mamiecaro;4045973 a dit :
Je voudrais répondre à celles qui s'interrogent sur les mots "culture du viol".
Effectivement, l'expression a peut-être été mal choisie car dès qu'on prononce ou écrit ces mots, on se prend toujours la même réaction : "arrête, c'est bon, ça n'existe pas, le viol n'est pas
accepté dans notre culture, il est condamné, même très fortement", etc.
Ça dénote tout simplement d'une incompréhension du terme : "culture du viol" ne veut pas dire "culture où le viol est accepté et pas pénalisé", mais bien "culture où le viol est, de multiples façons, excusé, nié, minimisé, et surtout où la responsabilité est censée être
au moins partagée entre la victime et l'agresseur".
Cette incompréhension est exactement la même que ceux qui pensent que féminisme = haine des hommes. Oui, les termes choisis peuvent prêter à "confusion", mais il suffit de demander la définition...
Et sur le sujet, j'ai repensé à un truc qui m'est arrivé il y a bien longtemps, et dont je n'ai jamais parlé à personne. Je vais mettre en spoiler parce que c'est long...
J'avais bien compris ce que l'on mettait derrière "culture du viol", simplement je ne suis pas forcément d'accord avec cette notion.
Je comprends bien ton exemple, c'est choquant, et je pense que ça nous est toutes arrivées d'avoir ce moment où on se demande si c'est notre faute...
Seulement la honte de la victime, ça ne se limite pas aux agressions sexuelles à mon avis!
Quelques exemples où le processus social est le même:
Bref on a tendance à douter des victimes, à soupçonner ceux qui sont en situation de faiblesse.
La définition que tu donnes à "culture du viol" pourrait s'appliquer à peu près tous les cas ci-dessus : "
culture où (insérer le nom d'une situation où un individu est dominé, humilié ou agressé) est, de multiples façons, excusé, nié, minimisé, et surtout où la responsabilité est censée être au moins partagée entre la victime et l'agresseur"
C'est donc en partie pour ça que j'ai du mal à voir en quoi cette définition est spécifique au viol et pourquoi il y aurait donc une culture du viol plus qu'une culture de la domination par exemple.
Par contre, je suis d'accord qu'il y a un discours qui sexualise agressivement les femmes et que ce phénomène ne peut pas se rapprocher d'autres situations. Mais c'est le mot "culture du viol" et le focus sur le viol qui me gênent parce qu'il y a des tas de situations bien plus courantes et banalisées que le viol qui impliquent une sexualisation agressive des femmes. Et même si cet état d'esprit en mène certains vers le viol, ça ne me parait pas toucher tout le monde de la même manière que d'autres attitudes agressives. "Culture du harcèlement sexuel" me paraitrait plus pertinent.
Quant à la peur lancinante des femmes de se faire violer, je ne pense pas que ça vienne du fait que la société banalise le viol mais plutôt du fait qu'elles se font harceler souvent et qu'on leur répète en permanence que le viol est un risque quotidien. Cette peur est instillée en nous en partie par le discours qui veut nous prévenir et nous protéger.
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Quant à ce que tu dis sur le sens de ce concept de "culture du viol" qui est mal exprimé mais qu'il suffit de demander la définition... C'est un peu contradictoire pour des féministes de dire ça.
Autant le mot "féministe" a été créé il y a très longtemps, a une époque où effectivement le sens de lutte des femmes en partie contre les hommes avait un sens et garder ce mot est une forme d'hommage historique, autant le concept de culture du viol est relativement nouveau.
Or ce sont les féministes qui rappelent sans cesse que les mots ont un sens, qu'ils véhiculent des valeurs qui renvoient à une certaine vision du monde et que revoir le vocabulaire, faire attention aux significations cachées est essentiel pour faire avancer une situation.
Mes amies militantes me reprennent sans arrêt quand je dis quelque chose d'aussi simple que "l'égalité homme/femme" en me disant sèchement "femme/homme" parce ça participerait à "changer les mentalités, remettre en cause le système patriarcal" que de ne pas citer l'homme en premier. C'est aussi mes copines militantes qui m'engueulent si je ne réagis pas quand on m'appelle Mademoiselle parce que même si mon interlocuteur n'a pas voulu me rabaisser, "inconsciemment il adopte une attitude paternaliste en utilisant ce mot".
Bref, si on lutte pour le Madame, la féminisation des noms ou l'ordre des genres dans une phrase, on ne peut pas se permettre de dire "ah oui ça prête à confusion cette expression mais tant pis!"
J'imagine quand même que le terme de "culture du viol" a été choisi volontairement avec tout ce que ça exprime derrière. Le but était peut-être de provoquer des réactions, de secouer.
Sauf que bon, je ne suis pas convaincue des résultats.
Car aussi comme je l'ai dit dans mon message d'avant, il faut se demander ce qu'on fait passer comme message inconscient avec ce terme... Et moi je trouve que ça a paradoxalement pour effet subliminal d'expliquer aux femmes qu'elles sont des victimes sexuelles potentielles, même si elles ne se voient pas comme ça, parce que c'est inhérent à leur société et que donc la plupart des gens les voient comme ça.
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Bref, l'article sur l'absence de viol dans certaines sociétés m'a beaucoup plus fait réfléchir que tout ce qu'on a pu me dire sur la culture du viol parce que ça a remis en cause mes repères. Au lieu de dire "il faut écouter les victimes de viol et les reconnaitre comme telles, on les soupçonne au lieu de les soutenir", on me dit "le viol n'est pas naturel et il n'existe pas abondamment partout : voilà des preuves".
Et là, tout à coup, ça change tout parce que je me rends compte que oui, je suis dans une culture du viol si je croyais que ça faisait logiquement partie de toute société. Et je réalise aussi qu'on peut changer les mentalités non pas pour "réhabiliter les victimes" mais surtout pour faire en sorte que ça devienne quelque chose qui stupéfie les gens, que ça paraisse déconnecté de la condition féminine.
Mais le sens de "culture du viol" n'est plus le même du coup.