Je pensais à la question du voile et du féminisme, et je me retrouve devant une de mes incohérences.
En tant que femme non musulmane, et donc si peu concernée directement par le port du voile, je ne vois pas comment je pourrais être légitime à prétendre prendre les armes (même si elles ne sont que celles des idées) pour défendre les femmes victimes de cette "oppression", je ne vois pas pourquoi, comment et au nom de quoi je pourrais dire à une femme musulmane "Ne porte pas ce voile".
Finalement, c'est du relativisme culturel. J'appartiens à une autre culture, à une autre religion, et j'en suis consciente ; tout comme je suis consciente que par conséquent, exhorter une femme musulmane à ne pas porter le voile serait simplement de l'ethnocentrisme - une tentative à faire en sorte que cette femme calque son comportement et ses idées sur ceux d'une autre culture (la mienne, occidentale et chrétienne (par son héritage)).
Mais sur d'autres questions, à propos desquelles on invoque souvent aussi le relativisme culturel, j'ai une opinion bien plus tranchée... et inverse. Par exemple, sur la corrida, ou l'excision, questions sur lesquelles j'ai du mal à accepter les "oui, mais c'est leur culture", "oui, mais c'est une tradition".
En même temps, ces questions que j'ai prises en exemple sont par nature assez différentes puisqu'elles impliquent une domination qui va jusqu'à la mise à mort ou la mutilation - et qu'il serait tout de même, quoiqu'on puisse penser du voile, assez malvenu de mettre le voile à ce niveau-ci. Mais cela dit, j'imagine qu'il y a d'autres questions, plus assimilables, plus proches de celle du voile, qui me ferait oublier mon relativisme.
Ensuite, pour en revenir au voile plus précisément, deux choses l'une : je me dis que ce relativisme pourrait venir à deux aspects : d'abord, je ne connais très certainement pas tous les tenants et aboutissements, les raisons historiques et religieuses qui l'ont fait instauré, et je ne dois pas connaître non plus toutes les raisons - multiples puisque l'individu est un - qui peuvent encourager les femmes musulmanes à le porter (une "simple" question de foi ?) (il faudra que j'essaie de retrouver le débat (auquel @lamina avait participé par exemple - entre autres !) qui avait eu lieu sur ce topic ! (oui, ça fait trop de phrases rythmées par un point d'exclamation)). De plus, le port du voile est un geste volontaire, conscient, dont la femme est l'initiatrice : et je ne vois pas en quoi je pourrais dire à une femme comment elle pourrait se vêtir, se présenter ; et plus largement, comme je pourrais dire à qui que ce soit quoi penser, quoi croire, quoi faire. Et si le port du voile n'était le résultat que d'une influence extérieure (et patriarcale) et que toutes les autres raisons prétextées n'étaient que des prétextes (paie ta répétition) qui cacheraient la véritable raison (argument que l'on entend souvent), alors oublierait-on ainsi qu'une immense majorité de notre comportement et de nos idées se construit elle aussi par rapport à un contexte, par rapport à la société dans laquelle on évolue ? (J'irais même bien plus loin en affirmant que nous nous construisons tout entièrement par rapport à ce qui nous est extérieur, par rapport à la société et la culture dans lesquelles nous évoluons, par rapport aux gens auxquels nous sommes confrontés, etc., mais ça a peut-être un peu moins de rapport avec la choucroute).
En fait, là où je suis relativement confuse, c'est que j'ai l'impression que mon dernier paragraphe résume plutôt ma position sur le voile (et qu'en elle-même, elle se tient, elle n'est pas trop bancale, ni bouffée par les incohérences), que cette position rejoint à un moment donné le relativisme culturel, mais que je n'arrive pas à afficher ce relativisme (que je trouve "noble" et qui d'une certaine façon me convient philosophiquement parlant) devant d'autres questions.
[Edit : je repensais à ce que je venais d'écrire : en fait, mon problème du coup ne concerne pas la question du voile, mais seulement d'autres questions (les seules qui me viennent encore à l'esprit sont celles que j'ai déjà citées, comme l'excision ou la corrida, mais il y en a certainement bien d'autres) ; ma confusion vient simplement de ce débat (que j'ai constamment avec moi-même
) sur l'ethnocentrisme : à quel point peut-on le considérer bénéfique, même si on pense réellement que les idées qu'il porte pourraient construire un monde de bisounours ? devrait-on se taire à chaque fois qu'on tombe sous le joug de cet ethnocentrisme ? Peut-être aussi qu'il y a des limites aussi à la manière dont on l'exerce : il est très différent de signifier que nous (mettons les français) ne sommes pas en accord avec telle pratique ou telle pensée que de se battre pour pour imposer (ou tenter de le faire) nos valeurs (en gros, pour que le monde soit France, avec ses idées, ses pratiques, ses traditions). (Je voulais encore rajouter un truc, mais je ne sais plus quoi
) (Bon, du coup, je pense que je devrais déménager ce message à un autre topic parce que là, je me sens un peu HS
)].
(Voilà, fin de cette logorrhée totalement inintéressante. Je crois que j'avais juste besoin de mettre le schmilblick à plat et à l'écrit, et que du coup, c'est sur vous que ça tombe
).