Mh... ALORS...
Moi qui suis du milieu, voilà ce que j'ai à dire :
Le bon sens populaire a toujours raison. Oui, 95% de l'art contemporain, c'est naze. Mais les 5% restants,
je vous assure, nom de dieu de nom de dieu,
que ça vaut le coup.
Mais oui, parfois j'ai honte de dire que j'appartiens à ce milieu-là, parce que je n'ai pas envie d'être associée à ceux qui font n'importe quoi
Pour ce qui est de la réception des oeuvres, il y a une chose que je trouve très néfaste (pardon
lilydouce, ne le prends pas pour toi
), c'est l'hyper médiation culturelle. Un peu, oui ; mais prendre les gens par la main, non. Le résultat de cette politique, c'est que les gens n'osent plus regarder, penser par eux-mêmes ; ils attendent qu'on leur donne "l'explication". Mais laissez-moi vous dire une chose : si une oeuvre peut être résumée à une description, ou à une explication,
c'est que c'est une mauvaise oeuvre (à quoi ça servait de se faire chier à produire un objet / une forme, si le truc tient en deux phrases).
( :exclamation: Attention, ça ne remet absolument pas en question les oeuvres "conceptuelles" des années 70, car ces oeuvres-là sont une réponse brillante au problème posé à l'époque, qui était : abstrait ou figuratif ? objet ou pas objet ?, débat sans fin et infertile, résolu donc par un court-circuit : la production d'oeuvres-idées. Qui sont en plus super efficaces formellement (chez les bons artistes, hein, comme d'hab). Et qui ont fait avancer l'histoire de la pensée, à bien des titres --notamment en donnant de l'importance au "projet" qui sous-tend l'oeuvre, histoire d'assommer un bon coup le mythe de l'artiste "magicien". Bref comme vous le voyez, ça ne tient pas en deux phrases, et pourtant j'ai essayé d'être brève )
Cette hyper médiation, en plus, accentue le malaise du public, qui ne se sent pas à sa place ("il y a ceux qui savent voir, l'élite, et il y a les autres, nous, pauvres mortels, assistés"). Alors que, laissez-moi encore être catégorique : les oeuvres ont (
doivent avoir) une ambition universelle. Par là, je ne dis pas que n'importe quel être humain sur terre
va effectivement comprendre voire apprécier l'oeuvre (surtout que les productions sont à 99,9% des "jeux de langages", qui impliquent des codes culturels ; de même pour la présentation dans les galeries, musées... c'est un consensus codé), mais que n'importe quel être humain sur terre
peut y avoir accès, et expérimenter un choc esthétique.
C'est à peu près comme en amour. Le sentiment amoureux est universellement accessible ; ce n'est pas pour autant qu'on va obligatoirement "rencontrer" (=établir un lien avec) cette personne, là, et encore mois en tomber amoureux.
Arts, amour, sciences = même combat (l'amour est le plus simple à pratiquer ; arts et sciences exigent en revanche, de nos jours, d'être hyper spécialisé ; EH OUI, on ne fabrique pas de l'art hop hop hop comme ça, "tout le monde est artiste" ; vous vous attaqueriez, vous, à un gros théorème bien compliqué si vous n'y connaissiez rien en maths / n'étiez pas au courant des dernières avancées ?! mais je parle bien de la pratique, là, pas de la réception).
Après, il est certain que pour "naviguer" dans une expo, savoir repérer du premier coup d'oeil le bon grain de l'ivraie (une marge de 2% d'erreur est tolérée
), et bien, il faut se construire une grille de lecture. Et ça, ça passe par le travail du regard ; se rendre familier aux oeuvres... C'est comme en littérature (oui, encore une comparaison
) : au début, on trouve la collection "Chair de poule" trop bien, et puis on affine notre jugement (et il y a sur le chemin de belles découvertes : "OH, mais c'est POSSIBLE que quelqu'un fasse/écrive ça ?!").
La technique des 5 catégories est un bon point de départ :
1 : c'est objectivement de qualité, et en plus, c'est ma came
2 : c'est objectivement de qualité, mais c'est pas ma came
3 : là, le mec tient quelque chose, mais formellement ce n'est pas encore ça (= relève de l'évidence lors d'une rétrospective d'un artiste, où l'on peut voir en même temps les oeuvres de jeunesse, et les oeuvres de maturité)
4 : j'ai l'impression que c'est bien, ça envoie du lourd, mais je suis pas sûr, y'a un truc qui m'échappe, j'espère que je suis pas en train de me faire arnaquer
5 : c'est objectivement mauvais, voire sans ambition et malhonnête (si ça remplit les 3 critères, vous êtes autorisé(e)(s) à le dire bien fort au milieu de l'expo
il ne faut pas passer sous silence des choses si graves) (en revanche si c'est juste un "raté" dans un parcous globalement de qualité, on se tait. Parce que ça arrive même aux meilleurs.)
Voilà, je vais m'arrêter là, parce c'est déjà bien long.
(et ouh misère, mon anonymat vient d'en prendre un coup)