjà parce que c'est physiquement impossible
, mais aussi parce qu'il y a de grands absents : j'ai pas croisé d'humour sur les malades du cancer, ou les nourrissons, ou les Blancs et comment l'esclavage a aidé le développement économique de l'Occident (oui oui je sais cette liste est hétérogène
). D'ailleurs le "je tape sur tout le monde" de Dieudonné n'est pas le même que le "je tape sur tout le monde" de Kris : chacun choisit les groupes sur lesquels il veut taper, tout en en choisissant plusieurs pour donner une impression d'exhaustivité. Ce qui serait intéressant ça serait je crois, au lieu de parler des groupes sur lesquels ces humoristes tapent, de regarder sur quels groupes ils ne tapent pas : de dégager ainsi, par effet d'ombre,
un portrait de ce qu'ils considèrent comme normal. Par exemple pour Navo, le créateur de Bref, la norme c'est un homme Blanc trentenaire parisien. Pour Kris ça semble être quelqu'un qui ne prend pas position (moi je suis ni végan ni carnivore parce que j'aime pas les extrêmes), qui se targue d'être neutre tout en s'appuyant sur des rapports de domination dont il profite. Sauf que pour moi la perception des extrêmes est quelque chose d'éminemment subjectif. Par exemple je suis végane et pour moi ce qui est extrême c'est d'arriver à manger de la viande tout en sachant le niveau de douleur qui a été nécessité pour produire cette viande, et pas le simple fait de manger plus de lentilles
. NON À L'EXTRÊMISME DE LA LENTILLE !!!
Quand Norman fait des blagues sur la façon dont il se brosse les dents, effectivement ça ne remet pas vraiment en cause la sociéité. Par contre quand un humoriste parle de la société, des luttes, son humour devient politique. Et à ce titre il mérite d'être critiqué comme tout autre type de communication politique.
Voili voilou pardon pour le pavé !!
J'avais des choses à dire on dirait