Bon sinon, j'étais venue pour poster un coup de gueule mais avec ma connexion internet pourrie, j'ai eu le temps de me calmer avant de partager ma colère avec vous lol.
J'ai écrit quatre pages sur Word en attendant qu'Internet remarche mais je crois que je ferai un article sur mon blog plutôt que de vous étaler mes états d'âme.
En résumé, je suis en expat à l'Ile Maurice qui a une réputation plutôt flatteuse et la plupart des touristes, des expats venus en famille et des hommes ne s'en rendent pas compte mais en fait le harcèlement des rues est très présent dans certains endroits du pays (pas de rapport avec la sécurité d'ailleurs). Ce n'est pas un harcèlement physique (en tout cas pour moi) mais bien un constant rappel que tu es une jeune femme entourée de mâles qui s'adressent à toi comme à une poupée.
Entre le boulot et mon arrêt de bus, je dois marcher environ 15 minutes le long d’une grosse route très fréquentée. C’est juste un cauchemar : je ne peux pas faire deux pas sans que les mecs dans les voitures ou sur les scooters me klaxonnent, me sifflent, m’interpellent et les non-conducteurs me regardent d’un air hilare jusqu’à ce qu’ils me perdent de vue. Parfois, ça vient de l’autre côté de la route qui est aussi large qu’une autoroute pourtant! C'est donc un festival pendant 15 minutes tous les matins et tous les soirs où je fais un effort pour avoir l'air de ne pas entendre et marcher vite.
Aujourd’hui, je ne travaillais pas. Je viens d’emménager dans une ville ultra touristique, il faisait beau, tous les couples en lune de miel se baladaient à moitié nus dans les rues sans que personne ne s’en émeuve, je me suis dit que j’allais partir me balader un peu, que ça allait passer sans problème comme ça passe sans problème quand je suis avec d’autres gens.
Hé bien moi, on ne m’a pas laissé tranquille. Je marchais le long d’une route avec plein d’autres touristes… Et pourtant, on m’interpelait moi et pas eux ! Tout simplement parce que j’étais une fille seule.
Le pire a été quand le vendeur de beignets du bout de ma rue (qui ignore que j’habite là) m’a helée en criant « Hey Blanche-Neige, viens ici Blanche-Neige » mort de rire, interpellant d’autres vendeurs en me désignant comme Blanche-Neige d’un ton lubrique et avec d’autres commentaires inappropriés.
Et selon les standards occidentaux, je suis pas particulièrement pâle... La peau blanche n'est pas non plus un truc incroyable ici vu le nombre de touristes et le fait qu'il existe une proportion de la population mauricienne installée ici depuis le XVIIe siècle qui est blanche. Bref, c'était un surnom abusif comme un autre.
Et c'est là que j'ai craqué. Aujourd'hui, j'avais juste pas le courage d'affronter le sexisme ordinaire le sourire aux lèvres.
J'ai abandonné ma découverte de la ville et je suis partie dans le centre commercial climatisé d'à côté parce que je savais qu'il n'y aurait pas de harcèlement à l'intérieur.
Super samedi aprèm hein! J'ai passé mon temps toute seule assise sur des sièges en plastique à surfer sur le wifi avec mon smartphone, à trainer dans le rayon viande du supermarché et à boire des cafés dans des gobelets en carton au lieu de profiter des plages de sable fin, de la mer turquoise et tous les trucs de cartes postales.
Mais le pire, c'est que je suis ressortie avec un legging pour mettre sous mes jupes (alors qu'il fait 30°) ainsi qu'une tunique fluide passe-partout dans l'espoir que ça réduise le harcèlement... et SURTOUT que j'ai sérieusement pensé à me teindre les cheveux dans le même objectif!
Je ne suis pas blonde selon les standards occidentaux mais sur une île où 95% de la population a les cheveux noirs ou très foncés (les habitants sont d’origine indienne, chinoise et africaine en majorité avec un pourcentage de blancs), je suis considérée comme telle. Et j’ai pensé que si je me fonçais les cheveux, on ne m’appelerait peut-être plus Blanche-Neige et peut-être même qu'on me remarquerait moins (alors que les Mauriciennes m'ont aussi raconté se faire harceler ainsi).
Bref, je suis un peu blasée de me rendre compte que je baisse les bras au point de penser à un truc comme changer mon apparence naturelle dans l'espoir d'échapper au sexisme de tous les jours au lieu d'assumer... Surtout que comparé à d'autres pays, c'est franchement tenable : comme je l'ai dit, la plupart des voyageurs ne sont pas victimes de ce problème ou ne s'en rendent pas compte (il faut être une fille seule et plutôt jeune en gros pour le vivre, et ça n'arrive pas dans tous les quartiers).
Et puis les gens ne te le font pas vraiment sentir quand tu discutes, c'est juste dans la rue, quand tu passes et qu'ils croient ne pas te connaitre ou te revoir. Encore plus lâche...