Mamange, Papange, Paranges

[Trafalgar]

Ca fait deux ans aujourd'hui que ma fille aînée est décédée. Et je bosse, ça me fais chier. Je sais que ça va être difficile tantôt car elle est partie dans l'après midi et que j'ai des images qui remontent, j'ai essayé d'en parler a Mr., mais il veut absolument pas évoqué tout ça, a chaque fois il élude le sujet. Quand il me parle d'elle c'est uniquement pour parler d'entretenir la tombe. Je sais qu'on fait nos deuils tout les deux d'une manière différente, mais je me sens vraiment seule du coup, car j'ai personne a qui en parler pour évacuer la tristesse..
Pour son anniversaire mes soeurs et ma mère m'ont envoyé un message pour me dire qu'elles y pensait, ça m'avait du bien, mais je sais pas si elles se souviennent de cette date la.

 

[Sildan]

@Trafalgar si ça te dit, moi je pense à vous cet après-midi (et aussi à n'en pas douter les Madz qui ont big-upé)

Spoiler: peut-être maladroit

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Édit : mise en spoiler. Ce que j'ai mis dans le spoiler est peut-être maladroit, je peux effacer si tu préfères

 

[lilydouce]

@Trafalgar
Je t’envoie toutes mes pensées

 

[Aleynia]

Il y a un an j'avais mon premier rendez-vous à Necker. Le premier d'une longue série. J'étais avec ma meilleure amie, mon amoureux n'ayant pas pu venir.
Je me souviens encore de la confirmation de la hernie de coupole diaphragmatique et le médecin qui nous annonce que ce n'est pas sévère, c'est TRES sévère. Et le monde qui s'écroule. Et les échographies qui s'enchaînent. Et mes pleurs dans la salle d'attente du DAN.
La chirurgienne viscérale qui descend pour venir voir la gravité et l'échographie la plus douloureuse et la plus musclée de ma vie. J'ai eu le droit à des explications que je ne comprenais pas, des dessins, des schémas.
Tous ces efforts, tous ces examens, toutes ces opérations, toute cette angoisse.
Et il n'est pas là ... C'est tellement injuste.

 

[lilydouce]

@Aleynia

 

[Coq']

Je me dis de plus en plus que le choix rationnel ce serait de ne pas réessayer. Je ne supporte pas mon premier et malgré d'autres exemples, je ne pense pas que ça irait mieux avec le deuxième, qui préférera son père aussi et moi j'en aurai juste 2 chiants à gérer. Sans oublier qu'une nouvelle grossesse serait horrible vu que j'aurai peur d'une fausse couche ou d'un accouchement prématuré tout du long, que les enfants auraient sûrement un écart d'âge assez important et que quitte à accepter de ne pas avoir la famille espérée, autant jouer la carte à fond

 

[lilydouce]

@Coq' il ne faut jamais dire jamais paraît-il
« L’événement » ( pardonne moi je ne sais pas quel mot tu souhaites que l’on utilise) est encore frais, tu n’as pas forcément besoin de te reprojeter sur une troisième grossesse

Et je crois intimement que chaque nouvelle grossesse est source d’angoisse, surtout si on est sur ce topic

 

[Coq']

@lilydouce Ce qu'il y a c'est que même ne rien décider, c'est faire un choix. On est pris par le temps parce que nos différents projets s'articulent dans un calendrier assez serré. Si on ne fait rien, que je reprends une contraception pour ne pas retomber enceinte, ça signifie remettre le projet d'enfant à fin 2019 ou comme je disais dans mon message précédent l'abandonner complètement. Ça c'est si on ne fait "rien", et il y a toutes les options "faire quelque chose". Repousser/annuler le mariage pour faire passer le projet bébé d'abord, retenter tout de suite et on verra bien à quoi je ressemblerai seulement quelques mois après l'accouchement pour un mariage sur lequel je fonde peu d'espoir de toute façon, carrément risquer d'être enceinte pendant le mariage... Et il y a tous les projets pro/persos à côté de mon chéri et les miens qui sont aussi remis en cause parce que tant que j'aurai des enfants en bas âge, je ne pourrai pas évoluer dans ces directions-là.
J'étais plutôt sereine pour la deuxième grossesse. Je suis retombée sur un truc que j'ai écrit le matin même du jour où j'ai appris que le bébé était mort. J'étais assez confiante, je positivais. C'était ma chance de vivre une belle grossesse, que je n'avais pas eu pour mon premier. Ça n'empêchait pas les peurs de revivre l'horreur qu'a été la période nourrisson pour moi, les peurs liées à la gestion de deux enfants, d'en ravoir un aussi compliqué à gérer que le premier, etc etc. Mais j'étais dans l'état d'esprit de profiter de cette grossesse et advienne que pourra après la naissance. Si je vis une troisième grossesse, je vais angoisser jusqu'à 32 SA à l'idée que le bébé n'est pas viable, qu'il va mourir dans mon ventre sans que je le sache, comme Deuz'. Puis j'angoisserai qu'il naisse avant 37 SA (c'est un peu le terme que je me suis fixé pour espérer ne pas avoir un bébé de tout petit poids comme le premier). Je ne sais pas si je parlerai de la grossesse à qui que ce soit, vu que je n'ai pas reçu le soutien que j'espérais des gens que j'ai mis au courant, et que j'avais partagé la nouvelle parce que j'étais pleine de joie. Je ne serai pas contente d'apprendre une autre grossesse, juste pétrifiée à l'idée de revivre la même chose.

 

[lilydouce]

@Coq' je ne suis pas dans ta tête et je n’ai pas la prétention de parler au nom d’autres personnes alors je vais seulement te parler de mon vécu, ma réflexion
Solal était notre premier bébé. Quand je me suis réveillée après la césarienne et qu’on m’a annoncé que mon bébé n’avait pas survécu, mon monde s’est écroulé et quand monsieur m’a rejoint je me suis excusée pendant de de longues minutes comme si j’étais coupable de la mort de notre tout petit. Pendant des jours on a ni mangé ni dormi, pendant des semaines on n’imaginait pas de futur. On avait aussi le projet de se marier l’année d’après, j’avais déjà envie de réorienter ma carrière et surtout je n’envisageai même pas de redonner la vie après n’avoir pas su donné la vie...
Et puis, la vie a repris son cours. Je suis retournée travailler, on a commencé à organiser le mariage puisque notre couple représentait la seule chose fiable de notre vie.
Et tu as raison on a fait un choix : laisser faire la vie. On a simplement arreté la contraception en mode alea jacta est.
La psy m’a beaucoup aidé à comprendre qu’il fallait apprendre à lâcher prise. Je crois que les gens qui croient en un Dieu acceptent peut être plus facilement le fait que la vie n’est pas toujours compréhensible et surtout qu’on a peu de prise dessus mais je digresse...
Je suis retombée enceinte 11 mois après la mort de mon tout petit Solal. Les premiers mois de grossesse ont été extrêmement difficile moralement. Pour la première fois de ma vie, j’ai même demandé un arrêt de travail car je n’arrivais plus à faire face. Et puis je me suis dit que Solal faisait partie de l’histoire de Peio mais que Peio n’était pas Solal et qu’il méritait toute mon attention et ma bienveillance alors j’ai essayé de me détendre. Et Peio est arrivé et je ne regrette pas de m’être relancé dans l’aventure
Je ne sais absolument pas si mon déballage peut te réconforter ou t’aider à y voir plus clair mais je serais toujours là pour échanger avec toi si besoin

(Ce message a été rédigé sur portable. Pardon pour le manque de ponctuation)

 

[Trafalgar]

@Coq' tout d'abord . Ca fait un moment que je veux répondre mais je ne trouvais pas le temps, désolé pour le retard.

Dans ton premier message tu parles de choix rationnel, mais honnêtement, je ne trouve pas qu'il soit rationnel de vouloir un enfant après ce qu'il nous est arrivé. La logique voudrait de ne pas retenter pour ne pas revivre le drame, les angoisses. Mais on le fait quand même, parce que vouloir donner la vie, c'est continuer a vivre, c'est avancer, c'est faire de nouveaux projets.
Pour te parler de notre expérience, on ne voulait qu'un seul enfant, et ca était dur pour moi de ne pas culpabiliser lorsqu'on a eu Eleanore car j'ai eu l'impression de trahir ma fille aînée. Mais cet enfant on l'a désiré, et je l'aime d'un amour unique et intense, et bien sur que la mort de sa sœur a un impact et aura un impact dans notre relation, mon affection et mon comportement surement, mais en rien elle ne la remplace ou prends sa place. C'est mon deuxième enfant, bien qu'aux yeux du monde elle sera notre enfant unique.
On a pris la décision de retenter six mois après son décès, parce qu'on se sentait prêts a ce moment la, a cause de la grossesse aussi qui serait pathologique et qu'on se sentait la force de l'affronter. Je pense que plus on aurait attendu plus ca aurait été difficile pour nous, et qu'on aurait pas forcément eu le courage de retenter l'expérience. Ayant moi aussi fait l'expérience de la prématurité, ça a été compliqué jusqu'à 32 SA de me proheter(ayant eu une très grande prématurée, ce terme me paraissait plus que satisfaisant, surtout que j'avais un grand risque de refaire une pre eclampsie). En fait, depuis la naissance de ma première, on a appris a vivre au jour le jour durant sa courte existence et on a gardé ce fonctionnement, ça m'a aidé et ça m'aide toujours d'ailleurs, c'est un peu le principe du oui a ce qui est finalement . Je garde un bon souvenir de cette grossesse qui a été sereine malgré tout, car j'avais le sentiment que tout irais bien.

Tout ça concerne seulement l'aspect peur et angoisse de la grossesse après le décès d'un enfant, pour ce qui est de tes projets persos, est ce qu'ils seraient vraiment inconciliables avec un enfant en bas age? Et un écart d'âge entre deux enfants te paraît vraiment inconcevable? Ce serait peut être nécessaire le temps que tu puisse t'epanouir personnellement et professionnellement.

Tu sais aussi que tu peux me joindre si tu as d'autres questionnements

 

[Aleynia]

@Coq'
Je suis tombée enceinte un peu moins de 4 mois après le décès de Gabriel. C'est dur, très dur pour moi. Je ne m'attendais pas à cette grossesse, je voulais d'autres enfants, mais pas tout de suite. J'étais au fond du trou, je n'arrivais pas à m'occuper de Bobinette, je l'ai un peu rejetée, be me sentais horriblement mal dans mon rôle de mère.
Puis j'avais ce DIU à me faire poser, je voulais une contraception, mais en fait je ne savais pas trop, j'étais assez perdue.
La grossesse s'est invitée juste avant la pose... Je n'ai pas eu à réfléchir, je n'ai jamais envisagé l'IVG, mais je n'étais pas heureuse de la nouvelle.
J'ai travaillé tout ça avec la psychiatre de la maternité, peu à peu j'ai accepté.
J'ai rejeté cette grossesse, je l'ai ignorée malgré l'hyperémèse, je refusais de regarder les échographies ou de parler du fait que j'étais enceinte. Ce qui m'a valu d'être un peu secouée par le crush. J'ai peur qu'il meure, j'ai peur qu'il soit malade, j'ai peur de ne pas l'aimer.
Cette grossesse s'articule mal aussi dans ma vie... J'ai dû arrêter mes études et mes projets pour m'occuper de moi. Mais bon ce bébé est là, on fera avec. Il a le droit à sa place.

Lors de ma dernière écho de contrôle, le crush m'a demandé le terme, j'ai répondu du tac au tac 27 SA tout pile. Il m'a demandé si je comptais les jours. Je n'ai pas osé lui dire que j'avais juste regardé la veille pour m'informer sur les stats de taux de survie/séquelles des prématurés...

Nous n'avons toujours pas annoncé cette grossesse, sauf à ceux qui m'ont vue avec le ventre... J'ai toujours peur qu'on me reproche d'être passée à autre chose... Alors que je pense toujours à lui, qu'il me manque terriblement et que je l'aimerais toujours autant.

Nous avons une autre grosse angoisse... Celle qu'il naisse le même jour que son frère ou le jour de son décès... Gabriel est né à 23h54 et est décédé vers 1h30...

 

[Coq']

@lilydouce @Trafalgar @Aleynia et à toutes ici merci pour vos messages sur ce topic. C'est vraiment différent de parler avec des gens qui ont connu ça.

Je ne veux pas revivre cela. Je "refuse" de repasser par là. La seule manière de s'en assurer (et encore, on sait bien que même sous contraception, les grossesses surprise ça existe...) c'est de ne pas du tout refaire d'enfant. Je suis déjà tellement sur le fil, avec T. à gérer (j'ai lu au détour d'un article que de devoir s'occuper d'un tout-petit empêche le travail de deuil et ça m'a rassurée de voir que ce n'est pas moi qui suis une merde incapable de gérer là maintenant mais que c'est normal dans cette situation), ma vie qui ne me convient pas, nos difficultés de couple (on a tellement de mal à se parler depuis) que je sais que subir cela une deuxième fois serait encore pire, encore plus difficile à vivre. J'aimerais faire une croix définitive sur une nouvelle maternité, accepter que je n'ai que Choubidou et notre relation imparfaite qui me fait aussi beaucoup souffrir mais c'est trop, je n'arrive pas à imaginer ne plus jamais vivre une grossesse et ne pas avoir plus d'un enfant à regarder grandir alors que je n'ai que 27 ans. Je suis très excessive et inconstante, je réfléchis sans cesse donc je saute d'une idée à l'autre et je me convainque toute seule de changer d'avis au moins trois fois par jour tous les jours. Ça va faire un mois mais j'ai l'impression que c'était il y a plusieurs mois. Mon chéri se comportait déjà comme si c'était un événement du passé alors qu'on a seulement commencé à discuter aujourd'hui de ce qu'on faisait ensuite. La plupart des potes (j'ai un peu de mal à les considérer comme des amis là tout de suite) a déjà bien tourné la page et ne me demande pas de nouvelles ni rien. Au boulot ça continue comme toujours (évidemment en même temps, qu'est-ce qui pourrait se passer d'autre ?) mais je suis là et pas là, je me sens complètement distante de tout ça.

Ce soir on doit essayer un rituel pour nous libérer un peu.