Je trouve intéressante vos réflexions sur le vote qui serait une "fuite en avant" (je pense aux post d'
@Eclise mais elle n'est pas la seule). Je ne crois pas que je me l'étais formulée ainsi dans ma tête. Mais ça rejoint des réflexions que je me suis déjà faite sur l'apathie politique donc je suis assez d'accord (même si je ne suis pas abstentionniste et que je n'ai manqué aucune élection).
Alexis de Tocqueville écrivait en 1840 dans
De la Démocratie en Amérique :
On ne peut pas dire d’une manière absolue et générale que le plus grand danger de nos jours soit la licence ou la tyrannie, l’anarchie ou le despotisme. L’un et l’autre est également à craindre, et peut sortir aussi aisément d’une seule et même cause qui est l’apathie générale, fruit de l’individualisme ; c’est cette apathie qui fait que le jour où le pouvoir exécutif rassemble quelques forces, il est en état d’opprimer, et que le jour d’après, où un parti peut mettre trente hommes en bataille, celui-ci est également en état d’opprimer. Ni l’un ni l’autre ne pouvant rien fonder de durable, ce qui les fait réussir aisément les empêche de réussir longtemps. Ils s’élèvent parce que rien ne leur résiste, et ils tombent parce que rien ne les soutient. Ce qu’il est important de combattre, c’est donc bien moins l’anarchie ou le despotisme que l’apathie qui peut créer presque indifféremment l’un ou l’autre.
Je trouve ça particulièrement pertinent pour cette élection. Quand des gens parlent de "gueule de bois", je suis éberluée. Il faut qu'il y ait eu ivresse pour qu'il y ait gueule de bois. Qui s'ennivrait ces derniers années? Peut-être ces apathiques, brièvement réveillés de leur torpeur pour exiger avec hargne que ceux qui sont sobres depuis bien longtemps fassent "barrage au FN".
Est-ce que voter pour son candidat préféré permet à notre société de lutter contre cette apathie? Dans un pays comme le nôtre, le vote est le geste facile du citoyen qui croit capturer l'essence de la démocratie dans ces 10 minutes qu'il prend sur son dimanche après-midi. Le vote "barrage" laisse croire que c'est sur un parti-épouvantail que reposent toute la haine et les discriminations de notre pays, que si on en choisit un autre sans être spécialement regardant, on fera acte de résistance, que le problème vient "des autres", ces électeurs qui ont fait le mauvais choix de voter FN ou de ne pas voter du tout. Les responsables, c'est eux, pas nous!
Mais qu'est-ce qu'on fait pour l'apathie, le vrai poison de notre démocratie? On se fait une petite frayeur tous les trois ou quatre ans pour se revigorer un peu avant de retomber dans les volutes de notre apathie? Et si le "FN ne passe pas" finalement, on fera quoi? On attendra les résultats du prochain journal de 20H du prochain dimanche des prochaines élections pour sentir notre citoyenneté vibrer à nouveau?
Sinon je trouve assez symptomatique de l'état du PS en Ile-de-France que dans des circonstances aussi tendues, le parti ait fait pression sur Jean-Paul Huchon pour qu'il se retire au profit de Claude Bartolone.
Jean-Paul Huchon n'était pas mon idole de la politique mais en 18 ans à la tête du Conseil Régional, il m'a toujours plutôt convenu. Il a été élu 3 fois par plusieurs générations de Franciliens. Pour moi, c'est bien la preuve que c'est un candidat idéal pour des élections régionales qui fonctionnent beaucoup plus au rapport personnel que d'autres élections. Il bénéficie d'un capital sympathique suffisant pour râtisser plusieurs électeurs centristes en plus de contenter les électeurs de gauche.
A la place, François Hollande a préféré mettre Claude Bartolone, président de l'assemblée nationale, un quasi-symbole de tout ce que les militants de gauche déçus du PS ne supportent plus. Ce n'était vraiment pas le moment de changer de Président de région... Du coup, je trouve ça vraiment déloyal de la part du PS. Ils font leur petite soupe carriériste et clientéliste dans leur coin puis ils viennent nous faire la morale sur comment voter "pour le bien de la France" en retirant leurs listes dans certaines régions pour se donner bon genre. Commencez déjà par laisser les candidats que vous savez populaires et vous n'aurez pas autant à faire de grands discours culpabilisants à vos électeurs...
Je précise en ce qui me concerne voter SEULEMENT ne sert à rien. C'est toute l'année (selon son temps et sa volonté et ses priorité politique bien sûr) qu'il faut militer ou juste soutenir des association ou gens ( qui font se travaillent souvent bénévolement toute l'année et qui souvent récolte insultes et mépris mais arrivent à mettre en lumière des choses qui passerait au oubliette de l'histoire sans eux.
Complètement d'accord! Nous avons quand même une grande chance en France qui est de faire partie de l'Union Européenne. On ne peut pas faire absolument n'importe quoi car notre appartenance à l'UE nous oblige à respecter plusieurs règles de protection des droits civils et politiques. Donc si on agit ou soutient ceux qui agissent plutôt que d'aller juste voter sur le mode de "fais ce que dois advienne que pourra"... ben oui, on réduit déjà beaucoup les risques. Les personnalités politiques ne peuvent pas faire n'importe quoi mais pour ça, il faut qu'on leur rappelle qu'il y a des droits. Il y a plein de situations qui ne peuvent pas être "jugées" par la justice européenne ou même les hautes instances françaises si personne ne se plaint. Par exemple, une loi anticonstitutionnelle ne peut être annulée que si on saisit le conseil constitutionnel. Si personne ne saisit le conseil, personne n'annulera la loi. Et c'est comme ça pour plein de choses.
Donc oui, on a d'autres façons de s'exprimer que simplement le bulletin de vote. Ce n'est pas l'aboutissement du combat citoyen de nos jours, c'est juste le geste le plus basique de l'exercice des droits politiques et il y a plein d'autres étapes après ça.
Je voulais juste réagir sur le "passage en force" du gouvernement a propos du mariage pour tous. Sache que quand Mitterrand et son gouvernement ont fait passé l'abolition de la peine de mort, une bonne partie de l'opinion publique n'y était pas favorable. (C'est ma maman qui me la dit, moi jetais presque pas née
).
Aujourd'hui, c'est un des fondements de notre société. Et même si le sujet peut toujours faire débat, le gouvernement de l'époque à eu à légiférer sur un sujet qui concernait l'avenir de notre société. S'ils avaient écouté l'opinion, il n'y aurait sûrement rien eu de fait légalement. Même si la peine de mort n'était plus appliquée depuis des années, nos loies l'autoriseraient toujours. Ils ont légiféré sur un fait de notre société. Il le fallait.
Je réagis par rapport à ça parce que je vois souvent cet argument revenir et être utilisé par des gens pour des actions un peu opposées (du genre "allons bombarder la Syrie contre l'opinion publique car c'est le choix juste et Mitterrand l'avait fait avec la peine de mort!"). Du coup, le FN pourrait l'utiliser aussi pour dire "fermons les frontières même si plein de Français sont contre car parfois il faut prendre des décisions à leur place pour leur bien!".
Les sondages indiquaient que l'opinion publique était contre l'abolition de la peine de mort mais Mitterrand s'était déclaré pour l'abolition pendant la campagne électorale et avait inscrit l'abolition à son programme. En droit, le programme électoral n'engage en rien mais les gens qui ont voté pour lui étaient informés de ses intentions à cet égard. Cela signifie qu'il n'a pris personne par surprise et qu'il a simplement tenu ses promesses
Je n'appelle pas ça un passage en force dans le sens où si la peine de mort avait été vraiment super importante pour ses électeurs... ils ont eu le choix de ne pas voter pour lui. Et pourtant, la majorité des votants a quand même accepté la possibilité de l'abolition en l'élisant.
En plus, un résultat de sondage a peu de sens en lui-même. Il y a toujours une interprétation derrière et elle n'est pas forcément fiable. Je ne sais pas la question qu'on posait aux Français pour savoir s'ils étaient pour ou contre la peine de mort mais peut-être que beaucoup répondait "pour la peine de mort" sans avoir une opinion réellement tranchée. Bref, peut-être que les vrais opposants à l'abolition de la peine de mort étaient bien moins nombreux que ce que laisse entendre cette légende sur le courage politique de Mitterrand (je pense qu'il a eu du courage politique sur cette question mais ça n'est pas pour avoir fait passer l'abolition "en force", c'est au contraire pour avoir clairement dit
pendant la campagne électorale qu'il l'abolirait s'il était élu tout en connaissant les chiffres des sondages).
Et c'est la même chose pour François Hollande et le mariage pour tous en fait : il avait prévenu les Français qu'il le ferait et il a été élu en ayant été clair là-dessus. Pour moi, ça n'a rien d'un passage en force. En revanche, le gouvernement Hollande a fait d'autres choses pas du tout prévues au programme, et là je pense qu'on peut vraiment reprocher un passage en force.
De même que si un candidat FN est élu président de région et qu'il applique les mesures promises ben... on pourra difficilement parler de passage en force aussi rageant que ce soit
Mais ça n'oblige personne à être d'accord et à accepter passivement ce qui se passe