Jack le Décrotteur
Jour, extérieur, le soleil commence sa descente vers l'horizon d'une autoroute peu fréquentée. On va dire que l'autoroute est déserte, pour le drama.
La voiture enfile les kilomètres à allure modérée. La chaleur est supportable, les notes grésillantes de l'autoradio flottent mollement dans l'air humide de la fin d'après-midi.
Alors que le compteur affiche un nouveau kilomètre, un véhicule apparaît dans le rétroviseur central et remplit rapidement le cadre du miroir. Plutôt que d'amorcer un dépassement, le nouveau venu ralentit et s'accorde au rythme de la voiture. La distance entre les engins est faible et l'on distingue nettement le pilote dans la glace. Boucles brunes, tête baissée, l'homme maintient la vitesse et une phalange au fond de son orifice nasal. Curant et récurant comme si sa vie en dépendait, le conducteur multitâches ne relève le nez, doigt toujours en action, que pour jauger l'espace le séparant de la vitre arrière de la voiture. Ce n'est qu'en l'estimant trop faible que, de son unique main libre, déboîte sans même pouvoir actionner l'avertisseur. Les chevaux s'emballent sous le capot, l'automobile accélère lourdement et dépasse enfin la voiture. Malheureusement, le véhicule doit se rabattre aussitôt. La bataille acharnée se joue toujours et l'énergie de l'homme quitte le pied sur la pédale pour se focaliser sur le soldat doigt. Les opposants sont invisibles, et seul le tourment des boucles brunes permet d'imaginer la violence de la scène.
C'est soudain. Toute agitation cesse, les têtes se relèvent, le calme est revenu. Les chevaux du moteur reprennent alors leur course, et les combattants quittent le champ de bataille. Nul ne sait qui a gagné ce combat. L'auto s'éloigne vers l'horizon avec à son bord un doigt éreinté, une narine asthénique, l'un sans doute victorieux, gardant de l'autre l'objet gluant de leur convoitise.
L'issue de cette guerre demeurera un mystère. La radio continue à égrener les notes. Le soleil se rapproche de l'horizon.
Jour, extérieur, le soleil commence sa descente vers l'horizon d'une autoroute peu fréquentée. On va dire que l'autoroute est déserte, pour le drama.
La voiture enfile les kilomètres à allure modérée. La chaleur est supportable, les notes grésillantes de l'autoradio flottent mollement dans l'air humide de la fin d'après-midi.
Alors que le compteur affiche un nouveau kilomètre, un véhicule apparaît dans le rétroviseur central et remplit rapidement le cadre du miroir. Plutôt que d'amorcer un dépassement, le nouveau venu ralentit et s'accorde au rythme de la voiture. La distance entre les engins est faible et l'on distingue nettement le pilote dans la glace. Boucles brunes, tête baissée, l'homme maintient la vitesse et une phalange au fond de son orifice nasal. Curant et récurant comme si sa vie en dépendait, le conducteur multitâches ne relève le nez, doigt toujours en action, que pour jauger l'espace le séparant de la vitre arrière de la voiture. Ce n'est qu'en l'estimant trop faible que, de son unique main libre, déboîte sans même pouvoir actionner l'avertisseur. Les chevaux s'emballent sous le capot, l'automobile accélère lourdement et dépasse enfin la voiture. Malheureusement, le véhicule doit se rabattre aussitôt. La bataille acharnée se joue toujours et l'énergie de l'homme quitte le pied sur la pédale pour se focaliser sur le soldat doigt. Les opposants sont invisibles, et seul le tourment des boucles brunes permet d'imaginer la violence de la scène.
C'est soudain. Toute agitation cesse, les têtes se relèvent, le calme est revenu. Les chevaux du moteur reprennent alors leur course, et les combattants quittent le champ de bataille. Nul ne sait qui a gagné ce combat. L'auto s'éloigne vers l'horizon avec à son bord un doigt éreinté, une narine asthénique, l'un sans doute victorieux, gardant de l'autre l'objet gluant de leur convoitise.
L'issue de cette guerre demeurera un mystère. La radio continue à égrener les notes. Le soleil se rapproche de l'horizon.