Le langage inclusif (TW): questions en tout genre.

20 Février 2014
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@La femme de Frank :

"La langue française n'a pas été créée pour nier l'identité de qui que ce soit, lui prêter de telles intentions et une telle effectivité c'est un choix, une croyance, un ressenti, si on veut, mais ça n'en fait pas une réalité pour tous."

La nécessité de la binarité, c'est une croyance sur laquelle est basée la société française entière et qui se traduit dans la langue et la manières dont on désigne les personnes.

"Pour moi ça n'a aucun sens de réduire une langue à une dimension politique et morale, c'est porteur avant tout d'autres choses, d'une histoire, d'un patrimoine, d'une culture, d'une volonté de communication."

L'invisibilité voire le rejet de la non binarité ne fait pour toi pas partie de la culture de la France (ou des pays francophones concernés) ? Elle n'a pas été portée par des croyances ou des choix qui ont pu heurté des populations ? Est ce que tout dans notre patrimoine culturel est de sa simple existence dans celui-ci à conserver ? ... Tu vois, moi aussi je réfléchis :drama:

"Et puisqu'on parle d'identité il y a beaucoup de gens pour qui cette langue justement a profondément trait à leur identité."
Qu'est ce que l'usage démocratisé de l'écriture inclusive te retirait-il personnellement qui à trait au rapport entre ton identité et la langue que tu emploies ? Parce que pour les personnes non binaires et certaines femmes, c'est précisément cette liaison entre leur identité et la langue employée qui est perturbée. Mais apparemment, quand il s'agit de ces personnes, c'est moins important :rolleyes:

Finalement, sur quoi réfléchis-tu exactement ? Sur les termes que devraient utiliser les personnes non binaires pour se désigner/être désigné.e.s (héhé, notez l'effort) ?

@Sassegra : Si seulement on pouvait laisser plusieurs big up :rire:
Les voir s'alarmer ainsi, c'est presque risible (quand on met de coté les enjeux :goth:).
 
@La femme de Frank (Tout d'abord, une note: on peut être trans et être une femme, c'est mon cas. Les deux groupes ne sont pas mutuellement exclusifs. Je peux détailler plus longuement si tu le souhaites. L'écriture inclusive, et les accords visant à créer un neutre grammatical pour exprimer un genre qui ne soit ni féminin ni masculin, concerne surtout certaines personnes non-binaires (pas toutes). )

Après, je suis d'accord pour dire qu'il y a des gens trans qui s'en fichent. Par définition, on peut s'en ficher tant qu'on n'utilise pas ces termes et ces accords pour se désigner; beaucoup de personnes trans (dont moi) ne les utilisant pas, c'est effectivement une cause "optionnelle" pour ces personnes, optionnelle dans le sens où le résultat n'affectera pas leur vie.

En fait, il y a une chose qui me chiffonne à parler d'identité. C'est qu'on ne parle pas exactement des mêmes choses: un attachement culturel, lié à son histoire personnelle, ce n'est pas la même chose que le désir de voir son identité reconnue, en le sens où ce n'est pas de la même nature (je ne place pas d'échelle là-dessus; l'attachement dont tu parles @La femme de Frank je ne le connais pas bien, et pour le coup si tu veux m'en parler (et si tu veux me parler de comment toi tu le vis) ça m'intéresserait plutôt).

Ce que je note, par expérience personnelle, et par le recueil des expériences de mon entourage, c'est que quand on est trans, il est très important de voir son identité de genre reconnue. Les gens trans font énormément d'efforts pour être genré-es correctement, dans mon cas par exemple je me suis beaucoup battue pour qu'on ne parle pas de moi au masculin, qu'on ne dise pas "il" qu'on ne fasse pas des conjugaisons au masculin; mais pour qu'on parle de moi au féminin, avec le pronom "elle" avec les accords au féminin - parce que ce genre grammatical correspond à mon genre réel, et pour moi, et pour la société en général, qui associe les deux, qui se dit "pour une personne de genre féminin, il faut utiliser le pronom elle et tout conjuguer au féminin".

Similairement, les gens trans non-binaires de mon entourage ne veulent pas être mal genré-es. L'ennui, c'est que rien dans la langue ne permet de reconnaître un genre non-binaire, qui ne soit ni homme ni femme... On a beau parler du fait que le masculin exprime aussi un neutre grammatical, cela me semble faible comme argument: que ce soit vrai ou pas (cette formule est là pour dire "en fait on s'en fiche") quand on s'adresse à quelqu'un au masculin, on le genre au masculin. Peut-être pas dans le profond de sa pensée (et encore j'en doute) mais au niveau social, pour cette personne comme pour l'entourage comme pour toutes les personnes qui parlent français, en fait, le lien "genre masculin grammatical appliqué à une personne = cette personne est de genre masculin" c'est automatique. En français, il n'y a pas de véritable moyen de faire ressortir qu'une personne est non-binaire. Quel que soit l'état de la grammaire, quoi qu'en disent les livres, lorsqu'on parle de personnes, au masculin grammatical est associé le genre masculin.

C'est pour ça que je considère qu'il est important d'intégrer le langage inclusif. Cela permet une représentation des personnes non-binaires.

Du reste, je ne me prononce pas sur les autres points du langage inclusif. La volonté de transformer les règles du pluriel pour représenter tous les genres, la volonté d'effacer la prédominance du masculin pluriel qui est censé tout généraliser, pour le remplacer par des accumulation de terminaisons visant à représenter tout le monde ... ça me semble pas être le même sujet (même si en soi c'est lié) et pas les mêmes problématiques.

Par contre, je vois peu de gens refuser le langage inclusif ET faire des efforts pour inclure les personnes non-binaires ou les représenter dans les discours, langages, etc. Pas de "madame, monsieur, personne non-binaire", ni rien. Ca c'est aussi quelque chose qui me chiffonne, en fait.



Un dernier point (par rapport au dernier message que tu m'as adressé; dis-moi si tu veux que j'enlève la citation):

Merci pour ta réponse.
Je ne t'en veux pas de ce ton défensif, par contre il me semble que ce topic a été créé spécifiquement pour aborder librement le sujet. Alors ce serait chouette que ce soit vraiment le cas sans qu'on ait l'impression d'exagerer en postant ici ou alors il faudrait entériner clairement qu'un tel débat n'a pas place sur ce forum.

Je n'ai pas l'impression d'être fermée à la discussion, et au contraire je fais beaucoup d'efforts pour que mes messages soient calmes, transmettent des informations, bref permettent à la discussion de perdurer. Même la mention de mon ton défensif et des excuses qui l'accompagnaient avaient pour but de désamorcer toute hostilité potentielle dans mon message, qui aurait pu amener à chasser les intervenant-es. Est-ce que je donne l'impression de vouloir fermer la discussion, vraiment? J'ai des émotions; je ne suis pas un robot informatique recrachant dépassionnément des connaissances; ce sujet touche mon entourage, dont des gens très proches de moi, mae partenaire, et mae meilleur-e ami-e.

Et je trouve que dire dans la même phrase que le ton défensif que j'ai ne donne pas l'impression qu'on puisse aborder librement le sujet, c'est un peu fort de café quand même. On n'a pas non plus à policer les intervenant-es en rejetant d'office toute personne qui a des émotions à propos de ce sujet. Je trouve au contraire qu'il est important d'être au clair sur les enjeux émotionnels de toute discussion, et que rejeter des gens pour des raisons d'émotions c'est fermer la discussion à une certaine catégorie de personnes, celles touchées par ce sujet.

Ou est-ce que la fin de ton paragraphe ne me concernait pas moi? (Ca me vient à l'esprit maintenant.) Je pense sincèrement qu'il est bon qu'on puisse discuter de ce sujet: il est bon qu'on puisse en discuter, et il est bon aussi que ce soit bien indiqué où on en discute. Il y a un TW dans le titre et je pense que c'est aussi une bonne chose; si je n'arrive plus à répondre ici je m'en écarterai voilà tout. Mais j'ai vraiment pas pour but de fermer la discussion sur ce sujet, et ça me vexe un peu qu'on me fasse comprendre que mon attitude laisse entendre que c'est malvenu alors que je fais des efforts pour que non.
 
L

La femme de Frank

Guest
@CaraNougat Je suis pas forcément contre l'idée que c'est une croyance, à ce moment là on est croyance contre croyance, mais n'essayez pas de faire passez la votre pour une vérité factuelle. Mais la binarité repose sur le sexe biologique, et la biologie est une science. Faire la différence entre sexe et genre c'est aussi une théorie, qui est loin d'être communément admise.
Et en l'occurrence je ne parlais pas de la croyance en la non-binarité, mais de la croyance dans le fait qu'une langue a pour but ou pour capacité de nier l'identité de personnes. Or dans l'anglais par exemple il n'y a que du neutre, qu'est-que cela veut dire ? Pour certains ça invisibilise tout le monde. Pour d'autres ça visibilise tout le monde. La société anglaise est-elle plus progressiste ? Le vous et le tu n'existent pas en anglais. Est-ce que cela veut dire qu'il n'y a aucun respect de l'autorité, des aînés ? Ou alors est-ce que c'est plus égalitaire ? Ou alors est-ce que cela n'a rien à voir avec la politique ? Vous voyez à quel point c'est sujet à interprétation.
Comment une société peut-elle rejeter sciemment ce qu'elle connaît aussi peu ? Il faudrait faire une histoire des genres, et je ne suis pas assez érudite sur le sujet, mais vous pas nécessairement non plus. Je ne sais pas quel est le pourcentage exact de personnes transgenres ou à genres alternatifs en France, et dans le monde. Mais si ce n'est pas omniprésent dans la société c'est sans doute bien que c'est réellement une minorité, au sens quantitatif, pas comme les femmes qui représentent environ la moitié de la population. Il est donc normal qu'une représentation de ces personnes ne soient pas immediatement, de façon naturelle, intégrée à la société depuis toujours. Y a-t-il toujours eu des personnes transgenres ? Le chiffre a-t-il été stable ? Y en a-t-il plus aujourd'hui ? Il semble en tout cas y avoir de plus en plus de catégories différentes (de genres, mais aussi de sexualité par exemple). On est en fait particulièrement à une époque d'éclatement et de crise de l'identité.
Je ne parlais pas de moi quand je parlais de gens pour qui la langue avait trait à leur identité. Et je n'ai pas dit que leur sentiment était plus important que celui de ceux qui sont blessés par la langue française actuellement. Après je peux faire des suppositions : ce que peut supprimer l'écriture inclusive c'est par exemple la tradition, l'usage habituel, celui qu'on a parlé toute notre vie, qui nous ramène à notre passé, la beauté de la langue française qui est à la fois complexe et très riche, sa poésie. Je ne dis pas que la tradition c'est bien, je ne porte pas de jugement normatif sur l'hypothèse que je donne, ce n'est que descriptif. Mais vous voyez bien que l'écriture inclusive ne fait pas l'unanimité, suscite même des réactions très vives, si on regarde les commentaires sous les articles de journaux qui en ont parlé ces derniers jours. C'est donc bien que pour certains cela a trait à leur identité. A tort ou à raison, mais on ne fait que répéter ici que les sentiments de chacun sont légitimes (ou peut-être seulement ceux des minorités ?), donc il faudrait aussi savoir accepter cela même quand ça ne va pas dans notre sens, on ne peut pas accepter l'émotion des uns que quand cela provient d'un même bord politique, ou d'une même conception idéologique.

@Sassegra oui enfin, on peut tenter de sortir de ce schéma caricatural, tout ce qui est conservateur n'est pas mauvais, et tout ce qui est progressiste n'est pas bon, nécessairement. (Mais peut-être que tu dis ça sur un ton léger uniquement)
 
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@CaraNougat Je suis pas forcément contre l'idée que c'est une croyance, à ce moment là on est croyance contre croyance, mais n'essayez pas de faire passez la votre pour une vérité factuelle. Mais la binarité repose sur le sexe biologique, et la biologie est une science. Faire la différence entre sexe et genre c'est aussi une théorie, qui est loin d'être communément admise.

Woah woah woah. Voici un paragraphe qui montre que tu n'y connais rien en biologie, et que tu ne comprends rien au rapport entre le langage et la biologie, et aussi que tu n'y connais rien en transité. Et accessoirement ça me brosse dans le mauvais sens du poil sévère.

Donc, cours sur la biologie, sur le langage en rapport à la biologie, et sur la transité.

Tout d'abord de la lecture, en anglais, de Julia Serano qui est une biologiste et une activiste trans.

Encore plus de lecture, en français pour le coup.

Pour faire très vite: on invoque facilement "la biologie" et "la science" pour expliquer que y'a deux sexes biologiques et que ça c'est la réalité et que le reste c'est de la théorie. Qu'en est-il vraiment? Qu'entend-t-on par le mot "sexe"?

Le sexe biologique tel qu'on l'entend dans le langage de tous les jours recouvre un tas de réalités scientifiques différentes. Il désigne non seulement les organes génitaux, mais aussi les chromosomes, les taux hormonaux, les développements sexués du corps, et d'autres choses encore.

Et, spoiler alert une: toutes ces choses ne concordent pas forcément! C'est même assez courant qu'il y ait beaucoup de variances, d'une personne à l'autre tout d'abord, à l'intérieur de ces taux ensuite. Toutes ces choses sont un "modèle idéal" et la réalité est beaucoup plus une histoire d'échelle et de statistiques qu'un véritable schéma noir / blanc comme on veut nous le faire croire... et comme le langage utilisé de façon quotidienne le décrit.

Spoiler alert deux: peu de monde sait beaucoup d'informations sur toutes les caractéristiques de son sexe, et on en sait encore moins sur les caractéristiques du sexe d'autrui. On ne fait qu'assumer des trucs. Toi, connais-tu tes chromosomes pour sûr? Tes taux hormonaux? Connais-tu pour de vrai l'intérieur de la culotte d'une personne, ses chromosomes, ses hormones, tout ça, ou ne fais-tu qu'assumer automatiquement des tas d'informations avant de l'appeler madame ou monsieur?

Et du coup, sur quoi se repose la reconnaissance du sexe d'une personne? Sur ses organes génitaux, vraiment (spoiler alert trois, je suis la preuve que non!)? Ou juste sur une sorte d'apparence extérieure, au demeurant facile à modifier, non seulement avec des médicaments, mais aussi avec des vêtements et des coupes de cheveux, choses qui n'ont rien à voir avec les données corporelles d'une personne et plus avec son expression?

Voilà les observations que l'on peut faire! Parler de "sexe biologique" et s'appuyer sur la biologie, c'est s'appuyer sur une compréhension plus que simpliste des êtres humains, autant au niveau biologique ... qu'au niveau social.

Et cette compréhension simpliste est erronnée. Et quand elle est volontairement maintenue, elle est transphobe. Déso pas déso pour le coup. Faut se calmer deux minutes avec les accusations de "théorie" hein.

On peut continuer. Tu parles beaucoup de théorie. Moi je rapporte des observations sur le terrain. Les personnes trans existent. C'est un fait démontrable (coucou!). Les personnes trans veulent être genrées correctement. C'est encore un fait démontrable (en-dehors de ce sujet, on peut simplement observer le parcours particulièrement hardcore que ces personnes subissent pour atteindre ce but, but qui est professé par ces personnes). De nombreuses personnes trans qui ne se retrouvent ni dans le genre masculin ni dans le féminin souffrent de l'impossibilité d'être représenté-es dans leur langage; c'est aussi un fait observable, y'à qu'à lire ce sujet. Du coup on peut en conclure que, oui, la langue a la capacité non pas de nier mais à tout le moins d'effacer et de ne pas reconnaître l'identité d'une personne, que ça te plaise ou non - et cela même si toi tu rejette cette identité dans la "théorie".

Je trouve aussi assez dégradant de mettre sur le même niveau tradition et identité ou respect des personnes. Les traditions plus ou moins toxiques auxquelles des tas de gens sont attachés, il y en a eu et il y en a toujours plein. Les évolutions de l'orthographe et de la langue aussi. L'écriture inclusive n'empêche pas de lire la poésie en français dans le texte, ni d'en écrire (encore une fois, j'en suis la preuve vivante), ni d'apprécier toute la beauté de notre héritage culturel. Ca va un moment quoi. On peut apprécier les tableaux du Louvre sans être royaliste ou catholique. On peut apprécier la littérature sans partager les idéaux ou les idées ou même les préjugés sous-jacent et pas adressés - par exemple pour moi qui suis aussi anglophone, j'ai beaucoup apprécié le livre Watership Down qui est quand même d'un sexisme fini. On peut même apprécier de la littérature d'il y a perpétte dans le passé sans pour autant être gené-e par la barrière de la langue ou de l'idée, hein, merci les traductions - même sans parler de la langue latine, beaucoup de mes bouquins de littérature médiévale sont doublés en français actuel, et c'est pas pour faire joli. Lire le roman de renart en français dans le texte sans entraînement, c'est dur.

Et puis pour revenir à l'anglais, faut se calmer avec les suppositions sorties de son chapeau. L'anglais ne genre rien sauf les pronoms, et quelques mots de façon vestigiale (actor/ actress); il ne pose pas problème pour le genre des personnes, sauf pour les pronoms, et si on voit "they" être beaucoup utilisé pour décrire les personnes non-binaires, certains pronoms existent depuis longtemps, comme Zie et Xie, qui remontent à au moins les années 70. On reconnaît en anglais aussi les difficultés inhérentes à la représentation des gens non-bis dans la langue. Mais personne, vraiment personne, ne fait la supposition que la confusion entre le vous et le tu signale un manque de respect envers les aînés. Y'a que dans ton chapeau que ça existe ça, et ça n'a rien à voir avec la choucroute.

Bref, pour le coup là je t'accuse de transphobie. Ca va cinq minutes de nous annoncer que le genre c'est une théorie comme une autre, que la biologie c'est la Véritay intouchable alors que tu n'y connais rien, et de nous sortir des exemples absurdes et que personne utilise ni ne débat pour infirmer et rejeter des problématiques bien réelles.
 
L

La femme de Frank

Guest
@AprilMayJune Oui, désolée, c'est vrai que j'ai parfois amalgamé transgenre et genderfluid (je crois que c'est le terme ?). Mais il me semble que je saisis bien la différence. Mais cela montre aussi à quel point il s'agit d'une minorité de la minorité, ce qui ne signifie pas qu'on s'en fout, mais qu'il est compréhensible que la société n'ait pas naturellement depuis toujours beaucoup représenté dans son langage, et en général le genre en question.
Mais tu vois à partir du moment où tu dis qu'il y a des gens trans qui s'en fichent, peut-être même des non-binaires, je trouve qu'il y'a un problème. C'est que ça devient une affaire de subjectivité. Ça ne veut pas dire que c'est à relativiser, mais qu'on ne peut pas comme c'est majoritairement fait présenter ça comme un combat au nom de tout un groupe et souhaiter l'imposer à tous comme une nécessité vitale. A ce moment là on pourrait se contenter de se dire que la personne qui a besoin de ça pour être bien le signale à tous les gens qu'elle rencontre, mais est-ce qu'il faudrait forcément en faire des règles syntaxiques qui modifieraient officiellement toute la langue française et que tout le monde devrait utiliser par défaut, par prévention ? C'est là qu'il y a un endroit où on peut s'interroger.

Pour la notion d'identité, je ne sais pas forcément s'il y'a une différence. Justement tout le monde ne vit pas son identité de la même manière. Tout le monde n'accorde pas forcément beaucoup d'importance à son genre ou son sexe. Personnellement je ne vis pas le fait d'être une femme comme constitutif de mon identité, ça en fait partie, c'est une toile de fond, mais si je dois dire ce qui me définis avant tout, ce ne sera pas ça, ça sera même une des dernières choses dont je parlerais. Donc pour certains si, leur identité c'est leur vécu, ou c'est leur nationalité, ou un certain trait de leur caractère ou c'est une passion. Après je suppose bien que c'est comme rétablir un équilibre pour les gens qui ont un genre ne correspondant pas aux normes, qui ont donc des difficultés à vivre ce genre, d'affirmer avec force ce genre.
Mais du coup comme tu dis, les gens semble-t-il ont moins de mal à genrer une personne trans qui se reconnaîtrait dans le féminin ou le masculin qu'une non-binaire. C'est là qu'on voit bien qu'il ne s'agit pas forcément d'un rejet du non-binaire en tant qu'individu, mais plutôt un attachement à la langue.

Sinon non non tu ne sembles pas du tout fermée à la discussion. Mais en exprimant ton scepticisme et ta réticence ça nous donne l'impression que nous on abuse en venant se questionner ici. Donc je conçois que ça pouvait sembler sec mais c'était sincèrement pour savoir si selon vous il était quand même acceptable de discuter de ça ou pas. Effectivement d'autres n'en ont pas donné l'impression. Donc moi ça m'aurait emmerdé qu'on puisse pas, mais c'était surtout pour être prévenue et ne pas perdre mon temps, c'était pas spécialement une attaque, et encore moins à ton encontre ! C'était juste pour signifier que oui ma question était sincère puisqu'on était sur un topic d'interrogations.
 
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L

La femme de Frank

Guest
@AprilMayJune je n'ai pas exprimé mon avis sur le sujet de la binarité ou la non-binarité, et je n'ai pas forcément à l'exprimer. C'est descriptif. Je te parle des idées courantes. Je ne dis pas qu'elles sont justes ou non, et tu as le droit de les trouver stupides, mais elles sont bien réelles.
Et oui on peut parler de théorie, ce n'est pas forcément une insulte, tu sais quasiment tout est théorique. Même les théories scientifiques sont loin d'être indubitables et immuables. Il n'y a guère que les axiomes mathématiques qui le sont, et encore ce sont des axiomes, c'est à dire que ce sont des bases posées pour permettre un paradigme, ils ont une utilité pratique, mais ne sont pas démontrés en soi.

Tiens, ce que tu dis sur l'art m'étonne pas mal, à l'heure où il est en vogue de l'analyser aussi sous le prisme politique, et qu'on voit surgir des critiques, voire du boycott et de l'appel à la censure. Ça ne te dérange pas de lire un livre sexiste et qu'il existe, tu l'apprécies même. Alors pourquoi est-ce qu'incombe à la langue un devoir de représentation qui selon toi n'incombe pas forcément à l'art ?

Que tu trouves mes exemples absurdes soit, mais ça ne veut pas dire qu'ils n'existent pas, ce n'est pas parce que tu ne les croises pas ici ou dans des cercles militants qu'ils n'ont pas de réalité. Il faut parler avec les autres et essayer d'imaginer ce qui se passe dans leur tête, oui même le vieux raciste dans son village reculé, c'est aussi un individu, avec une conscience, une histoire, une individualité.
 
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@La femme de Frank

Désolée pour les réponses croisées; après ça je vais aller me faire à manger, on pourra éviter de répondre à chacun de nos pénultièmes messages.

Il ne faut pas regrouper toutes les personnes trans dans le même lot, aussi. C'est un peu comme faire un gloubiboulga comme "les gens lgbt" ou "les gens féministes": c'est pas un groupe uniforme, c'est pas un groupe avec les mêmes objectifs partout, même si suffisamment d'objectifs concordent pour qu'on puisse lutter ensemble. Il y a à l'intérieur même des groupes trans des gens trans qui rejettent violemment les gens non-binaires; des gens qui définissent la transité en fonction du parcours médical, et d'autres qui la définissent en terme d'identité adoptée (ou plutôt en terme de conflit entre l'identité réelle et celle imposée par la société); et des multitudes de gens trans qui ont des priorités différentes et des besoins différents.

Dire "il n'y a pas d'union au sein du mouvement trans, donc ce sujet ne peut pas être entendu" c'est donc un peu comme dire "il n'y a pas d'union au sein du mouvement féministe, donc tel sujet ne peut pas être entendu". Je conspue la plupart des féministes radicales, et elles me rejettent de même, pourtant on est féministes elles comme moi, et on a même des objectifs en commun (si si!). Je n'aime pas ce qu'on appelle le "white feminism" et de manière générale le focus sur un seul point qui pose problème dans la société, et je me suis même un peu frittée avec des gens sur le forum là-dessus, il n'empêche que moi comme elles on est d'accord qu'il y a un problème dans le traitement social fait envers les femmes, et le rapport de force inégal entre hommes et femmes.

Mais du coup comme tu dis, les gens semble-t-il ont moins de mal à genre une personne trans qui se reconnaîtrait dans le féminin ou le masculin qu'une non-binaire. C'est là qu'on voit bien qu'il ne s'agit pas forcément d'un rejet du non-binaire en tant qu'individu, mais plutôt un attachement à la langue.

Là, tu vois, je dirais l'inverse. Le problème, ce n'est pas la langue, c'est l'incapacité des gens à concevoir, et à genrer correctement une personne non-binaire. Parce que, pour l'avoir vu, entendu, constaté, une personne qui a du mal à genrer une personne non-binaire, souvent elle la mégenre en rapport à son genre assigné, et ça trahit une incapacité à reconnaître la personne comme étant de son genre réel, comme n'étant pas cis - une incapacité à intégrer le fait qu'une personne non-binaire est non-binaire.

Il est du coup bien meilleur de rendre le genrage "visiblement" non-binaire. D'abord pour la personne qui genre la personne non-binaire; ça aide à bien fixer la chose dans sa tête. Ensuite pour la personne non-binaire. En bref c'est clair pour tout le monde.

Et se recroqueviller derrière l'intouchable pureté de la langue qu'il faut protéger, surtout face à une personne non-binaire, c'est une claque dans sa gueule. C'est dire "ma façon de parler est plus importante que le fait que tu sois à l'aise et bien reconnu-e" et c'est clairement l'attitude transmise.

Tout ça c'est pas de la théorie, c'est ce que j'ai observé.

Du reste dans la société en général les gens non-binaires ne peuvent pas être genré-es correctement, et font comme iels peuvent avec les moyens du bord, mais c'est jamais agréable. Ca aussi, je l'ai observé.

Pour le deuxième message: (yay plus de réponses croisées!)

Il y a peut-être un problème de compréhension quelque part dans notre échange. Quand on parle de langage inclusif, ici, j'ai l'impression qu'on parle de ce qui devrait être. Pour moi, en constatant l'existence des personnes non-binaires et leur mal-être, j'en conclue que ce qui devrait être c'est une adoption générale du langage inclusif. Et du coup dans toute cette discussion, j'ai beaucoup l'impression que mes interlocuteurices (dont toi) sont en train de dire que ce qui devrait être, c'est le maintien de l'orthographe et de la langue française sous cloche, parce que c'est plus important en soi que de reconnaître les gens non-binaires. (La reconnaissance des gens non-bis est mon cheval de bataille; je sais que l'écriture inclusive a d'autres buts mais ça me semble moins important en soi, alors je néglige un peu tout cet aspect-là).

Du coup je ne comprends pas ton second message.

Oui, beaucoup de gens se disent que le sexe, c'est quelque chose de binaire, garçon / fille, vagin / pénis, et que cette conception binaire n'est pas une connaissance simpliste et superficielle de la réalité, mais bien la science biologique qui le dit, science érigée au rang d'argument d'autorité. C'est un constat qu'on peut faire, et que je fais, vu que je dois vivre avec ça, pour que mon identité soit reconnue malgré le fait que je ne rentre pas dans ces cases simplistes et réductrices.

Mais je fais aussi un constat en disant que c'est faux, et que c'est faux de manière observable, comme je l'ai décrit précédemment.

Il en est de même pour la littérature. Pour reprendre mon exemple, Watership down est un livre qui existe. Il est sexiste. C'est un constat, ou plutôt deux constats. Ses préjugés sont donc mauvais, et n'ont pas du tout été interrogés par son auteur, c'est aussi un constat.

Et à partir de là, quoi? Je ne souhaite pas qu'on révise ce qui a été fait dans le passé - réécrire Watership Down, ça me semble aussi absurde (et dangereux) que de vouloir changer l'histoire parce que des événements historiques montrent que les humains ont été sexistes, par exemples. Mais même si Watership Down existe, je pense que c'est bien de dire qu'il est sexiste comme livre, et pourquoi, et qu'on arrête de faire des livres sexistes.

Je ne vois pas en quoi tout ça c'est en contradiction avec le fait que 1- les personnes non-binaires existent, 2- la société est transphobe et ne reconnaît pas leur existence, et cela au travers de diverses choses dont la langue parlée, 3- dans un idéal de justice (en-dehors de ce qui est, en parlant de ce qui devrait être) il faudrait reconnaître que oui c'est mal d'invisibiliser l'existence des gens non-binaires, et qu'on peut faire aujourd'hui et maintenant des actions (du reste peu demandantes) contre ça, à savoir adopter l'écriture inclusive.

En conclusion pour reprendre ta dernière phrase: le vieux raciste dans son village, il existe, oui. Mais ça veut pas dire qu'il faut le laisser être raciste, ni accepter ses préjugés racistes parce qu'ils sont là, comme si on prenait acte du constat et qu'on décidait d'en rester là. Ou pire, qu'on dise "oui mais il faut préserver sous cloche le vieux raciste dans notre village, vous comprenez, il représente culture et tradition, il incarne l'histoire de la France". Dans l'idéal, dans ce qu'il faudrait faire, c'est supprimer le racisme - et ça passe par dire que le vieux raciste dans son village, eh bien il a tort et qu'il devrait faire autrement.

EDIT : clarifications diverses.
 
Dernière édition :
23 Mars 2016
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Ailleurs
Je suis les débats autour du langage inclusif depuis leur commencement, et j'ai une vraie question pour les personnes qui ne sont pas favorables à cette modification de la langue.
Je précise que je ne suis pas linguiste.
Pour moi, la langue doit permettre de nommer le réel : ce qui existe indépendamment de l'être humain et ce qui est élaboré par l'esprit humain. Si elle ne permet pas de nommer quelque chose avec précision, alors cette chose perd de son existence intrinsèque. S'il n'y avait pas de mots pour désigner une chaise, on parlerait de "tabouret à dossier", et dans ce cas, on aurait deux meubles qui relèvent d'une catégorie et d'une sous-catégorie de celle-ci. Si quelque chose existe, alors il faut pouvoir le nommer, si les mots manquent pour cela, il faut inventer des mots, et, le cas échéants, inventer des structures grammaticales.
Le langage inclusif joue ce rôle pour moi : rendre compte d'une réalité (présence de plusieurs genres identifiés ou non parmi les locuteurs) et permettre de l'exprimer. A ce titre, il est légitime. A ce titre, il est légitime aussi qu'il soit encadré par des règles d'usage.
 
20 Février 2014
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@La femme de Frank : La différence entre ces croyances, et je l'ai explicité dans mon message, c'est que la binarité dans le langue française est issue d'une histoire et d'un contexte de négation des personnes non binaires et d'invisibilisation du féminin par le masculin. Je ne dis pas que mes "croyances" sont "la vérité absolue" mais que celles que nous perpétuons aujourd'hui sont obsolètes (il n'y a pas que des hommes et des femmes donc pourquoi seulement 2 genres ? A moins que tu ne croies tout simplement pas en la non binarité et dans ce cas là je ne peux rien pour toi) et font du mal à certaines personnes qui ne peuvent être désigné.e.s ni se définir correctement via leur propre langue.

"Comment une société peut-elle rejeter sciemment ce qu'elle connaît aussi peu ? Il faudrait faire une histoire des genres, et je ne suis pas assez érudite sur le sujet, mais vous pas nécessairement non plus."

Rejeter ce que tu connais si peu c'est exactement ce que tu fais depuis ta venue sur ce topic, ce que font les membres de l'Académie et ce que tout les détracteurs de l'écriture inclusive font. Le fait que pendant longtemps et jusqu'à aujourd'hui encore on considère qu'il n'y a que deux genres et que l'un est supérieur à l'autre, c'est de l'histoire des genres qui ne nécessite pas d'être érudit pour être connue. Son influence dans notre langue est flagrante.

Pour la suite, je pense que tu vas vers le hors sujet. Je ne me demande pas pourquoi la non binarité n'a pas été prise en compte dans le passé. Le fait est qu'aujourd'hui une écriture existe pour désigner des personnes bien réelles jusqu'alors ignorées, et qu'aujourd'hui des personnes s'opposent à son utilisation en mettant sur le même point "la beauté de la langue" que le situation de souffrir du fait d'être mé-genré.e, ce que je trouve particulièrement insultant.

@AprilMayJune s'est déjà exprimée sur la justification scientifique donc je ne reviens pas dessus.

Ton discours a un relent de transphobie qui ne me plait pas, je ne compte donc pas continuer cette discussion.
 
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La femme de Frank

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@AprilMayJune je ne dis pas que le sujet ne peut pas être entendu parce qu'il n'y a pas uniformité, mais que justement les revendications sont souvent présentées au nom d'un groupe et devraient même apparaître comme évidentes aux yeux de tous. Alors que si tout le monde n'est pas d'accord, je pense qu'on peut dire que c'est une affaire de subjectivité, même si elle peut être récurrente chez les gens non-binaires. C'est une manière de s'approprier, de vivre les choses.
Je pense que tu n'as pas tort non plus quand tu dis qu'il y a des gens qui n'arrivent pas à concevoir le genre non-binaire (ce qui se comprend aussi), je pense en fait que les deux réalités existent (l'autre étant un attachement au langage vu comme un outil amoral). Le problème, qui est récurrent dans le militantisme, c'est que dès que quelqu'un n'est pas directement en faveur d'une revendication, ou n'adopte pas tel point de vue ou tels concepts quand on les lui explique, on l'amalgame à toutes les autres personnes divergentes, dont elles sont parfois plus éloignées que les militants en question. Donc là justement il y a une uniformisation caricaturale, une dichotomie entre les bons militants/les déconstruits et les autres. Les autres c'est les réacs, les fachos, les -phobes en tout genre. On n'écoute même plus les arguments, les sensibilités, on ne différencie ni la forme ni le fond. Il y a nous et les autres. Après je sais bien que peut-être que les bêtes et méchants sont plus nombreux que les autres, mais c'est pas une raison pour se passer de la subtilité des différentes positions à mon avis.
L'incapacité à reconnaître la personne par son genre que tu dis réel (genre qui est un choix ou non ? J'ai l'impression que tous ne disent pas la même chose) est quand même aisée à comprendre, moi je trouve qu'il faut être indulgent, à moins que la personne ne soit directement insultante. Si dans son paradigme, dans sa réalité, qui est celle qui est absolument majoritaire jusqu'à présent, il n'y a que deux genres, qu'il n'a jamais rencontré empiriquement d'autres genres que féminin ou masculin, c'est normal que ce ne soit pas instinctif, voire même perturbant. Si tu affirmes à un monothéiste qu'il y a en réalité plusieurs dieux et que tu en as la preuve (bon là c'est une fiction puisqu'on ne peut pas le prouver, mais c'est pour l'exemple), il va quand même y avoir une difficulté d'acceptation. Ça rejoint un peu la question que j'ai posée à Vagina Raptor et qui est restée relativement sans réponse. On ne peut pas être tout de suite absolument tolérant à propos de quelque chose qu'on ne connaît pas, ou qu'on découvre, qui bouscule nos certitudes, notre vision de la réalité.
Ce n'est pas forcément qu'au nom d'une pureté de langue, je l'ai déjà dit, c'est un peu réducteur vu comme ça. Ce n'est pas qu'un rapport théorique de raison par rapport à une langue, ça peut être aussi un rapport très sensible. Mais bon je pense qu'on ne se comprendra pas là-dessus. Je veux pas plus développer sinon j'en aurais fini à l'aube.
Je pense que ce qui dérange globalement ce n'est pas forcément le fait que la langue change en soi, c'est que cela se passe de façon aussi autoritaire de la part d'un groupe se servant de la langue comme d'un outil moral et politique. On en revient à ce rapport là, au langage et au politique. On peut partir du postulat que la langue est le reflet, la conséquence de la réalité, des phénomènes et non qu'elle a pour effet ou pour vocation de la façonner. Du coup dans cette optique là, qu'il s'agisse de n'importe quel militantisme, de n'importe quelle lutte contre n'importe quelle discrimination, on aura tendance à vouloir s'attaquer et modifier et montrer notre existence autrement que par la modification morale d'une langue, ou des arts. On s'emparerait d'abord d'autres moyens d'influence, qui n'ont pas d'autres propriétés justement que l'influence à la base, notamment la publicité par exemple, ou dans une mesure plus discutable les médias. La langue serait ensuite conséquemment et naturellement modifiée, comme elle l'a toujours été au cours de l'histoire, elle s'est beaucoup plus modelée par le passage du temps que par des décisions à un moment précis de tel ou tel individu ou groupe. Au moment où la langue se sera transformée de cette façon, par l'usage, alors elle sera en phase avec la réalité, et les gens n'auront plus l'impression qu'on les a obliger à adopter une écriture qui leur paraissait dispensable (surtout s'ils n'ont jamais rencontré de personnes non-binaires, ce qui est le cas de 95% de la population je pense). Cela dit, je conçois que tu ne sois pas du tout d'accord avec ce raisonnement, mais il ne me semble pas moins illégitime.
Pour l'histoire du livre, on vire un peu dans le hors-sujet, mais voilà un point de discordance, symptomatique du décalage dans notre façon de réfléchir et nos idées. Donc finalement, tu n'aspires pas à modifier ce livre parce qu'il est vieux, et une sorte de témoignage de l'époque, c'est ça ? Pourtant, si un livre sexiste sort aujourd'hui, il serait autant le témoignage d'une époque, d'une certaine façon, ou pas forcément, mais en tout cas il appartient à cette époque en tant qu'il y a été produit. D'autant que le livre dont tu parles reste à mon sens assez récent. Du coup moi je ne comprends pas qu'il faille "arrêter que des livres sexistes sortent". Que ça nous emmerde que ça arrive, ok, qu'on les pointent du doigt si on le veut à la limite (personnellement je ne comprends pas qu'on analyse une œuvre strictement sous l'angle politique, pour moi c'est indissociable de l'esthétique), mais que l'on s'emploie à tout faire pour que ça n'arrive pas et qu'on attendent des auteurs qu'ils soient en tout point moraux et égalitaires, ça j'y suis personnellement opposée.

@Gabelote Je comprends, cela dit le langage n'est jamais exhaustif. Et il y a aussi des langages propres à certains milieux. Les mots englobent des choses et ne décrivent pas tout, il n'y a pas un mot pour chaque chose individuellement. Et cette volonté de tout nommer, donc finalement de valider voire de multiplier cette propension à tout catégoriser, est questionnable aussi. Il y a des tas gens qui n'ont pas besoin, ni envie, voire même qui n'apprécient pas de se mettre dans des cases. Mais regarde tout ce qui se fait au niveau de la sexualité, on en invente sans cesse des nouvelles dernièrement. Personnellement je respecte cette volonté, je peux la comprendre, et je ne vais pas ostensiblement me ficher de quelqu'un qui se désignerait "sapiosexuel" par exemple, pour autant pour moi cette catégorie n'a pas de réalité tangible, et même si la description qu'on en fait me correspond je ne voudrais surtout pas me catégoriser et être catégorisée ainsi. C'est pour ça que pour moi ça relève du personnel, de la réalité de chacun.
Et par exemple les concepts théoriques, qui désignent aussi des phénomènes réels pour leurs auteurs, ne sont pas entrés dans le dictionnaire pour la majorité, ou seulement dans des dictionnaires spécialisés, parce que le dictionnaire s'occupe des termes les plus courants.
Bref, je ne parle plus forcément de la non-binarité ici mais c'est pour dire que le fait que toute chose ou tout phénomène à une désignation n'est pas évidente.
Quant à la phrase "la langue doit permettre de nommer le réel : ce qui existe indépendamment de l'être humain et ce qui est élaboré par l'esprit humain", là se situe une des disctinctions fondamentales que font les gens à mon avis, qui rejoint le questionnement sur la biologie et les gender studies (si vous préférez plutôt que "théorie du genre" qui a été péjorativement repris). C'est que pour certains l'identité ou le genre relève des lois de la nature, donc ce qui existe indépendamment de l'être humain, où sexe et genre ne font qu'un, et pour les autres elle est une construction sociale, donc qui est élaborée par l'esprit humain. Il y a là deux paradigmes différents qui peuvent difficilement cohabiter.

@CaraNougat tu dis que tu ne comptes pas continuer cette discussion donc je ne sais pas ça vaut le coup que je répondre mais bon.
"Le fait que pendant longtemps et jusqu'à aujourd'hui encore on considère qu'il n'y a que deux genres et que l'un est supérieur à l'autre, c'est de l'histoire des genres qui ne nécessite pas d'être érudit pour être connue." Ben si justement. Car à moins que tu ne sois une experte des genres au cours de l'histoire mondiale, comment peux-tu savoir s'il y a de tout temps eu des personnes non-binaires ? Et combien ? Et combien se connaissaient, se reconnaissaient, se revendiquaient comme telles ? Comment la société, qui est composée d'invidus, ou même les gens qui régissent cette société, peuvent-ils décider de visibiliser ou d'invisibiliser les personnes non-binaires si elles sont rares ou ne le communiquent pas ? Si la grande majorité des gens n'en ont jamais rencontrées ? On peut pas faire un reproche de non-anticipation d'un genre méconnu. Après peut-être que c'était pas du tout méconnu mais enfin, on n'est pas assez spécialistes sur la question pour le savoir. Avant de côtoyer Madmoizelle ou des milieux très militants, qui ont à un moment ou un autre étaient en contact direct avec des personnes non-binaires est-ce que tu connaissais leur existence ? Donc je pense pas qu'on puisse assurer qu'il y'a une invisibilisation consciente et volontaire. (Ce qui est plus compliqué à affirmer concernant le sexisme)
 
8 Juin 2015
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J'ai une question quand même : où place-t-on la limite entre une hypersensibilité vis à vis d'un sujet et la réaction "normale" face à des comportement inappropriés et oppressif.

Je veux dire, d'un côté dans le débat on a des gens qui souhaitent se contenter de resspecter les conventions les plus usitées et les plus large, ou qui considèrent que la langue possède un genre "non marqué" et un genre marqué, et donc un "neutre" de fait, et estime donc ne pas agir de façon oppressive, et de l'autre on à aussi des gens qui semblent souffrir profondément de la façon donc on les désigne, comme Vagina Raptor. Quel serait le critère pour dire qu'un camp est plus légitime que l'autre ? Comment trancher ?

J'ai vraiment l'impression que c'est impossible et qu'il faudrait que les deux parties arrivent à se satisfaire du statut quo. Même si ça ne semble pas être possible...
 
@La femme de Frank je te réponds en continuant la discussion; mais je comprends tout à fait si tu décides de t'arrêter là - ne te sens donc pas obligée de me répondre (ni même de me répondre de suite). Ca fait beaucoup de tartines à lire, et je comprends si le sujet te devient pénible, et si tu trouves qu'on tourne en rond.

je ne dis pas que le sujet ne peut pas être entendu parce qu'il n'y a pas uniformité, mais que justement les revendications sont souvent présentées au nom d'un groupe et devraient même apparaître comme évidentes aux yeux de tous. Alors que si tout le monde n'est pas d'accord, je pense qu'on peut dire que c'est une affaire de subjectivité, même si elle peut être récurrente chez les gens non-binaires. C'est une manière de s'approprier, de vivre les choses.

Alors pour le coup, je peux te donner une réponse claire là-dessus: dans toutes les communautés non-binaires, chez toutes les personnes non-binaires que j'ai rencontrées (ici comme aux US) donc en gros par toutes les personnes directement concernées par un besoin de modifier la langue pour se représenter correctement, il y a consensus sur ce besoin de modifier la langue.

La façon de faire diffère parfois, c'est-à-dire que les mots diffèrent: il y a une prédominance de l'adoption du terme "iel" chez les francophones que je connais, et du terme "they" chez les anglophones; ces termes ne sont pas universellement acceptés (à ce que j'en vois, il y a aussi une question de génération) - mais au final c'est de l'ordre du détail, c'est-à-dire que, qu'on adopte "iel" ou "ael" ou "ol" le but est le même: créer un pronom "neutre" ou "autre" pour représenter les personnes non-binaires.

Cette solution n'est pas uniformément adoptée par toutes les personnes trans parce que toutes les personnes trans n'en ont pas besoin - mais ça, ça souligne plus la diversité du monde trans qu'un manque de consensus sur la question. Les personnes trans qui n'ont pas un genre binaire font consensus sur le besoin de néologismes pour se définir.



Pour répondre à tes autres points: je trouve que le rejet épidermique des opinions différentes n'est pas propre au militantisme, même s'il lui nuit; et qu'il faut aussi composer avec le fait que certaines questions sont très sensibles pour les personnes qui en parlent. Par exemple, je peux concevoir qu'une personne cis ait beaucoup de mal à comprendre ce qu'est une femme trans, et ait tout plein de questions qui peuvent sembler déplacées, mais qui serait motivées par la curiosité; mais de l'autre côté, il faut aussi se souvenir que la femme trans c'est moi, et que répondre à plein de questions intrusives sur mon identité pour répondre à l'ignorance d'autrui, ça peut être difficile, surtout quand dans la balance il y a aussi un débat sur la légitimité de mon identité - si la reconnaissance de mon identité dépend de ma capacité à convaincre.

J'ai l'impression que pour toi, plusieurs réalités cohabitent, et qu'elles sont toutes valables même quand elles sont contradictoires? Et c'est en un sens difficile voire inacceptable pour moi, parce que si je peux tout à fait concevoir qu'une personne refuse de considérer mon identité comme légitime, je refuse moi d'accepter que cette position est valable. Elle existe, oui, elle est acceptable parce qu'elle existe, non.

De même, pour prendre l'exemple de mon Pineapple qui est non-binaire, oui iel côtoie énormément de monde qui n'y connait rien en transité, et si iel est out, il lui faut composer avec les réalités, qui sont entre autres qu'il est plus facile de demander à ce qu'on le genre en "il" plutôt qu'en "iel". Mais ça lui est tout de même pénible: si d'un côté je comprends et j'accepte que son entourage scolaire ne connaisse rien à la non-binarité et ne soit pas en mesure de réagir correctement, de l'autre il faut aussi comprendre et accepter à quel point c'est fatigant pour iel. Ce n'est pas pour rien que notre cercle de relations est en écrasante majorité composé de gens trans: ce n'est même pas un choix conscient, c'est juste que ça c'est fait comme ça, parce que c'est plus confortable pour tout le monde. A rester parmis les cis, on finit par péter un câble.

Et parler du langage inclusif et le démocratiser, même à petite échelle, même sur un forum comme madmoizelle, ça permet d'avoir un peu plus d'espace où il n'y a pas besoin d'être autant crispé-e en sachant que c'est impossible d'être à l'aise au milieu de gens plein de bonnes intentions mais fichtrement incapables de bien agir.

Et moi, j'ai une chance immense par rapport à mae Pineapple: si je ferme ma bouche, personne ne sait que je suis trans. Ca devient la misère dès que je le dis irl, c'est pour ça que je le dis pas.



Pour l'exemple d'une livre: j'ai encore une fois l'impression que tu prends les choses à l'envers. Oui, Watership Down est sexiste (et récent) et oui, aujourd'hui encore on sort plein de livres sexistes. Mais mon but, ce n'est pas de censurer les auteurs en découpant leurs prototypes et leurs brouillons pour que maintenant, il n'y ait plus qu'une production certifiée non-sexiste; c'est de faire en sorte, via un engagement féministe, que les gens arrêtent d'être sexistes, et donc par conséquence arrêtent d'écrire des trucs sexistes. Je sais que c'est un idéal assez utopique; mais cet idéal utopique c'est quand même le but du féminisme, non? Enfin j'ai l'impression que tu m'imagine comme une sorte de dictatrice en puissance (sans jugement négatif en soi), comme quelqu'un qui aspire à un pouvoir afin de censurer les gens pour que ce qui soit dit corresponde à un certain idéal non-sexiste non-oppressif. Il est possible de souhaiter que les gens arrêtent d'entretenir des idées dégradantes et nocives envers certains groupes de gens (comme des idées sexistes envers les femmes) sans pour autant souhaiter supprimer leur libre-arbitre et les forcer à ployer du genou sous ma tutelle. Les deux ne sont pas automatiquement liés, et ce que ça donne comme résultat, bah c'est ce sujet, où pour convaincre les gens du bien-fondé du langage inclusif, je fais des tartines et des tartines d'explications. Ce n'est pas la solution idéale, je pense - mais je n'en ai pas de meilleure pour le moment, parce que toute autre solution qui se propose à moi impliquerait de laisser tomber des trucs que je considère comme trop importants pour les abandonner.

En bref, je laisse aux gens le droit d'être sexistes et transphobes, en fait... mais je ne m'empêche pas de le leur dire non plus.

Du coup, toi, tu proposerais quoi? Es-tu d'accord pour dire que les idées sexistes sont nocives? Si oui, es-tu d'accord pour dire qu'une fois ce constat fait, il faut réagir, faire quelque chose contre ce problème? Ou au contraire, est-ce que tu dis "je vis dans ma réalité, il vit dans la sienne"? Je crois que je ne comprends pas bien ta position.

Similairement, qu'est-ce que toi tu apportes comme solution, si le langage inclusif ne te convient pas? Vu que manifestement, la langue française pose problème à une partie de la population qui ne s'y retrouve pas représentée. Est-ce que tu considères que parce qu'iels sont trop peu nombreux, les considérations de ces gens n'ont pas à être prises en compte? (Ce sont des vraies questions, pas une attaque.)



EDIT: en fait je pense que l'un des points plus larges sur lesquels on bute, c'est que l'existence même des gens trans, la reconnaissance de leur identité, qu'iels soient non-binaires ou non, c'est un enjeu et une question politique, qui est politiquement débattue.

Il n'est donc pas étonnant que les gens non-binaires et trans de manière plus générale qui veulent affirmer leur existence le fassent d'une façon qui semble autoritaire: personne n'aime débattre de la légitimité, ou de la réalité, de son existence - c'est un peu comme si leur argument consistait à crier très fort "mais j'existe, zut!" dans la figure des gens.

Il faut s'imaginer ça en se mettant à notre place: comment réagiriez-vous si des inconnu-es, des personnalités politiques comme des quidams, se demandaient ouvertement si vous existiez ou non, si vous étiez réellement la personne que vous disez être, si votre prénom est vraiment le vôtre, s'il faut vraiment utiliser le féminin pour parler de vous, et si ça fait pas un peu trop de néologismes et de changements tout ça, quand même? Si, en soi, une certaine habitude de ce genre de conversation s'instaure (tout simplement parce que c'est un événement récurrent dans la vie d'une personne trans) force est de reconnaître que c'est déroutant, et qu'il peut être difficile de répondre "comme il faut" - après tout, à trop être insistant-e on est accusé-es d'imposer nos idées, à trop être conciliant-e et dans l'explication et la démonstration, on est à la merci de la mauvaise foi, du rejet, ou de l'ignorance et du je-m'en-foutisme, et on finit par vivre dans le stress à se dire qu'il faut absolument qu'on explique bien car notre vie en dépend.

Je crois que la discussion sur la légitimité de l'adoption du langage inclusif est un reflet de cela. En-dehors des considérations féministes visant à mieux représenter le genre féminin, et tous les genres, au travers de la langue (qui est une réorganisation plus que l'introduction d'une "nouveauté") la volonté d'insérer une représentation genrée pour les personnes non-binaires au travers du langage inclusif est fortement liée à la volonté de voir leur existence reconnue pour les personnes non-binaires.
 
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