Allez, petit témoignage à contre-courant, parce que chez moi aussi on a vécu le racisme mais bien loin de celui dont on se culpabilise en France.
Post très long, je raconte quand même pas mal ma vie mais quand on parle de racisme, j'aime bien la ramener.
Je suis métisse de père noir (métissé lui aussi, avec des origines "noires" pas vraiment identifiées et indiennes) et de mère blanche, française d'origine.
Mon père est né à la Réunion, île mélangeant énormément d'origines, de couleurs, de cultures, de religions, mais est venu vivre en métropole à l'âge de 6 ans. Il a donc grandi ici. Dans les années 60-70, alors qu'il était ado, il a tout entendu comme petits noms sympas, comme Bamboula, pour ne citer que celui-ci. Ma mère, elle, a eu une enfance assez classique de blanche en France.
Quand ils se sont rencontrés, mon père n'avait pas une vie trop difficile, socialement parlant. Il était plutôt bien intégré dans le village (oui, village, donc mentalité très étriquée), disons qu'il ne faisait rien qui aurait pu lui causer du tort ou attirer le racisme facilement. Il était même connu des gendarmes... parce qu'il fuguait régulièrement !
Famille décomposée, vie très dure, il a vraiment rien eu pour lui dans son enfance. Mais il est entré dans l'armée, puis est devenu flic.
Est ensuite venu le mariage avec ma mère, mère dont le père n'a pas toujours vu son gendre avec un oeil tendre. Jusqu'au jour où il a sorti "je préfère voir ma fille avec un noir qui travaille plutôt qu'un blanc qui fout rien" (vous pouvez même rouler les r en lisant ça, à la mode France du Sud-Ouest).
Sont ensuite venus les enfants. Enfance sans problème dans un village, puis déménagement dans une ville plus grande. Toujours pas de racisme, ni envers mon père ni envers nous, les enfants. Enfin, pas jusqu'au jour où on a commencé à chasser mon frère avec des barres de fer et des chaînes parce que c'était un fils de flic. Ah.
De mon côté, jamais eu d'emmerdes, ni par rapport à ma couleur, ni par rapport à mon père. Par contre, j'étais grosse, et on me le faisait bien remarquer, ça oui ! Que mon père soit noir et que ma mère blanche, personne ne disait rien. Par contre, un ventre un peu rond et tu t'en prends plein la gueule. Soit. Je m'en foutais, j'étais dans les meilleurs à l'école. (petite victoire qui avait son importance...)
Au collège et lycée idem, rien sur ma couleur, rien sur mes parents, mais mon corps c'était toujours le boulet de ma vie et celui que les autres aimaient bien pointer du doigt. Mon frère souffrait toujours de la profession de mon père, mais commençait à souffrir de sa couleur... à l'entrée des boîtes de nuit !
Et puis on est partis vivre à La Réunion. Un enfer raciste. Première fois de ma vie que j'ai vu le racisme s'abattre sur ma famille.
Ma mère, blanche, se faisait insulter. Mon père, pourtant noir, se faisait insulter aussi. Parce qu'on ne revient pas à La Réunion sans être un traître, évidemment.
Ma petite soeur, qui était en PRIMAIRE, s'est faite insulter par un gamin de 9 ans qui lui a dit "tu prends tes affaires, tu les mets dans ta valise, tu prends l'avion et tu rentres chez toi".
De mon côté, jamais rien vécu directement, et mon frère a fini par devenir comme ceux qui nous insultaient, se rangeant du côté "des plus forts", selon ses dires.
Je suis revenue en métropole y'a 7 ans. Le racisme, je ne le vis plus. Mes parents aussi vont revenir, après 15 ans sur cette île qu'ils avaient été si heureux de rejoindre à l'époque, ouverts et sans aucun a priori.
Alors quand on me parle de racisme, et qu'on pointe du doigt les Français blancs en les traitant de racistes, je vous le dis : ça m'énerve sévère. Surtout quand c'est un noir qui en parle. Pire si c'est un noir, à vrai dire. Je ne me suis jamais sentie aussi rejetée qu'à La Réunion, rejetée par des Français noirs, gratuitement, sans aucune raison. Aucune. J'ai commencé ma vie active là-bas, partout où je postulais, on me demandait d'où je venais.
Du coup, la souffrance liée au racisme en métropole, je la comprends, je comprends ce sentiment qu'ont ces gens qu'on rejette. Ce qui m'énerve, c'est cette putain de culpabilisation de merde qu'on nous fait porter sur les épaules parce qu'il "ne faut pas oublier". Je crois que c'est bon, ma mère blanche qui est mariée à un noir n'oubliera pas qu'on les a insultés parce qu'ils ne voulaient pas fêter l'abolition de l'esclavage. Elle oubliera pas non plus qu'en tant que blanche, il faut qu'elle se souvienne que ses "ancêtres" ont fait souffrir la terre entière et qu'il faut qu'elle culpabilise jusqu'à sa mort. Elle oubliera pas non plus que ses enfants, qui sont issus d'une des plus grandes tolérances modernes, ne seront jamais considérés comme blancs ou noirs.
(je précise que j'ai édité mon message après l'avoir posté la première fois. Tab+entrée, c'est la mort
)