Veille Permanente Sexisme

11 Octobre 2014
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je relance sûrement un sujet qui a dû être déjà discuté : je viens de lire cet article au sujet du débat abolition / légalisation de la prostitution, qui critique notamment les positionnements en faveur du "choix" à se prostituer au sein des mouvements féministes.
J'ai trouvé ça très intéressant de nommer ce schéma de pensée comme libéral / néo-libéral, qui présente la situation comme la somme de décisions isolées de personnes individuelles, en faisant fi des mécanismes structurels à l'oeuvre - pcq effectivement c'est qqch qui me dérangeait depuis longtemps dans cet argumentaire sans que je mette le doigt dessus.
Vous en pensez quoi vous?

EDIT : aussi cet article, sur le racisme présent à l'intérieur de la prositution
 
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@La Simili-Tortue d'ailleurs je me faisais la réflexion l'autre jour ( avec l'affaire de la pub pour les Sugar Daddies, qui, à mon sens, relève de la seconde catégorie que tu cites, soit les personnes contraintes par la pauvreté) qu'on glamourise énormément ( du moins en Occident) les prostituées "forcées mais pas trop": je m'explique
- les fictions représentent quasiment toujours une prostituée jeune, conventionnellement belle, qui se retrouve obligée à se prostituer. La prostituée plus âgée, qui en a fait un vrai métier, c'est plus l'objet du rire et du dégoût
-il y a un énorme male gaze autour d'elle
-elle finit par trouver que c'est le meilleur truc qui lui soit arrivé ( cf la bande annonce anglo saxonne de Mes Chères études, où une agression sexuelle est juste présentée comme "les risques du métier"
-ou alors elle est "sauvée" par l'amour...
 
16 Novembre 2016
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@Multicolorielle Je suis totalement d'accord avec cet article, montrer la prostitution comme une grande liberté de la femme (ou autre) comme on le fait parfois dans les milieux féministes j'ai toujours trouvé que c'était du foutage de gueule... D'habitude on est les premier.ères à parler de l'importance des systèmes au sein de la société (sexisme, racisme etc), et c'est évident que la prostitution (essentiellement des femmes au service des hommes) reflète ce système sexiste, tout comme la majeure partie de la pornographie. C'est absurde de reconnaître l'existence du sexisme en tant que système, des hommes en tant que classe dominante et des femmes en tant que classe dominée, et de passer à la trappe cette analyse en ce qui concerne la prostitution (alors que c'est une des formes les plus anciennes d'exploitation des femmes par leur corps).
Mais non maintenant si on critique la prostitution on est "putophobe", lolilol ! Et si on trouve qu'il y a des choses critiquables dans la pornographie bientôt on pourra plus le dire parce que c'est "pornographobe" peut-être ?
Il y a sérieusement des gens qui sont totalement ok avec la prostitution et qui ne voient pas les gros soucis de sexisme et d'exploitation qu'il peut y avoir derrière ?
J'ai une info : on peut totalement respecter les personnes prostituées, vouloir défendre leurs droits et les aider à avoir les meilleures conditions de vie possibles, tout en critiquant le système de la prostitution et tout ce qu'il compte de problématique. Tout comme on peut défendre les droits des femmes qui bossent dans la pornographie, ET critiquer le système de la pornographie en ce qu'il a de sexiste et de problématique.
On est bien d'accord qu'il y a des femmes qui le choisissent librement et à qui ça convient, tant mieux pour elles ! Mais comme dit précédemment : c'est une (toute) petite minorité. Et pendant ce temps des femmes pauvres doivent subir ces "viols tarifés" et souffrir, en plus de se faire silencier par des associations """féministes""" qui ne retiennent que ce qui les arrange : la prostitution comme libération, celles qui le vivent bien, pour qui c'est un libre choix et qui ne sont pas en situation de précarité... Encore une fois : tant mieux pour ces personnes-là. Mais celles qui ont la priorité, c'est celles qui en grande majorité se voient imposer ça et en souffrent, non ? Il me semble qu'on doit d'abord penser aux intérêts des personnes qui sont en difficulté et en situation de souffrance.
Au lieu d'être dans l'idéologie il faut être dans le concret : si on a un grand nombre de personnes qui souffrent d'une situation merdique on se débrouille pour les aider, c'est tout. Premier truc à faire : que chacun.e puisse décider (sans contrainte économique ou autre) s'il/elle souhaite vraiment exercer ce métier et s'il/elle n'en souffre pas. Parce qu'on peut toujours nous sortir une idéologie comme quoi le sexe c'est anodin et ça devrait être un métier comme un autre, bah ça dépend énormément des personnes et beaucoup peuvent très mal le vivre. Tout le monde n'a pas envie de coucher avec des inconnus (plus ou moins respectueux et attirants) pour de l'argent. Vous imaginez la souffrance de coucher avec quelqu'un que vous ne désirez pas, tout ça parce que vous n'avez pas le choix ? Vous imaginez la souffrance quand vous vous forcez à avoir une relation sexuelle, pour une raison pour une autre ? Ca ressemble beaucoup à du viol... Normal, puisque c'en est.
Puisqu'on parle de viol et de consentement, est-ce qu'on peut vraiment dire qu'il y a du consentement à la relation sexuelle quand une personne est en situation de précarité ? Il me semble que ces temps-ci on n'hésite pas à dire que le véritable consentement, c'est quand on souhaite la relation sexuelle, pas quand on la subit. Et que la question des rapports de force joue beaucoup : une employée qui a des relations sexuelles avec son patron parce qu'elle pense qu'elle n'a pas le choix, que c'est le seul moyen de pas se faire virer/d'avoir un avancement, etc, on est d'accord qu'on est dans une relation de pouvoir abusive. La prostitution aussi c'est une question de rapport de force : généralement c'est l'homme qui paie, et c'est la femme qui est (souvent) en situation de précarité et qui accepte la relation sexuelle pour le plaisir de l'homme (parce que oui je doute qu'on se concentre beaucoup sur le plaisir des femmes hein). Si on se force à subir une relation sexuelle pour de l'argent, pour payer les vêtements des gosses, parce qu'on pense qu'on n'a pas le choix, parce qu'on pense que de toute façon c'est le seul métier auquel on ait accès... Bah c'est plus du consentement. CQFD. Et ça, pour ce que j'ai pu lire le sujet en termes de statistiques ou autre, c'est la grande majorité des cas dans la prostitution. Ce qui revient à dire que la grande majorité des relations sexuelles dans la prostitution... sont des viols tarifés.

Après perso j'ai pas de solution miracle, je pense que c'est le système dans sa globalité qui doit être revu : comment on peut en arriver à ce que des personnes soient obligées de se prostituer pour vivre décemment ? Il y a peut-être un souci niveau répartition des richesses ?(hum hum, capitalisme !) Et comment on peut empêcher les abus, l'exploitation par des macs ? Pour moi c'est surtout sur ça qu'on devrait travailler en priorité.
 
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Et a contrario ( je poursuis sur ma lancée) les femmes qui se prostituent par choix sont présentées comme mauvaises, ou ont un problème psychologique, ou sont "punies" ( meurtre, agression, ou tout simplement privées de bonheur): par exemple dans Pretty Woman, la seule prostituée à avoir un "happy ending" se prostitue par contrainte financière, les autres n'ont rien. Dans Esprit Criminel, une prostituée par choix l'est pour tuer des gens et se venger de son père, etc
 
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@just_in_case Je suis entièrement d'accord que le concept de "prostitution choisie" est particulièrement compliqué à évaluer et qu'il est donc très difficile d'avoir une position claire sur ces sujets.
Par contre, je ne sais pas trop à qui tu te réfères en parlant "des féministes" qui seraient pour la prostitution parce que je ne reconnais pas vraiment le discours des non-abolitionnistes dans ton texte :hesite: Du coup, tu peux donner des exemples de personnes à qui tu penses? :fleur:
Mais non maintenant si on critique la prostitution on est "putophobe", lolilol ! Et si on trouve qu'il y a des choses critiquables dans la pornographie bientôt on pourra plus le dire parce que c'est "pornographobe" peut-être ?
Il y a sérieusement des gens qui sont totalement ok avec la prostitution et qui ne voient pas les gros soucis de sexisme et d'exploitation qu'il peut y avoir derrière ?
J'ai une info : on peut totalement respecter les personnes prostituées, vouloir défendre leurs droits et les aider à avoir les meilleures conditions de vie possibles, tout en critiquant le système de la prostitution et tout ce qu'il compte de problématique. Tout comme on peut défendre les droits des femmes qui bossent dans la pornographie, ET critiquer le système de la pornographie en ce qu'il a de sexiste et de problématique.
Par exemple, là je ne vois pas du tout en quoi c'est une position "de féministes" de rendre "putophobie" et "opposant à la prostitution" synonymes. La "putophobie" ce n'est pas par rapport à la prostitution mais par rapport aux prostituées. La putophobie c'est tenir un discours humiliant, discriminant et insultant pour les prostituées. Alors, oui, il y a quelques cas où la critique de la prostituée et celle de la prostitution sont difficiles à distinguer, par exemple quand un père dit "Si ma fille se prostitue, je me suicide". Mais dans cette phrase, c'est le fait d'associer la prostituée à une honte qui est problématique, pas le fait qu'un père souhaite un autre avenir que la prostitution pour sa fille.
Donc je ne sais pas quelle féministe dit qu'une personne qui est contre la prostitution est putophobe, c'est pour ça que je te demande des exemples parce que j'ai rarement entendu ça :)
Après, il y a aussi le fait que les législations interdisant la prostitution (dans notre système patriarcal avec une police parfois oppressive) ne protège que très rarement les prostituées, en tout cas en l'état actuel des choses. Au contraire, ces législations tendent à les pousser vers la précarité et une fragilité renforcée. Donc effectivement, certaines lois (comme la loi contre le raccolage passif) et certaines demandes abolitionnistes peuvent être qualifiées par certains militants de "putophobes" car elles nuisent aux prostituées. Mais ce n'est pas le fait que l'activité de prostitution soit ciblée qui pose problème, c'est bien le fait que ça pose des problèmes à des prostituées déjà très vulnérables.
En gros, beaucoup de non abolitionnistes semblent partager les mêmes objectifs que toi, sauf qu'ils estiment que les solutions pour l'abolition de la prostitution ne sont pas satisfaisantes et que les solutions légalisant la prostituion apporteront une meilleure protection aux personnes. Vous avez la même fin : la meilleure protection des prostituées possibles, mais juste pas les mêmes moyens.
Et pendant ce temps des femmes pauvres doivent subir ces "viols tarifés" et souffrir, en plus de se faire silencier par des associations """féministes""" qui ne retiennent que ce qui les arrange : la prostitution comme libération, celles qui le vivent bien, pour qui c'est un libre choix et qui ne sont pas en situation de précarité... Encore une fois : tant mieux pour ces personnes-là. Mais celles qui ont la priorité, c'est celles qui en grande majorité se voient imposer ça et en souffrent, non ? Il me semble qu'on doit d'abord penser aux intérêts des personnes qui sont en difficulté et en situation de souffrance.
Au lieu d'être dans l'idéologie il faut être dans le concret : si on a un grand nombre de personnes qui souffrent d'une situation merdique on se débrouille pour les aider, c'est tout.
Encore une fois, je ne connais pas beaucoup d'associations féministes qui soutiennent la position que tu décris. La plupart des assos non abolitionnistes ont tendance à être plutôt dans la tendance "féminisme intersectionnel", donc particulièrement sensibles à la situation des femmes étrangères, racisées, trans etc. Or, ces catégories sont justement surreprésentées parmi les prostituées. C'est donc tout à fait reconnu par la plupart des assos féministes que je connais que les prostituées sont en situation précaires et qu'il y a peu de chance que la prostitution soit choisie pour une partie de ces femmes... Sauf que l'abolition de la prostitution ne sort pas ces femmes de la prostitution et de la précarité dans les faits, donc la priorité n'est pas de lutter pour un concept théorique (la prostitution est une domination patriarcale donc on veut l'abolir) mais de lutter pour la sécurité de ces femmes. Et encore une fois, beaucoup d'assos en sont venues à la conclusion que la légalisation pouvait mieux protéger les prostituées que l'abolition car les prostituées pourraient alors se tourner vers la justice, bénéficier de la protection de la loi, d'un encadrement administratif etc., d'où l'idée de s'opposer à l'abolition.
A vrai dire, le discours de prostitution comme libération et un libre choix je me souviens seulement l'avoir lu tel quel dans certains ouvrages d'Elisabeth Badinter (que j'idôlatrais à une époque). Effectivement, elle disait qu'elle ne voyait pas le problème avec la prostitution sur le principe, et je dois dire que ses arguments n'étaient pas stupides mais ils étaient complètement différents des assos qui utilisent généralement le terme de "putophobie" (j'ai jamais entendu des féministes conventionnels blanches comme Badinter utiliser ce terme).
En gros, Badinter estime que la stigmatisation de la prostitution, c'est une façon de demander aux femmes de rentrer dans les rangs sexuellement. Parce que, toujours selon elle, il n'y pas de raison que se prostituter soit pire pour toutes les femmes que d'être obligée de prendre un emploi précaire et éprouvant comme caissière chez Lidl, femme de ménage aux horaires fractionnés etc. Certaines femmes pourraient préférer la prostitution à l'inhalation de produits WC avec un patron harceleur à 5h du matin. En outre, elle rappelait que de nombreuses femmes choisissent de se marier avec un homme qu'elles n'aiment pas spécialement pour le confort matériel ou le réseau, que ce type de mariage est encouragé dans certains milieux privilégiés encore aujourd'hui, et qu'il s'agit pourtant d'une forme d'échange sexuel contre de l'argent. Pourquoi plus stigmatiser la prostituée que la femme de bourgeois sans emploi?
Sur la théorie, je suis d'accord avec elle. Mais pour moi, Badinter est effectivement un exemple de femme privilégiée qui a tendance à confondre ses privilèges avec la réalité des autres. Donc sur le principe, ses concepts ne fonctionnent pas pour moi.

Bref, j'imagine que le discours que tu as entendu sur la prostitution dépend du milieu féministe que tu fréquentes, et peut-être est-il simplement plus proche de Badinter que des collectifs trans par exemple?
 
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@MorganeGirly Merci pour ce long et intéressant message :fleur:
Alors en fait je vais peut-être te décevoir mais j'ai du mal à penser à des exemples précis de personnes ayant dit ça, c'est plus un ensemble de choses que j'ai lues au fil du temps et de mes pérégrinations sur Internet (+ aussi des opinions que j'ai pu voir sur ce forum). Pour résumer, il me semble que les nouveaux courants féministes ont de plus en plus tendance à défendre la prostitution au nom de la liberté à disposer de son corps et à taxer de putophobie tous ceux qui critiquent de près ou de loin la prostitution. J'ai l'impression que les positions abolitionnistes sont vues comme "old school" et intolérantes, au profit de cette vision "moderne" de la prostitution qui l'envisage comme un simple métier devant être légalisé et réglementé.

En fait ce qui me dérange c'est le raccourci abolitionniste = putophobe qui semble être largement répandu :hesite: et ça je ne sais pas quoi en penser. Pour moi la putophobie c'est quand on méprise les personnes prostituées, et je trouve que c'est une critique injuste faite aux associations féministes abolitionnistes, même si on n'est pas d'accord avec leur démarche :dunno:
Je pense par exemple à Osez le Féminisme. Je ne m'y connais pas des masses mais je sais que c'est une association controversée (ici je me concentre juste sur le sujet de la prostitution) et qui est régulièrement taxée de putophobie parce qu'elle se situe dans un courant abolitionniste.
J'ai l'impression que c'est considéré comme le "bon" féminisme maintenant d'être non abolitionniste. Et ça me dérange parce que je trouve qu'il y a une confiscation de la parole à ce sujet :dunno: et ça revient aussi à invisibiliser les nombreuses personnes ex-prostituées qui, comme dans les articles cités par @Multicolorielle, sont devenues abolitionnistes après leur mauvaise expérience dans la prostitution. Je trouve qu'on devrait en priorité écouter les personnes qui dénoncent ce système et en ont souffert, plutôt que celles/ceux relativement privilégié.es qui n'ont eu que de super expériences :hesite: à mon avis ces personnes-là ne sont tout simplement pas représentatives de la majorité des prostitué.es. Je pense que les personnes qui vivent bien la prostitution et souhaiteraient lui donner un statut légal et normalisé ne sont pas forcément celles qui sont en situation de précarité, celles qui sont étrangères et celles qui subissent un trafic, parce qu'à mon avis ces personnes-là sont justement celles qui souhaiteraient quitter cette situation et qui n'ont pas les moyens de témoigner ni de faire entendre leur parole... Ce sont toujours les plus opprimé.es qu'on entend le moins. Voilà pourquoi j'ai une grande méfiance envers les courants non abolitionnistes, j'ai l'impression qu'ils tendent à confisquer la parole aux personnes qui souffrent véritablement de leur situation (forcément, ça n'irait pas trop dans leur sens de publier les témoignages de personnes racontant à quel point leur expérience de la prostitution est horrible, pas vrai ?). Disons que de la part des féministes non abolitionnistes, je constate une vision idéalisée de la prostitution, et de la part des abolitionnistes il y a une vision beaucoup plus négative. Et étant donné les statistiques de la prostitution, le nombre de personnes victimes de trafic etc, je pense que si on veut avoir une vision plus réaliste des choses les propos des féministes abolitionnistes sont plus pertinents.

Après je ne sais pas vraiment quoi penser de l'abolitionnisme en soi. Je comprends les arguments contre sur le plan idéologique : les femmes ont le droit de disposer de leur corps, de choisir le métier qu'elles veulent, de considérer le sexe comme une activité professionnelle, etc, ainsi que sur le plan matériel : si on pénalise les clients/prostituées ce sont les prostituées qui trinquent, il faut un statut légal à ce métier pour mieux les protéger, etc. D'ailleurs je suis contre les initiatives comme le délit de racolage passif, je trouve que ça tend à stigmatiser et punir les prostituées alors que ce ne sont pas elles qui sont à punir dans cette histoire, mais bien ceux qui profitent de leur situation :dunno: et plus généralement cette société de m*rde qui pousse des femmes à se prostituer tellement elle est incapable de garantir un niveau de vie correct pour tout le monde. Du coup je me tiens à distance de ce genre d'initiatives, je ne sais pas si les féministes abolitionnistes les soutiennent mais je suis plutôt contre. Lutter contre le système de la prostitution ne devrait pas vouloir dire lutter contre les prostituées.
Mais je comprends aussi les arguments pour l'abolitionnisme : on ne peut pas nier que le système de la prostitution est profondément sexiste et raciste, et qu'il a toujours constitué une forme d'exploitation de la classe dominante (hommes) envers la classe dominée (femmes). On ne peut pas nier que la prostitution exerce dans la grande majorité des cas une violence physique et psychologique envers les femmes, en légitimant une forme de viol tarifé. On ne peut pas nier non plus qu'il est compliqué de promouvoir un message tel que les hommes auraient le droit de payer pour disposer du corps d'une femme, la réduisant ainsi à un pur objet sexuel. Je trouve assez problématique l'idée de pouvoir disposer du corps d'autrui contre de l'argent (d'ailleurs à ce titre je suis résolument contre la GPA tarifée, dont on connaît bien les dérives avec les "fermes" de femmes en Inde, etc) Ca me semble profondément anti-féministe, et personnellement j'aurais du mal à ne pas grimacer en voyant un vieux dégueulasse payer pour obtenir les services sexuels d'une jeune et belle femme, même si on me dit qu'elle l'a choisi.
En fait pour que ce soit acceptable il faudrait que les femmes aient totalement le pouvoir, choisissent absolument tous leurs clients, vivent très bien leur métier, ne se sentent pas piégées à cause d'une certaine précarité économique et puissent sortir de la prostitution si jamais elles le souhaitent. Or soyons réalistes : c'est utopique et ça ne concerne que très peu de gens... Et je ne pense pas que légaliser la prostitution permettrait magiquement d'arranger la situation.
Je manque honnêtement de connaissances sur le sujet donc je te cite un article que j'ai trouvé qui parle de la légalisation de la prostitution aux Pays-Bas : "Même si elle est censée garantir l’indépendance des femmes, la légalisation de la prostitution aux Pays-Bas a entraîné l’essor du trafic humain. Selon une étude allemande publiée en 2013, ce trafic est « plus élevé dans les pays où la prostitution est légale ». Cette étude classe 160 pays sur une échelle à 6 degrés selon le nombre de cas de trafic d’êtres humains. Les Pays-Bas figurent au plus haut niveau de l’échelle, dans la catégorie « Très élevée ». L’étude explique que « la légalisation entraîne un accroissement du marché de la prostitution ce qui provoque parallèlement une élévation du trafic humain ». En 2012, le conseil des droits de l’homme des Nations Unies a montré que 60 à 70% des prostituées travailleraient sous la contrainte de groupes criminels aux Pays-Bas." lien : https://buzzles.org/2017/03/09/prostitution-aux-pays-bas-derriere-les-rideaux-des-quartiers-rouges/
Et je sais pas mais honnêtement... Ce pays où les femmes sont exposées comme de la marchandise derrière les vitrines, au bon vouloir des hommes, c'est vraiment cette société que vous voulez ? C'est une vision du féminisme du futur selon vous ? :erf: moi ça me met on ne peut plus mal à l'aise...

Enfin bref, je ne pense pas que les féministes abolitionnistes méprisent les personnes prostituées, je pense qu'elles souhaitent aider celles qui en souffrent et ne l'ont pas choisi (une grande majorité des cas, ça semble indéniable). D'où mon incompréhension quand on les qualifie de putophobes.
Après il faudrait évidemment pouvoir garantir des solutions aux femmes qui souhaitent sortir de la prostitution, c'est-à-dire des métiers choisis qui leur procurent un niveau de vie correct. Le problème, c'est que les associations féministes n'en ont tout simplement pas le pouvoir. Et personne ne peut garantir ça à qui que ce soit dans la société actuelle. C'est le système entier et son problème de répartition des richesses qui crée la précarité qui conduit des personnes à se prostituer sans vraiment le vouloir. C'est une question qui à mon avis dépasse de très loin le féminisme, et donc nous n'avons pas vraiment de pouvoir dessus :erf:
Et de même, les courants non abolitionnistes n'ont pas le pouvoir d'aider les femmes. Leur action peut peut-être aider certaines personnes sur le court terme, mais pas "guérir" la société du problème de sexisme qui entoure la prostitution, ni aider celles qui souffrent de ce système et y entrent à cause de leur besoin d'argent. C'est un problème beaucoup plus vaste et complexe qui a surtout à voir avec la pauvreté...

Du coup j'aurais beaucoup de mal à savoir qui soutenir dans cette affaire. Les courants abolitionnistes et non abolitionnistes n'apportent pas de solution vraiment satisfaisante. En fait, pour caricaturer très grossièrement : j'ai l'impression que les abolitionnistes proposent une solution sur le long terme (mais qui risquerait de porter préjudice aux personnes prostituées actuellement, tant qu'on est dans l'incapacité de leur garantir une meilleure situation) et que les non abolitionnistes proposent une solution sur le court terme (qui pourrait arranger certain.es mais qui ne réglerait pas les gros problèmes autour de la prostitution et qui ne remettrait pas en cause le sexisme de ce système, ainsi que la pauvreté généralisée qui pousse les femmes vers ce métier sans vraiment le vouloir). Personnellement j'ai tendance à penser qu'il faudrait protéger autant que possible les personnes prostituées actuellement... Mais aussi protéger le nombre énorme de personnes qui en souffriront dans le futur. Il me semble que ce serait en quelque sorte un mal pour un bien de s'attaquer au système prostitutionnel aujourd'hui, quitte à le réintroduire sous une forme beaucoup plus respectueuse des femmes plus tard (je ne sais pas si c'est très clair).
En gros, la position abolitionniste fonctionne peut-être plus en termes de système et moins en termes d'individus. Pour moi, aucun des deux n'est à négliger ; mais quand je vois le système actuel de la prostitution, il me semble tellement négatif, anti-féministe et source de souffrances qu'il me paraît plus logique de vouloir le démanteler que de le consolider en le légitimant :erf:
Et effectivement, je ne suis franchement pas fan de cette théorie d'Elisabeth Badinter, que je trouve complètement déconnectée de la réalité. C'est ça le problème, elle est dans l'idéologie de la liberté sexuelle, mais pas dans le concret.

Je pense qu'au lieu de se faire la guerre entre féministes, il faudrait avant tout se mettre d'accord sur les problèmes urgents : aider les personnes qui souffrent, faire la chasse aux macs et démanteler les trafics, combattre la vision sexiste selon laquelle les femmes sont à disposition des hommes (parce que même si on souhaite être prostituée, personne ne souhaite être traitée comme un objet par des hommes irrespectueux), aider les personnes qui souhaitent quitter la prostitution, et travailler sur des solutions visant à limiter autant que possible la précarité des femmes (qui les pousse trop souvent à se prostituer à contrecoeur), pour s'assurer que seules celles qui le veulent vraiment exercent ce métier (et ce dans les meilleures conditions possibles). Je pense qu'on peut au moins se mettre d'accord là-dessus.

Edit : je donne un peu trop l'impression de dire "moi, moi, moi" dans ce message. Qu'on soit d'accord, ce n'est pas mon opinion qui importe, mais bien la situation de ces personnes. J'utilise simplement cette formulation pour exprimer mon ressenti sur la question. J'ai du mal à formuler une opinion objective sur une question aussi complexe, alors je fais confiance à mon intuition pour me guider :fleur: je ne pense tout simplement pas que la prostitution puisse être féministe dans l'état actuel des choses. Pour l'exprimer autrement : "it doesn't sound right". Voilà.
 
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Concernant la prostitution, j'ai du mal à comprendre en quoi la légalisation ou l'abolition change grand chose pour ces personnes.
Dans tous les cas, il y a des prostitués plus "privilégiés", celleux qui comprennent le français, connaissent les lois, peuvent se défendre. Si c'est légal : iels pourront se plaindre en cas d'agression. Si c'est illégal (dans le sens, on peut être prostitué, mais le client est dans l'illégalité), iels pourront aussi se plaindre (et à mon sens plus facilement)
Et il y aura les prostitués non privilégiés : avec un mac, sans papier, ne parlent pas français, ne connaissent pas les lois, n'ont pas les moyens de porter plainte pour une raison X ou Y. La encore, que ce soit légal ou illégal ne change rien pour ces personnes.(à mon sens)

En fait, à partir du moment où il y a un "marché noir" de la prostitution, des personnes précaires, il y aura un problème. On manque de donnée sur la prostitution, mais je n'ai rien lu qui indique que la légalisation ou l'interdiction affecte réellement les conditions de travails des prostitués, (il y a des avis d'assos, mais je n'ai jamais vu d'étude concrète :hesite:). Comment se porte la prostitution aux Pays Bas et en Allemagne?

Et le problème de la légalisation, avec création de maison close par exemple, c'est que ça normalise la prostitution. Ca la rend presque culturelle. J'avais lu un truc là dessus (mais je ne sais pas la fiabilité du document) qui expliquait que la légalisation faisait augmenter le nombre de client et de prostitués, et qu'en plus iels étaient mis beaucoup plus en concurrence, donc "forcés" à accepter des pratiques de plus en plus hard pour rester dans la compétition...

Après, il me manque peut-être des clés de lecture, surtout concernant les effets de la légalisation/interdiction.

Moi une des solutions que je vois (mais la encore, ça profite aux français essentiellement) c'est la mise en place d'un revenu de base. Pour le coup, pour les personnes qui y auraient droit, il y aurait beaucoup moins de risque d'avoir de la prostitution forcée pour raison financière.
 
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En fait ce qui me dérange c'est le raccourci abolitionniste = putophobe qui semble être largement répandu :hesite: et ça je ne sais pas quoi en penser. Pour moi la putophobie c'est quand on méprise les personnes prostituées, et je trouve que c'est une critique injuste faite aux associations féministes abolitionnistes, même si on n'est pas d'accord avec leur démarche :dunno:
Mais je crois vraiment que la définition de putophobes pour la plupart des féministes c'est bien le mépris des prostitués, pas le fait d'être abolitionniste :) Donc tu as dû être exposée à un discours très spécifique (type Badinter) qui ne me parait pas très représentatif du débat féministe sur la prostitution.
Je pense par exemple à Osez le Féminisme. Je ne m'y connais pas des masses mais je sais que c'est une association controversée (ici je me concentre juste sur le sujet de la prostitution) et qui est régulièrement taxée de putophobie parce qu'elle se situe dans un courant abolitionniste.
Honnêtement, je ne connais pas très bien les détails sur ce point mais OLF est controversée pour sa position assez "féminisme privilégiée", donc je suppose que ce n'est pas parce qu'elle se situe dans le courant abolitionniste qu'on lui reproche d'être putophobe mais que ça doit être plus compliqué que ça, peut-être parce que les mesures revendiquées s'opposent à pas mal de droits des prostituées?
Et ça me dérange parce que je trouve qu'il y a une confiscation de la parole à ce sujet :dunno: et ça revient aussi à invisibiliser les nombreuses personnes ex-prostituées qui, comme dans les articles cités par @Multicolorielle, sont devenues abolitionnistes après leur mauvaise expérience dans la prostitution. Je trouve qu'on devrait en priorité écouter les personnes qui dénoncent ce système et en ont souffert, plutôt que celles/ceux relativement privilégié.es qui n'ont eu que de super expériences :hesite: à mon avis ces personnes-là ne sont tout simplement pas représentatives de la majorité des prostitué.es. (...) Voilà pourquoi j'ai une grande méfiance envers les courants non abolitionnistes, j'ai l'impression qu'ils tendent à confisquer la parole aux personnes qui souffrent véritablement de leur situation (forcément, ça n'irait pas trop dans leur sens de publier les témoignages de personnes racontant à quel point leur expérience de la prostitution est horrible, pas vrai ?). Disons que de la part des féministes non abolitionnistes, je constate une vision idéalisée de la prostitution, et de la part des abolitionnistes il y a une vision beaucoup plus négative.
Je me répète mais pour moi, soit tu as été uniquement exposée à un discours non abolitionniste type Badinter, soit il y a eu un gros malentendu :) Les assos non abolitionnistes ne s'appuient pas uniquement les témoignages de femmes qui le vivent bien, mais aux contraire sur les témoignages de femmes précarisées qui ne pourront pas arrêter de se prostituer si la prostitution est interdite! Je pense honnêtement que très peu de féministes non abolitionnistes ont une "vision idéalisée" de la prostitution, bien au contraire!
Je pense qu'au lieu de se faire la guerre entre féministes, il faudrait avant tout se mettre d'accord sur les problèmes urgents : aider les personnes qui souffrent, faire la chasse aux macs et démanteler les trafics, combattre la vision sexiste selon laquelle les femmes sont à disposition des hommes (parce que même si on souhaite être prostituée, personne ne souhaite être traitée comme un objet par des hommes irrespectueux), aider les personnes qui souhaitent quitter la prostitution, et travailler sur des solutions visant à limiter autant que possible la précarité des femmes (qui les pousse trop souvent à se prostituer à contrecoeur), pour s'assurer que seules celles qui le veulent vraiment exercent ce métier (et ce dans les meilleures conditions possibles). Je pense qu'on peut au moins se mettre d'accord là-dessus.
Je crois vraiment pas que ces urgences soient contestées par les non abolitionnistes, ni même qu'elles s'en détournent, au contraire :hesite: La prostitution légalisée, ça veut dire en principe qu'il y a des choses illégales comme le trafic tout en n'excluant pas les prostituées de la société...
Je pense que les personnes qui vivent bien la prostitution et souhaiteraient lui donner un statut légal et normalisé ne sont pas forcément celles qui sont en situation de précarité, celles qui sont étrangères et celles qui subissent un trafic, parce qu'à mon avis ces personnes-là sont justement celles qui souhaiteraient quitter cette situation et qui n'ont pas les moyens de témoigner ni de faire entendre leur parole...
Concernant la prostitution, j'ai du mal à comprendre en quoi la légalisation ou l'abolition change grand chose pour ces personnes.
Dans tous les cas, il y a des prostitués plus "privilégiés", celleux qui comprennent le français, connaissent les lois, peuvent se défendre. Si c'est légal : iels pourront se plaindre en cas d'agression. Si c'est illégal (dans le sens, on peut être prostitué, mais le client est dans l'illégalité), iels pourront aussi se plaindre (et à mon sens plus facilement)
Et il y aura les prostitués non privilégiés : avec un mac, sans papier, ne parlent pas français, ne connaissent pas les lois, n'ont pas les moyens de porter plainte pour une raison X ou Y. La encore, que ce soit légal ou illégal ne change rien pour ces personnes.(à mon sens)
Il faut savoir que quand on parle "d'interdire la prostitution", il y a trois types d'interdictions qui peuvent être indépendantes ou conjuguées : l'interdiction de se prostituer, l'interdiction de recourir aux services d'un-e prostitué-e et l'interdiction de servir d'intermédiaire entre une prostituée et un client. Dans le premier cas, la prostituée peut être arrêtée et poursuivie pour l'activité illégale qu'elle exerce, dans le deuxième cas, c'est le client qui peut l'être, dans le troisième cas, c'est le proxénète.
Les féministes non abolitionnistes vont avoir des positions variables pour l'interdiction 2 et 3 mais elles sont toujours opposées à l'interdiction 1 pour la bonne raison qu'une femme en situation de précarité et victime d'un trafic va être placée en position précaire également vis-à-vis de la Police.
L'interdiction de se prostituer n'aidera jamais une femme sans papier précarisée à porter plainte en cas de viol en de violence. Elle sera contrainte de se cacher quand elle verra la Police arrivée parce qu'elle aura peur d'être arrêtée pour prostitution, d'attirer l'attention du fait de ses activités, de se trouver à la merci de policiers qui abusent de leur fonction et de sa position illégale etc. C'est très problématique parce que tout ce qui est caché est par essence encore plus dangereux. Les prostituées risquent de se retrancher dans les quartiers les moins sûrs, d'être exposées à des gens qui savent qu'ils peuvent abuser d'elles parce qu'elles n'ont aucun droit.
Au moins, la non pénalisation de la prostitution permet aux prostituées de ne pas craindre d'être embarquées par les flics, renvoyées dans leur pays ou relâchées et tabassées pour avoir perdu du temps de "travail".

Si le client est dans l'illégalité, c'est plus discutable parce que de nombreuses prostituées ont de toute façon besoin de se prostituer. La contrainte n'est pas nécessairement celle d'un mac qui va les tabasser. Elle peut être qu'elles n'ont pas les moyens de faire autrement. Donc un grand nombre de prostituées n'a aucun intérêt à aller voir la Police en cas d'agression pour balancer un client, car elles risquent de perdre leur source de revenus et d'avoir une réputation peu sûre vis-à-vis des clients. En outre, l'interdiction de recourir aux services d'une prostituée oblige quand même les prostituées à se cacher parce qu'elles ne veulent pas que leur gagne-pain se fasse prendre. Et la situation peut être encore plus grave en cas d'emprise d'un réseau de prostitution où elles se retranchent dans l'ombre pour continuer à exercer leur activité. Là aussi, les prostituées qui sont dans une situation illégale par ailleurs (ex: sans papiers) ne pourront pas aller voir la Police en cas de violence car elles savent bien que la chasse aux sans papiers prime sur la protection des femmes en France :erf: Et ça les expose aux chantages de certains policiers/voisins qui peuvent proposer de fermer l'oeil sur leur activité contre services sexuels gratuits et sans règles.

Si le proxénète est dans l'illégalité, ça permet de lutter contre les trafics organisés, ou les personnes contraintes de se prostituer sous l'emprise de quelqu'un, mais parfois le délit de proxénétisme est assez délicat à définir. Par exemple, si une prostituée paye les services d'un homme pour la protéger ou d'une femme pour l'aider à trouver des clients spécifiques (ex: riches clients ou "bien notés" niveau respect de l'intégrité physique), ces "prestataires" peuvent être accusés de proxénétisme, ce qui peut compliquer la situation des prostituées. Mais je crois que c'est cette interdiction qui est la moins contestée par les non-abolitionnistes :)

La légalisation, ça permet de pouvoir avoir accès à un syndicat, aux protections du Code du travail (pour les free-lances j'imagine), à la Sécurité Sociale, à la retraite etc. Le trafic est alors clairement distingué de la prostitution légale (même si c'est probablement difficile de distinguer les deux dans certains cas), et les prostituées sans papiers n'ont pas accès à tous les droits des travailleurs mais au moins, elles savent qu'elles ne vont pas se faire arrêter dès qu'on les voit en train d'exercer.

Pour ma part, je suis vraiment partagée. Je ne sais pas si je veux la légalisation de la prostitution car je crois que c'est évidemement très compliqué... Mais je ne suis pas sûre que l'abolition soit une solution dans l'état actuel des choses, pour moi c'est un peu une illusion de croire que les femmes sortiront de l'esclavage sexuel parce qu'on interdit la prostitution. Donc il faut trouver une solution qui tienne à la fois compte de la réalité et des principes théoriques.

Les études existantes et les chiffres sont très difficiles à évaluer parce que ça reste une activité assez stigmatisée, même légalisée, qu'une grosse partie de la prostitution n'est pas accessible ou connue des chercheurs, et que les chiffres sont souvent orientés en fonction de la position d'un camp ou d'un autre. Des infos que je l'ai lues, le cas hollandais ou allemand n'est pas du tout un exemple positif de légalisation mais la Nouvelle-Zélande ou l'Australie semblent avoir une approche plus efficace bien que discutée, comme le montre cet article entre autre (si vous lisez l'anglais) :
https://www.nytimes.com/2016/05/08/magazine/should-prostitution-be-a-crime.html
 
25 Février 2014
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Nantes
@MorganeGirly
Dans la partie que tu cites, je parle d'interdiction dans le sens "prostitué : OK, client : illégal"
Et du coup, je ne comprends pas tes arguments "contre" :
(paragraphe prostitutions légal, client illégal)
- "Donc un grand nombre de prostituées n'a aucun intérêt à aller voir la Police en cas d'agression pour balancer un client, car elles risquent de perdre leur source de revenus" => exactement la même chose s'il y a agression ou viol dans la prostitution légale

-"En outre, l'interdiction de recourir aux services d'une prostituée oblige quand même les prostituées à se cacher parce qu'elles ne veulent pas que leur gagne-pain se fasse prendre." => Seul point défendable à mon sens, mais en même temps, les femmes issues de trafic sexuel seront toujours "obligé" de travailler dans l'ombre. Les maisons closes avec contrat de travail sera réservés aux françaises ou femmes sous visa. Et les femmes françaises actuellement officient certes dans l'ombre, mais ont toute possibilité de porter plainte sans que ça leur retombe dessus.

-"Là aussi, les prostituées qui sont dans une situation illégale par ailleurs (ex: sans papiers) ne pourront pas aller voir la Police en cas de violence car elles savent bien que la chasse aux sans papiers prime sur la protection des femmes en France " => Ce serait aussi le cas si la prostitution est légale

Paragraphe prostitution légale
-"La légalisation, ça permet de pouvoir avoir accès à un syndicat, aux protections du Code du travail (pour les free-lances j'imagine), à la Sécurité Sociale, à la retraite etc." C'est le cas aussi avec la prostitution légale et client ilégal. D'ailleurs, il me semble que les prostitués ont obligation de se déclarer :hesite:

-"les prostituées sans papiers n'ont pas accès à tous les droits des travailleurs mais au moins, elles savent qu'elles ne vont pas se faire arrêter dès qu'on les voit en train d'exercer." Pourquoi? :dunno:

Après, ça dépend ce qu'implique réellement le client illégal : est-ce que l'Etat français part à la chasse au client? Je ne pense pas :hesite: Si oui, effectivement ça peut poser problème pour le travail dans l'ombre. Si non, ça permet juste plus facilement de porter plainte.

Il y a un point qui pourrait être intéressant dans la légalisation, c'est pour les clients qui ne veulent pas faire profiter le trafic. Aller dans des maisons closes avec des prostitués qui ont des contrat de travail et qui ne sont pas exploités, plutôt que ne pas savoir si cet.te prostitué est sous mac ou en "free lance". Mais ça me semble un peu bancal quand même ...
 
16 Novembre 2016
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Paris
@MorganeGirly @Shadowsofthenight Merci pour vos réponses :fleur: je ne sais pas si j'aurai l'énergie de continuer longtemps cette discussion, j'ai l'impression d'avoir tout donné avec mes pavés !

Alors j'ai peut-être fait un tableau un peu noir des mouvements non abolitionnistes, en effet. Comme je ne suis pas hyper convaincue par leur position, je les fréquente assez peu. Je ne pense pas qu'ils se fichent du sort des prostitué.es précaires, tu as probablement raison @MorganeGirly en disant qu'ils utilisent aussi des témoignages de personnes en difficulté et souhaitant un statut légal. En revanche, il est clair aussi qu'ils ont tendance à publier pas mal de choses défendant la "liberté sexuelle" et à se référer aux témoignages de personnes pour qui la prostitution est un choix. Je ne dis pas qu'on ne devrait pas entendre ces opinions ; mais pour que la démarche soit honnête, il faudrait qu'elles respectent des proportions réalistes, c'est-à-dire qu'on devrait avoir une grande majorité de témoignages négatifs et une petite minorité de positifs. Sinon, même en arguant que les personnes prostituées bénéficieraient concrètement d'un meilleur statut en légalisant, on aurait du mal à convaincre qui que ce soit du bien fondé d'encourager ce métier en montrant à quel point les personnes sont en situation de souffrance. Il leur faut convaincre les gens que la prostitution (légalisée) peut être une bonne idée avec non seulement des arguments concrets mais aussi en se basant sur une certaine posture idéologique (normaliser la prostitution, défendre l'idée d'un "métier comme un autre").

Ce que je veux dire, c'est qu'à mon avis leur démarche est biaisée et qu'elle surreprésente les personnes qui soutiennent la prostitution (or elles semblent être minoritaires en réalité quand on voit le nombre d'ex-prostitué.es qui sont devenu.es abolitionnistes). C'est pour ça que je m'en méfie et que je me demande si les non abolitionnistes n'ont pas tendance à silencier les personnes qui ont vécu l'enfer en se prostituant :hesite: il me semble que ce n'est pas la tendance générale dans ce mouvement de montrer à quel point la réalité est critique. Ou alors ils le feront mais juste sur le plan matériel (en reliant ça systématiquement à la question de la légalisation et en prétendant que tout irait beaucoup mieux si on légalisait la prostitution), tout en zappant les problématiques sexistes autour du système et en évitant de parler des situations horribles que connaissent certain.es prostituées. Ce n'est tout simplement pas en lisant des contenus non abolitionnistes que j'ai pu voir les témoignages les plus percutants et les plus abominables. Il me semble que ce ne sont pas ces mouvements qui vont le plus s'indigner des conditions concrètes du métier dont personne ne veut parler et des dérives potentielles liées à la normalisation de la prostitution, du genre : devoir accepter des pratiques de plus en plus hard, comme disait @Margay, être en compétition les unes avec les autres, avoir des problèmes d'incontinence à force de subir des pratiques de sodomie... oui c'est horrible mais ça c'est le côté pas glamour qu'on ne dénonce pas assez je pense.
Ca n'irait pas trop avec une idéologie de la prostitution comme métier parfaitement acceptable et normal, ça c'est sûr... Donc je maintiens, pour moi il y a un biais dans leur démarche et une vision un peu trop optimiste concernant la supposée liberté des prostituées. Dans un monde sexiste comme le nôtre, je n'y crois pas une seconde.

Pour OLF, oui il me semble qu'elles ont soutenu la pénalisation du client (ce qui pour certains est vu comme putophobe) mais vraiment c'est de manière générale qu'on a tendance à stigmatiser les mouvements abolitionnistes comme putophobes, je n'ai pas l'énergie ce soir mais je suis sûre que tu peux trouver des articles/manifestes sur le sujet :fleur: c'est clairement un terme que j'ai facilement vu voler sur les réseaux sociaux ou autres dès qu'on parle de prostitution. Je pense que c'est une technique pour silencier et décrédibiliser ceux qui ne se reconnaissent pas dans la tendance du féminisme "nouvelle vague" qui est plutôt non abolitionniste et qui insiste nettement plus sur la liberté de "disposer de son corps" que sur la réalité glauque de la prostitution et la question de l'oppression systémique et sexiste qu'il y a derrière. En gros, de leur côté on est plus centré sur l'individu et moins sur la critique du système en tant que tel (avec des défauts différents de ceux des mouvements abolitionnistes, mais des défauts quand même).

Sinon on est plutôt d'accord, je ne sais pas si l'abolition est une bonne solution et je ne pense pas non plus que la légalisation soit souhaitable. Concrètement je pense que c'est difficile de dire ce qui va faire le plus de mal/bien sur le long terme (même si personnellement je suis plutôt contre le principe de la marchandisation du corps humain). Après, il y a des exemples comme les Pays-Bas où on voit que la légalisation n'a pas hyper bien fonctionné et a probablement même aggravé les choses (sur le plan matériel + culturel si tu veux mon avis, ça n'a fait du bien à personne y compris aux prostitué.es...). Pour la Nouvelle-Zélande et l'Australie, je suis contente de savoir que la situation peut s'améliorer :) même si je ne crois pas trop que ça puisse fonctionner partout...
Tu dis que tu penses illusoire de considérer que les femmes sortiront de l'esclavage sexuel si on abolit la prostitution. Moi je pense illusoire de considérer qu'elles sortiront de l'esclavage sexuel si on la légalise. Voilà !

@Shadowsofthenight Ok, je comprends mieux. Je suis partagée pour la pénalisation des clients. D'un côté je trouve qu'on ne devrait pas tolérer que des personnes profitent de prostitué.es en situation de précarité et de vulnérabilité, pour moi c'est un crime qui ne devrait pas rester impuni. On a bien parlé de l'absence de véritable consentement de la grande majorité des prostitué.es, qui implique qu'une très grande partie des relations sexuelles dans la prostitution sont des viols tarifés. De là, peut-on vraiment tolérer que les personnes qui commettent ces viols, donc des violeurs, restent impunis ? On peut donc violer une femme qui est forcée de l'accepter pour l'argent, mais comme c'est une situation particulière on accepte et on les laisse partir comme ça ? Ce n'est pas cohérent avec les principes féministes de base...
Je ne dis pas que j'ai une solution miracle, je soulève juste les contradictions de cette situation.
D'un autre côté le but n'est pas de fragiliser encore plus les prostitué.es :erf: donc c'est compliqué...

Ok, alors que des personnes étrangères souhaitent la légalisation de la prostitution pour améliorer leur quotidien c'est une chose, mais que diraient-elles si elles avaient la possibilité de quitter ce métier et de ne plus jamais y revenir, tout en continuant de gagner correctement leur vie ? Pour moi c'est surtout cette question qu'il faut se poser. Evidemment si on propose aux gens d'avoir un statut plus stable et mieux payé ils vont dire oui ! Mais si on leur dit qu'ils peuvent éviter de faire ce métier tout court, tout en gardant les avantages (salaire correct, etc), est-ce que tu penses que beaucoup choisiront la prostitution ? C'est une vraie question.
C'est pour ça que pour moi c'est une sorte de cache-misère que de légaliser. Ca revient à améliorer la situation des gens sur le court terme, mais pas du tout à remettre en question le système qui pousse les gens à accepter un métier aux conditions somme toute très difficiles et peu épanouissantes (vu le nombre de personnes prostitué.es qui voudraient faire autre chose). Ca ne remet pas en question les problèmes de fond, et notamment la pauvreté et le manque d'alternatives. C'est pour ça que d'une certaine manière je trouve ça "politiquement correct", dans le sens où on se place du côté des opprimé.es en prétendant défendre leurs intérêts immédiats... Tout en évitant soigneusement de se poser des questions de fond sur l'existence même du système de prostitution, du sexisme et du racisme qui le sous-tendent, de la pauvreté, des questions de rapports de pouvoir dans la société et de la marchandisation du corps humain. En bref, je trouve que c'est une approche assez superficielle, qui ne creuse pas vraiment toutes ces questions. C'est pour ça que ses dérives m'inquiètent.
Je pense que si on légalise la prostitution, on va tout simplement se retrouver avec un "monstre" qu'on n'aura pas prévu (faute de réflexion suffisamment poussée) et plein d'effets négatifs (comme les conséquences de la légalisation aux Pays-Bas). Pour moi il faut vraiment réfléchir aussi aux valeurs qu'on veut transmettre aux citoyens du futur : est-ce qu'on veut défendre en priorité l'idée qu'on fait ce qu'on veut de son corps et que la prostitution peut être un métier comme un autre, ou est-ce qu'on veut avant tout défendre l'idée que le corps humain n'est pas marchandable et que les relations sexuelles doivent absolument être désirées ? (j'entends par là désirées sexuellement ou romantiquement, pas pour des raisons économiques).
J'ai l'impression que ces valeurs différentes sont difficilement compatibles :erf: et autant je trouve que les gens font ce qu'ils veulent de leurs fesses dans le domaine du privé, autant il me semble que ce ne sont pas vraiment des valeurs féministes que de sous-entendre que oui, on peut payer pour avoir du sexe, et que le corps des femmes peut se louer comme objet masturbatoire. Ce serait mieux qu'on apprenne aux gens (surtout aux garçons) que les relations sexuelles devraient s'effectuer entre personnes qui ont un désir sincère et partagé, non ? Comment voulez-vous apprendre aux garçons l'importance du consentement et du désir mutuel si on leur apprend que le consentement est monnayable et qu'ils peuvent avoir accès aux corps des femmes s'ils y mettent le prix ? Comment voulez-vous voir la sexualité sous un angle positif et égalitaire s'il y a une question de pouvoir et d'argent qui rentre en jeu ?
Ca semble très contradictoire en fait. Encore une fois, si pour vous les vitrines d'Amsterdam représentent la société féministe du futur, ça fait peur pour la suite...

Sinon je suis d'accord, ça me paraît évident que les associations abolitionnistes devraient mettre le paquet pour aider les personnes qui le souhaitent à sortir de la prostitution, c'est hypocrite de leur part si elles ne soutiennent pas assez ces initiatives. Après je pense que les mouvements abolitionnistes ont leurs défauts, tout comme les non abolitionnistes. C'est pour ça que je trouve difficile de soutenir à fond les uns ou les autres.
 

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