@Rocksteady c'est une explication hyper intéressante et pertinente! En réfléchissant au sujet, je me disais que ces relations reposaient effectivement beaucoup sur l'imaginaire et les projections, puisqu'en gros, ces femmes passent beaucoup de temps à fantasmer ce que serait la vie avec leur mari s'il sortait de prison, à imaginer les premières choses qu'ils feraient s'il était libéré, à vivre dans leur tête des rapports sexuels parfaits, et puis jusqu'au bout, elles nourrissent l'espoir d'un miracle et que la peine capitale soit commuée en "simple" emprisonnement à vie, voire qu'il soit amnistié. En soi c'est déjà une expérience à part entière et puis c'est clair qu'à certains égards, c'est très confortable et stimulant de vivre les choses par procuration plutôt que de s'y confronter dans la vraie vie. En plus l'espoir c'est quelque chose qui s'auto-entretient et ça te fait te sentir en vie. Tu peux toujours te raccrocher au prochain procès en appel, à la prochaine expertise ADN, à la prochaine loi qui doit être votée, etc. et tu vis chaque victoire et chaque échec avec intensité. Et enfin, c'est sûr qu'il y a des avantages à être avec quelqu'un d'enfermé et isolé: il ne partira pas du jour au lendemain, il sera toujours présent au même endroit (sauf transfert vers un autre centre de détention) et il ne te trompera pas (même si, comme je le disais, certains entretiennent plusieurs relations épistolaires, donc ça offre des opportunités d'entretenir des liaisons amoureuses simultanées). Finalement, c'est un amour très cérébral, qui rejoint les canons de l'amour courtois jamais consommé, comme le faisait remarquer une psy entendue dans un des talk shows dont je parlais. Par contre, si un jour le mec finit par sortir et rejoindre son "aimée",
la réalité peut être très très loin du fantasme.
Après l'analyse que tu relayes reste tout-à-fait compatible avec l'idée que la figure de la "sauveuse" soit particulièrement utile aux hommes, puisque de fait, ce type d'arrangement leur bénéficie largement, que ce soit sur le plan affectif ou pratique. Je reste fascinée par le fait que dans une société régie par la domination masculine, les mecs aient trouvé le moyen de s'assurer le dévouement des femmes y compris dans des contextes où ils sont au fond du fond du trou. La prison ça reste quand même la marge ultime, mais même là, des types considérés comme les rebuts de la société trouvent le moyen d'être aimés, désirés et de voir leurs besoins pris en charge par des femmes. Je parlais des tentatives d'évasion (plusieurs cas ont été médiatisés), mais il y a aussi les batailles à livrer pour leur obtenir des soins médicaux, un nouvel examen de leur dossier, pour convaincre de bons avocats de les représenter, éventuellement payer pour de nouvelles analyses ADN, pour attirer l'attention des médias et plus généralement pour militer contre la peine de mort et en faveur de meilleures conditions de détention. Tout ça, ça a quand même des conséquences très tangibles pour les épouses : emprisonnement dans le cas des tentatives d'évasions, frais financiers, installation aux US avec tout ce que ça implique pour leur carrière et leur vie de famille, investissement en temps et en énergie, etc. Et puis il y a le fait que grâce à ce dévouement, ces mecs à la marge, sans aucune perspective de vie "normale", puissent quand même voir certains rêves et aspirations se réaliser. Par exemple en se mariant, mais aussi en ayant des enfants. Je ne sais pas par quel procédé, mais apparemment il est possible de tomber enceinte d'un homme condamné à mort (une madz en témoignait sur le forum).
Tout ça pour dire que dans l'hypothèse où les femmes tireraient un certain profit de ces relations, à mon avis les hommes en restent les grands gagnants puisque eux y gagnent de nombreux bénéfices sans rien avoir à perdre, et ont donc tout intérêt à voir ce schéma se perpétuer.